Son nom survole le continent et le monde entier depuis bientôt deux ans grâce à sa prouesse technologique. William Elong a créé l’exploit en lançant le tout premier service de drones civils made in Cameroun. Le promoteur de la startup camerounaise Will & Brothers et Algo Drone, dont la holding est basée en Allemagne, veut challenger les géants du secteur dans le ciel international.
Pour y arriver, ce brillant entrepreneur diplômé en stratégie et intelligence économique de l’École de guerre de Paris a annoncé en janvier dernier avoir réussi à faire une levée de fonds de 2 millions d’euros, soit un peu plus de 1,3 milliard de francs CFA. Rencontré en marge de la semaine l’innovation numérique à Yaoundé, ce passionné de la robotique dévoile à Sputnik, les ingrédients de son parcours atypique.
«Je n’ai absolument aucun diplôme en robotique ou en système embarqué. J’ai plutôt fait des études de commerce. Par contre, j’ai travaillé pour des entreprises dans le secteur de la sécurité pendant quelques années: Nexter (un fabricant de véhicules blindés) où j’étais consultant en intelligence économique et Thalès Cameroun qui offre des services de cyber sécurité. C’est à travers ces expériences de terrain dans le domaine de la sécurité que j’ai compris quels étaient les enjeux liés à la question des drones et à la gestion des données satellitaires; ce qui m’a permis de lancer ma propre entreprise», relate-t-il au micro de Sputnik.
Quand il s’agit d’évoquer sa passion pour la robotique, William Elong esquisse un long sourire avant de lâcher :
«C’est un peu comme demander à quelqu’un qui aime le piano d’où vient sa passion pour le piano. Sincèrement, je ne sais pas. L’environnement peut-être, car j’ai eu beaucoup de chances de m’intéresser très tôt à tout ce qui touche à la robotique. Ça s’est fait tout seul. Je dirais même que c’est inné», confie-t-il.
«À part la Startup Will and Brothers, il y en a une autre dénommé Algo Drone qui s’appelait au départ Drone Africa. Elle est devenue une entreprise présente dans plusieurs pays. On a donc créé un bureau en Allemagne, ce qui nous a permis de toucher l’Europe et de ne plus se concentrer seulement sur l’Afrique, parce que l’on estime que le marché mondial est vaste», précise-t-il au micro de Sputnik.
Grâce à la création de ces deux structures, William Elong réalise enfin son rêve de développer l’application Drone Africa: lancer le tout premier service de drones civils au Cameroun. Une innovation qui lui a valu d’inscrire son nom dans le cercle fermé des génies africains. Dès 2016, il figure dans le top 30 des jeunes entrepreneurs africains les plus prometteurs, classement publié par le célèbre magazine américain Forbes.
«C’est un travail d’équipe constitué par de jeunes ingénieurs, recrutés pour certains à la faculté des génies industriels à Douala et d’autres à Yaoundé. C’est aussi beaucoup d’auto-apprentissage à travers des enseignements disponibles sur Youtube et en Open source. À partir de cette main d’œuvre et de nos compétences nous nous sommes lancés dans une phase de production. On a aussi connu beaucoup d’échecs, mais on s’est relevé et aujourd’hui notre offre de service est fonctionnelle», se réjouit-il au micro de Sputnik.
«Plus de 80% de notre activité est réalisée avec des acteurs institutionnels. Par exemple, des agriculteurs qui veulent faire de la cartographie sur plusieurs hectares avec le drone. D’ autres nous sollicitent pour la promotion de sites touristiques. Nous avons couvert des chantiers de certains stades de la coupe d’Afrique des Nations au Cameroun. Je peux citer le stade Olembe, dont nous avons fait des prises de vue pendant la construction. Nous avons également des clients au Congo ou encore au Sénégal. En Afrique les sollicitations vont bon train», se réjouit-il.
«Il est fréquent qu’on me demande si les composants de mes drones sont faits au Cameroun. Non, évidemment. Même lorsque vous achetez votre téléphone made in France tous les composants ne sont pas fabriqués en France. Nous avons des composants qui viennent de différents fournisseurs à travers le monde et l’assemblage parfois est fait au Cameroun. Le point important est le savoir-faire que l’on vend à nos clients.», rassure-t-il.
Mais William Elong est, aussi, un as du financement participatif. Pour réussir ces différents challenges, Will & Brothers a réussi à mobiliser 200 000 dollars auprès de divers investisseurs lors du lancement de son projet. En janvier 2019, le jeune entrepreneur parvenait à lever 2 millions d’euros (1,3 milliard de francs CFA) de fonds annoncée au début 2018. Des fonds qui proviennent essentiellement des investisseurs étrangers même si William aurait souhaité plus d’implication des partenaires camerounais.
«J’ai soumis mon projet à des fonds d’investissements qui pouvaient s’intéresser à notre secteur d’activité. Ça marche plutôt bien. Malheureusement, on a très peu d’investisseurs locaux. C’est dommage. La taille du marché et l’ampleur des besoins en Afrique sont des éléments qui ont attiré nos premiers bailleurs de fonds et qui en attirent encore aujourd'hui», confie-t-il au micro de Sputnik.
Parmi les difficultés rencontrées par le jeune entrepreneur dans le développement de ses services de drone et d’intelligence artificielle se trouve en bonne en place le caractère nouveau de cette technologie dans le contexte local.
«Etant donné que nous sommes spécialisés dans un secteur de pointe comme ceux de l’intelligence artificielle et des drones, le grand public a des difficultés à vraiment cerner ce que nous faisons. Pour lutter contre cette incompréhension de base, nous organisons des ateliers d’information et de sensibilisation permettant de démystifier le sujet. A cause de la complexité technique, nous sommes souvent confrontés à de la désinformation; il faut, à chaque fois, revenir sur certains points pour mieux les éclairer et les faire comprendre», explique-t-il.
«Nous nous préparons activement à la conquête du marché international avec nos drones. Toutefois, il y a d’autres secteurs d’activités que nous ambitionnons d’explorer. Je peux parler notamment de la Finetech, c’est un domaine qui nous intéresse particulièrement, la cybersécurité surtout. Parce qu’il n’y a qu’un pas entre les drones, la transmission de données et les enjeux de la cybersécurité», précise-t-il.
A côté de ses multiples activités, ce geek travaille aussi à partager son expérience auprès des jeunes au Cameroun.
«Nous accompagnons des jeunes pour les inciter à créer leurs propres entreprises. Dans ce sens nous avons mis sur pied une association dénommée «Cameroon Flying Lab», une association qui entreprend de promouvoir la robotique auprès des jeunes à travers des actions dans les écoles, des universités entre autres. Je peux aussi parler du «Phoenix Lab» une association à but non lucratif basée à Douala qui offre de l’accompagnement à de jeunes entrepreneurs qui sont à la recherche d’un capital», conclut-il au micro de Sputnik.
Alors qu’il poursuit son ascension à la conquête du marché international, William Elong croit fermement que l’intelligence artificielle peut contribuer à la transformation digitale de l’Afrique et à son développement.