Le 4 juillet 1989 s'est produit l'un des crashs aériens les plus connus de l'URSS tardive, se souvient le site d'information Gazeta.ru. Le pilote Nikolaï Skouridine était revenu au service du Groupe du Nord après ses vacances. Il avait effectué un vol d'entraînement sur un avion de formation pour reprendre ses marques tôt dans la matinée. Puis il devait prendre les commandes d'un avion de guerre. Le colonel était considéré comme un officier expérimenté. Sur plus de 1.700 heures de vol, il en avait passé 527 dans le cockpit du MiG-23. Le chasseur était muni de 260 munitions pour son canon de 23 mm. A 11:08, heure de Moscou, l'avion a décollé de Pologne. Mais cette fois tout ne s'est pas déroulé comme prévu.
Il était indiqué que Skouridine était diplômé de l'école supérieure de l'armée de l'air de Kharkov.
D'après la déclaration du ministre Iazov, le colonel s'est éjecté à cause d'une défaillance technique survenue en vol à basse altitude le 4 juillet, à 11 heures 18 minutes, dans une unité du Groupe du Nord en accomplissant un vol d'entraînement depuis l'aérodrome de Kołobrzeg sur le territoire polonais.
A la 41e seconde du vol déjà, les moteurs ont chuté dans les tours. Nikolaï Skouridine a remarqué un claquement dans la prise d'air gauche, une baisse de la poussée et une perte d'altitude. Il a considéré le débranchement délibéré de la postcombustion comme une panne du moteur. Il fallait prendre une décision en seulement quelques secondes. Après avoir rapporté l'incident au contrôleur des vols, le pilote s'est éjecté en se blessant au bras lors de l'atterrissage.
Mais il s'avère que le colonel n'avait pas correctement évalué la situation.
Dans l'heure qui a suivi on a assisté à une situation sans précédent: le MiG-23 a volé vers l'Ouest sans pilote. Le système de contrôle automatisé était branché, et après la remontée dans les tours l'avion est revenu à l'altitude désignée. Étant donné que le système de reconnaissance «ami-ennemi» restait branché, l'avion a franchi sans obstacles le territoire des pays du Pacte de Varsovie - la Pologne et la RDA.
C'est alors que le MiG-23 a été aperçu par les radars de l'Otan. En pénétrant dans l'espace de la RFA, il a été pris en chasse par deux F-15 américains, qui ont décollé depuis la base aérienne de Soesterberg (Pays-Bas). Ils ont rapidement rattrapé le transgresseur, qui continuait de voler à une altitude de 12 km à 740 km/h. Les Américains ont été très surpris de voir qu'il n'y avait pas de pilote aux commandes de l'avion soviétique. La situation était si extraordinaire que le contrôleur avait initialement refusé de les croire. Alors que les témoins au sol ont pensé que cette chasse aérienne faisait partie d'un meeting aérien. La terre avait donné l'ordre d'abattre le MiG-23 seulement en cas d'extrême nécessité.
«C'était quelque chose d'incroyable: un MiG-23 juste devant toi, comme sur les images étudiées pendant toute ta carrière de pilote de chasse. Sauf que cette fois tout est réel. Que fait-il ici? Pourquoi est-il seul? Or nous avions des problèmes de connexion. Sachant que nos propres services créaient un brouillage involontaire sur les ondes», a raconté par la suite le commandant de l'un des F-15 Bill Murphy, dont les propos ont été cités dans un livre consacré à ce chasseur par Steve Davies et Doug Dildy.
Entre temps, l'appareil abandonné par le colonel Skouridine avait déjà franchi l'Allemagne, les Pays-Bas, et s'enfonçait sur le territoire belge en direction de la ville française de Lille. L'imprévisibilité du vol menaçait les communes au Nord du pays. Il ne restait pratiquement aucune chance que l'appareil dévie en direction de la mer du Nord.
«Selon nos informations, c'est un cas unique dans l'aviation militaire. Du moins, je ne me souviens pas qu'un appareil quitté par le pilote ait effectué un aussi long vol incontrôlé. Le MiG-23 est comme ça. Au décollage ou à basse vitesse son aile, presque droite par rapport au plan, avec une flèche minimale, est d'une grande envergure. En quelque sorte, l'avion ne se fraie pas un chemin dans l'air, il vole vraiment. D'autant qu'il n'embarquait pas de missiles, de bombes et de réservoirs extérieurs. Mais nous-mêmes étions tout de même surpris par la distance parcourue. La portée s'est avérée plus grande qu'on ne le supposait», a déclaré le maréchal de l'aviation Evgueni Chapochnikov.
Les Américains s'apprêtaient à abattre le MiG-23 mais la situation s'est réglée d'elle-même: quand l'avion a manqué de carburant, il a commencé à perdre de l'altitude. Les pilotes du F-15 avaient réussi à déterminer que le chasseur soviétique n'atteindrait pas Lille et s'écraserait dans une zone peu peuplée en dehors de la ville. Le crash a eu lieu dans le village belge de Bellegem, près de Courtrai. Le MiG-23 avait alors parcouru 901 km. L'appareil s'est écrasé sur une ferme, faisant une victime: Wim Delaere, 18 ans. Les F-15 ont tourné pendant encore quelques minutes au-dessus de la zone du crash avant de rejoindre leur base.
«L'enquête a établi que le vol du chasseur russe avait été suivi en permanence par les radars de l'Otan et accompagné par leurs avions de reconnaissance. L'avion militaire russe n'a pas été abattu parce que le commandement de l'Otan n'était pas convaincu de l'absence de pilote dans la cabine du MiG-23. Cet exemple montre une autre approche des États envers les avions transgresseurs de la frontière nationale, pas seulement envers les militaires mais également les équipements de guerre», indique la monographie d'Alexandre Travnikov intitulé «Régime juridique de l'espace aérien. La navigation aérienne et la sécurité»
Par ailleurs, le ministère soviétique de l'industrie aéronautique et le service de maintenance aéronautique ont connu de longs différends. Il s'est avéré qu'en un an le moteur du MiG-23 était parti en réparation cinq fois, mais la commission n'avait pas réussi à établir la cause de son travail instable.
Grâce à une certaine détente dans les relations entre le ministère de l'Intérieur et l'Otan à l'époque de la perestroïka, le grand scandale fut évité. L'Union soviétique a versé à la Belgique des réparations à hauteur de 685.000 dollars. Le colonel Skouridine a présenté ses condoléances à la famille du défunt.
«Si j'avais pu prévoir les conséquences tragiques du vol sans pilote, je serais resté dans l'avion jusqu'au bout», a-t-il déclaré.
Des spécialistes soviétiques se sont rendus sur les lieux de l'incident pour déterminer toutes les circonstances du crash. La Belgique a été surtout irritée par la lenteur de la réaction des Soviétiques, notamment par leur incapacité à informer rapidement de la présence ou non à bord de l'appareil d'une arme nucléaire ou biologique. Néanmoins, la Belgique a accepté les excuses présentées au nom du gouvernement soviétique par l'ambassadeur de l'URSS. Le pays a positivement réagi au fait que les autorités soviétiques avaient immédiatement assumé la responsabilité de cet incident.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.