Asselineau: «Les Français sont tombés dans le piège des médias et de l’Élysée»

Lors d’un scrutin dominé par le Rassemblement national (RN) et La République en marche (LREM), le Frexit a peiné à séduire. S’il triple son score depuis les dernières européennes, l’Union populaire républicaine (UPR) a plafonné à 1,2% des voix. Son président, François Asselineau, s’est confié à Sputnik France.
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L’Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau plaçait de grands espoirs en ces élections européennes. Les 1,2% de voix obtenues par la formation opposée à l’Union européenne font office de semi-échec. Le parti du Frexit n’aura pas réussi à mobiliser comme il le souhaitait malgré un score trois fois plus important que lors des élections européennes de 2014.

​François Asselineau, président de l’UPR, s’est entretenu avec Sputnik France. Selon lui, la multiplication des listes et la stratégie élyséenne de «transformer le scrutin en un duel entre Macron et Le Pen» a pénalisé la plupart des partis politiques. Interview.

Sputnik France: 1,2% pour votre liste. Vous triplez votre score par rapport aux européennes de 2014 et l’améliorez suite aux présidentielles où vous aviez obtenu 0,92% des voix. Êtes-vous satisfait?

François Asselineau: «Non, on ne peut pas dire que je sois satisfait. Nous sommes tous un peu déçus à l’UPR. Nous espérions bien davantage. Les premiers résultats qui nous parvenaient de l’Outre-mer et des Français expatriés nous laissaient espérer mieux. Cela étant dit, nous avons effectivement multiplié par trois notre score des européennes de 2014 et l'avons augmenté d’un tiers par rapport à la présidentielle de 2017. C’est le cas de très peu de partis politiques. Ces élections européennes ont été une Bérézina pour la grande majorité d’entre eux, à l’exception de quelques formations dont les Verts. Même le Rassemblement national a fait moins bien qu’en 2014.»

Sputnik France: Comment expliquez-vous les mauvais résultats de nombreuses formations politiques de gauche comme de droite?

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François Asselineau: «D’abord il y a des raisons structurelles qui tiennent au nombre de candidatures. Il y avait 34 listes. Cela entraine une pulvérisation des votes. Deuxièmement et malheureusement, les Français se sont laissés prendre au piège que leur avaient tendus les médias et l’Élysée. Ils ont transformé ce scrutin en un duel entre Macron et Le Pen. Beaucoup de Français qui ne s’intéressent pas vraiment à la politique ont tendance à mettre dans le même sac les petites listes et à se focaliser sur le prétendu enjeux qu’on leur a mis dans la tête par médias interposés. Plusieurs partis politiques ont pâti de façon dramatique de cette situation. Mélenchon a perdu les deux tiers de son pourcentage de voix par rapport à la présidentielle, Messieurs Dupont-Aignan et Hamon ont également vu leurs pourcentages dégringoler, sans parler des Républicains qui sont passés de 20% avec Fillon à 8,5% avec Bellamy.»

Spuntik France: Quid du vote écologiste?

François Asselineau: «Il y a effectivement l’exception écologiste avec Europe écologie-Les Verts et d’autres listes plus petites comme Urgence écologie et le Parti animaliste qui ont fait des bons scores. Je l’explique par un autre phénomène médiatique. On met dans la tête des Français l’urgence écologique. Je reconnais que ces questions sont importantes. Ce qui est regrettable, c’est que les électeurs qui ont voté pour ces listes n’ont pas conscience qu’elles seront totalement incapables de mettre en place leur programme. L’UPR est exigeant dans ses analyses. Nous avons tenté d’expliquer aux Français que les députés européens n’ont quasiment aucun pouvoir et que, par définition, la construction européenne est anti-écologique. Elle favorise les délocalisations, l’agriculture intensive, elle refuse d’interdire le glyphosate etc. Plutôt que de se mobiliser pour une liste comme la nôtre qui proposait de dénoncer toutes ces dérives, beaucoup de Français ont préféré un raisonnement immédiat du type: "Je vais aller voter pour la liste écologiste car ils disent des choses avec lesquelles je suis d’accord".» 

​Sputnik France: Cette campagne vous a permis de mettre davantage le sujet du Frexit sur la table. Quand on additionne votre score et celui des Patriotes de Florian Philippot, l’autre parti proposant la sortie de l’UE, on peine à atteindre la barre des 2%. Au Royaume-Uni, Nigel Farage a triomphé avec plus de 31% des voix. Comment expliquez-vous que le Frexit peine à faire recette en France?

