Parle-t-on du même personnage? Celui qui vient d’acheter le Biarritz Olympique, le président de l’Institut des Libertés ou l’éphémère candidat sur la liste Debout la France aux élections européennes? Charles Gave est un entrepreneur touche-à-tout, il gère un portefeuille d’actifs de deux milliards de dollars entre Paris, Hong-Kong et Londres et il s’est récemment investi en politique aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan.
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8% pour Les Républicains menés par François-Xavier Bellamy et 3,51% pour Debout la France, deux scores très décevants pour les tenants de la droite. Plus désabusé par la politique que par les résultats de ce scrutin européen, Charles Gave est très sévère vis-à-vis de la droite, qui ne s’est pas montrée à la hauteur des enjeux. Il rappelle également le passif de celle-ci à la tête de l’Union européenne depuis des dizaines d’années:
«Il y a deux partis de gauche en France, mais il y en a un qui s’appelle la droite. L’état de la droite en France est absolument abominable, puisqu’elle ne défend aucune des valeurs de droite. Les Républicains, qui viennent de se ramasser une solide raclée à 8%, ils sont très gentils, très compétents, mais quand ils étaient au Parlement européen, tous les élus de ce parti ont toujours voté toutes les lois, tous les règlements, etc. qui amenaient à cette perte de souveraineté de la France. La droite a trahi la nation et la gauche a trahi le peuple et vous vous étonnez qu’il n’y ait que 50% de gens qui votent. Il n’y a pas de droite en France.»
Il semble inquiet et las. Surtout après une campagne électorale où lui et sa fille ont été éjectés manu militari de la liste menée par Nicolas Dupont-Aignan, après la révélation de publications maladroites d’Emmanuelle Gave pouvant s’apparenter à des dérapages racistes. Conséquence, la presse en a fait ses choux gras durant une semaine, bien aidée par l’émission Quotidien sur TMC.
«Une jeune personne est venue ici, une journaliste insignifiante de l’Opinion, qui est venue interviewer ma fille. L’interview s’était plutôt bien passée, et elle est ressortie en disant qu’on était antisémites, parce que dans la pièce d’à côté, il y a des affiches datant de 1920, de la Russie où le héros soviétique est en train de mettre à mal des financiers, gros et vilains. Et cette jeune personne a dit, voyez c’est la preuve qu’ils sont antisémites. Or il se trouve que j’ai un petit-fils juif parce que mon fils a épousé une jeune Israélienne. Dire de moi, qui suis philosémite, que je suis antisémite, c’est une plaisanterie.»
«Il m’a dit qu’il allait devoir virer ma fille à cause de cette campagne de presse. Je lui ai dit qu’il y avait deux façons d’en sortir. On la sort à la Cyrano de Bergerac, en disant, je vous emmerde, je fais une très belle sortie du fort et je tue tout le monde et de toute façon, je n’en ai rien à foutre de ce que vous dites, vous êtes des plumitifs sans aucun intérêt. Ou vous vous couchez et dans ce cas-là, vous êtes foutus. Il a décidé de se coucher, il a viré ma fille. À partir de ce moment-là, je considérais que ce n’était pas un homme d’honneur, parce qu’il ne la défendait pas. Moi, je suis d’une famille d’officiers. Quand les troupes sont attaquées, en principe, l’officier est devant plutôt qu’au fond, en train de partir en courant.»
Est-ce que cette histoire, ainsi que la poussée vers la sortie de Jean-Frédéric Poisson ont provoqué la défaite de cette liste? Pourquoi un libéral-conservateur de son acabit, de surcroît président des Libertés, think tank de tendance libérale, s’est-il initialement rangé sous l’étiquette étatiste et gaulliste de Debout la France? Les deux hommes avaient au départ l’air de bien s’entendre et Charles Gave estimait que la priorité de la souveraineté primait sur les questions économiques:
«Parce que je pensais qu’il avait du courage. Il avait posé la question essentielle de la souveraineté. On ne peut rien changer en France si on ne retrouve pas notre souveraineté. Si on n’a plus la souveraineté sur nos frontières, si on n’a plus la souveraineté sur notre budget, sur nos taux d’intérêt, sur la monnaie, sur nos lois –qui sont toutes faites à Bruxelles–, sur notre justice, puisque la Cour européenne de Justice fait prééminence sur nos lois. À partir de ce moment-là, je ne vois pas à quoi sert un Président de la République ni un gouvernement. Puisque tout est décidé à l’extérieur par des gens qui ne sont pas élus.» Il conclut, désabusé sur l’état de nos institutions: «On a détruit la démocratie chez nous. Ça ne sert plus à rien de voter, c’est ce que les gens disent, puisque tout est décidé à Bruxelles.»
«La France a 70% de fonctionnaires par 10.000 habitants de plus que l’Allemagne. Je ne porte pas de jugements de valeur, c’est peut-être pour ça que la France est un pays où il fait bon vivre […] Qui paie? C’est le secteur privé français qui paie 70% de charges de plus pour faire fonctionner son État que le secteur privé allemand. Ça veut dire qu’il est moins rentable.
Au bout d’un an, de cinq, dix ans, si les taux de change sont fixes, toute l’industrie française va disparaître. Ce que j’essaie de dire aux gens, vous pouvez avoir 70% de fonctionnaires de plus que l’Allemagne, vous pouvez avoir un taux de change fixe avec l’Allemagne, mais vous ne pouvez pas avoir les deux à la fois. Sinon toute votre industrie disparaît, c’est ce qui est en train d’arriver à la France et l’Italie.»
Et le financier iconoclaste d’insister sur l’état de l’économie allemande, dont il faudrait s’inquiéter au plus haut point. Elle a enregistré une croissance plutôt au ralenti en 2018, de 1,5%. L’élève de Milton Friedman relève ainsi que Berlin a bénéficié trop longtemps de l’Euro, faussant les énormes profits qu’elle a retirés de son secteur principal, l’automobile:
«En Allemagne, c’est une bourse centrée sur un territoire, qui bénéficie de faux prix, de faux taux d’intérêt, de faux taux de change, pour maintenir une activité qui n’a pas de raison d’être. […] L’Allemagne est dans une situation de quasi-faillite.»
«La première chose qu’a faite Trump, c’est qu’il a supprimé mille régulations imbéciles mises par Obama. À partir du moment où vous enlevez mille réglementations sur les patrons de PME, l’économie va mieux.»