Dans un entretien accordé à Sputnik, Ali Benouari, ancien ministre algérien du Trésor (1991-1992), expert international en finance et PDG-fondateur d'Ecofinance à Genève, a expliqué la position difficile dans laquelle se trouve l'armée algérienne pour accompagner la révolution populaire et mener en même temps la lutte contre la corruption, tout en restant dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles.
«Le plus grand danger pour la transition démocratique en Algérie est l’argent sale, qui se compte par milliards de dollars et par dizaines de milliers de milliards de dinars», a-t-il affirmé. «L’arrestation des oligarques, tant qu’ils ne sont pas jugés, n’élimine pas cette menace», a-t-il ajouté. Selon lui, «il faudrait donc, à titre conservatoire, geler les avoirs des personnes incriminées, aussi bien en Algérie qu’à l’étranger, en vertu des accords d’entraide judiciaire qui nous lient à la Suisse et à d’autres pays. Il faudrait également nommer, en attendant les décisions de justice, des administrateurs provisoires à la tête des entreprises appartenant aux oligarques, pour qu’elles puissent continuer à fonctionner sans préjudice pour l’économie nationale et les employés».
L’ex-ministre du Trésor a indiqué un second danger qui complique la transition qui «est l’urgence dans laquelle se trouve le pays pour se doter rapidement de structures politiques représentatives, en raison de la crise économique». «Si on tarde plus de six mois, la transition elle-même sera compromise», a-t-il averti, soulignant qu’«on pourrait ainsi comprendre la préoccupation de l’état-major de l’armée qui craint justement qu’un processus transitionnel classique ne puisse durer au-delà de ce délai critique». «Peu d’Algériens semblent faire le lien entre ceci et cela», a-t-il poursuivi.
En conclusion, Ali Benouari a affirmé que c’est ça qui explique «pourquoi le lobby anti-Gaïd Salah tient tant à s’écarter de la voie constitutionnelle». «Cela conduirait le pays dans un vide politique et constitutionnel qui mettrait l’armée en extrême difficulté car elle serait conduite à affronter directement le peuple», a-t-il mis en garde, ajoutant que «ce faisant elle perdrait tout son crédit, provoquerait des troubles au sein du pays et en son sein même et remettrait donc naturellement en cause l’opération "mains propres" qu’elle a déclenchée».