François Asselineau: «Je rappelle que, certes, Nigel Farage a triomphé, mais c’est une longue histoire. Son ancien parti, le UKIP, a été créé en 1993 et dix ans après il faisait des scores aux alentours de 2% des suffrages, ce qui est dans la même fourchette que nous. La montée en puissance de Farage qui, avec son nouveau parti Brexit a triomphalement remporté les élections européennes, s’est construite sur plus de 25 ans. Nous avons été créé en 2007, nous en sommes encore loin. Deuxièmement, les Britanniques ont toujours eu un fort courant eurosceptique, sans parler de médias qui sont beaucoup plus libres que chez nous. Au Royaume-Uni, de grands titres de presse comme le Daily Telegraph, de grands chefs d’entreprises, des responsables politiques d’envergures et des responsables syndicaux avaient clairement appelé à voter pour le Brexit. Le débat au Royaume-Uni est beaucoup plus libre. De même que dans les pays scandinaves. L’Islande et la Norvège ont refusé d’entrer dans l’Union européenne. La Suède et le Danemark l’ont fait, mais en refusant l’euro. C’est également le cas aux Pays-Bas où en quelques années le parti du Nexit est passé de rien à 11% des voix lors de ces élections européennes. En revanche, en France, la population a été habituée depuis 60 ans à considérer que la construction européenne ne pouvait être remise en cause avec des slogans comme "l’Europe c’est la paix". Il est très difficile de lutter contre ces idées dominantes. Cela ne peut se faire qu’avec une bonne dose de patience et d’éducation populaire. C’est ce que l’UPR fait depuis maintenant 12 ans, mais il faut donner du temps au temps.»

Sputnik France: Le RN a solidifié sa place de première force d’opposition et l’on sait que cela profite à la majorité en cas d’élections à deux tours. Les Républicains et la France insoumise ont été balayés. Les écologistes sont troisièmes et LREM a limité la casse en terminant juste derrière le RN. Macron est-il le grand vainqueur de ces élections européennes?

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François Asselineau: «Grand vainqueur, n’exagérons rien. Il est vrai qu’au bout du compte, on s’aperçoit qu’une stratégie très habile a été menée par l’Élysée. Je me demande même si le choix de Madame Loiseau n‘était pas volontaire, elle qui, à l’évidence, était totalement incompétente pour mener une liste. Il permettra d’expliquer la légère défaite de LREM et de ne pas rendre responsable Macron. L’Élysée a bien joué sa partition. Ce qui m’attriste concerne plus ceux qui pensent que le RN est une réelle force d’opposition. Ils se trompent. Madame Le Pen a totalement fait allégeance à l’Union européenne, à l’euro et à l’Otan. Si elle arrivait au pouvoir, elle en appliquerait les directives exactement comme c’est le cas en Autriche ou en Italie. Ce sont des oppositions factices. La vraie question reste celle de la souveraineté de la France ou de sa disparition dans le magma européiste. On voit bien les forces qui se sont déclenchées au Royaume-Uni pour tenter d’empêcher le Brexit. Cela m’inquiète que les Français en aient repris pour cinq ans au Parlement européen avec le RN qui a toujours brillé par son absence depuis plus de 30 ans. Ils vont continuer à ne rien faire et de toute façon vu leur peu de pouvoir, ils ne pourront pas faire grand-chose. Et pendant ce temps, la progression de la compréhension de la situation par les Français est mise à mal. C’est le vrai problème. Nous nous enracinons petit à petit dans la vie politique française et avons augmenté notre score par rapport à la présidentielle, mais tout cela reste dans des proportions extrêmement modestes. Cela s’explique aussi par le traitement médiatique dont nous avons fait l’objet. Il n’en demeure pas moins que nos scores faibles ont aussi pour cause le fait que les Français ont peur de sortir de l’UE et de l’euro.»

Sputnik France: Pourquoi?

François Asselineau: «Car il n’y a pas de débat! Lors de cette campagne, il n’y a jamais eu de discussions approfondies sur la monnaie unique. Les différences qui existent dans la balance des paiements courants à travers la zone euro font s’inquiéter un certain nombre d’économistes qui envisagent une explosion à court terme de l’euro. Cela n’a pas été débattu. J’ai peur que les prochaines générations nous demandent des comptes sur ce qu’on a laissé faire de la France. Les plus grands débats sur le destin de notre pays, sur son industrie, sa diplomatie, son armée, son siège au Conseil de sécurité de l’Onu, son arsenal nucléaire, son unité nationale, son niveau de vie, tout cela est passé à la trappe au profit de sujets préétablis comme la limitation de la vitesse à 80 km/h.»

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Spuntik France: Votre score ne vous permet pas d’obtenir le remboursement de vos frais de campagne. Mais vous avez les prochaines échéances électorales dans le viseur, notamment la présidentielle de 2022. Quel avenir pour l’UPR?

François Asselineau: «Nous avons l’avantage d’avoir plus de 37.000 adhérents, dont plus de 25.000 à jour de cotisations. Nous avons les moyens en interne de continuer à nous développer. C’est toute la différence avec beaucoup d’autres partis. Le Rassemblement national de Marine Le Pen est virtuellement en faillite. Nous avons zéro euro d’emprunt bancaire et nous comptons bien continuer ainsi afin de garder notre totale indépendance. Avant les élections présidentielles, nous avons les municipales de 2020 comme objectif. Nous allons nous réunir dans quelques jours en conseil national afin de faire le bilan des européennes et préparer les municipales. L’immense majorité de nos militants sont convaincus et veulent continuer le combat.»

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