Les taxes chinoises sur les importations suivent les actions de Washington. Il y a deux semaines, Donald Trump a accusé Pékin d'avoir fait échouer les négociations commerciales et a décrété une hausse des taxes sur 200 milliards de dollars de produits chinois.
Le chef de l'État américain a également promis d'étendre ces mesures à l'ensemble des importations chinoises. Pékin a immédiatement réagi en annonçant que de nouvelles taxes seraient décrétées à partir du 1er juin sur 60 milliards de produits américains supplémentaires, GNL compris.
«Cette année, le marché chinois du GNL augmentera d'environ un quart», affirme Carlos Torres-Diaz, responsable d'étude du marché gazier chez Rystad Energy.
C'est dans ce but précis qu'étaient prévus la plupart des projets de construction de terminaux de liquéfaction de gaz aux États-Unis. Parmi eux: l'usine Cameron LNG lancée récemment en Louisiane avec trois lignes de production d'une capacité totale de 13,5 millions de tonnes par an.
Mais à cause de la guerre commerciale, en quatre mois les Américains n'ont exporté en Chine que 300.000 tonnes de gaz contre 1,4 million de tonnes pour la même période l'an dernier, indiquent les spécialistes de Vygon Consulting. Et suite aux nouvelles taxes, ces fournitures devront entièrement cesser.
Les nouvelles taxes chinoises poussent les Américains à se tourner vers l'Europe. La semaine dernière, deux sénateurs ont soumis d'urgence au parlement américain un projet de loi sur les sanctions contre les propriétaires de navires utilisés pour la construction du gazoduc Nord Stream 2, ainsi que les individus qui apportent un soutien financier ou technique au projet. Washington exige depuis longtemps que les Européens abandonnent le gaz de pipeline russe au profit du GNL américain.
La perte du marché chinois pourrait également faire échouer les plans d'expansion européenne des États-Unis. D'après les analystes de Rystan Energy, la Russie fournit actuellement du gaz à l'Europe au prix moyen de 5 dollars pour un million de Btu — un niveau qui correspond au seuil de rentabilité des fournitures de GNL américain en Europe. En d'autres termes, vendre leur gaz au même prix que le russe reviendrait pour les Américains à travailler sans profit.
Washington aurait pu régler ce problème en assurant des fournitures parallèles en Asie, où le prix du GNL est traditionnellement plus élevé qu'en Europe. Mais désormais, sans la Chine, l'expansion des exportations en Europe serait extrêmement désavantageuse pour les Américains.
«Les livraisons de gaz russe en Chine via l'itinéraire ouest pourraient devenir le couloir de transport de gaz le plus prometteur et le plus important», a indiqué fin avril le patron de Gazprom Alexeï Miller.
«La Chine continue d'accroître sa consommation de gaz — de 15% en 2017 et de 18% en 2018. Les importations augmentent encore plus activement: de 32% l'an dernier, jusqu'à 125,7 milliards de mètres cubes. Au final, la Chine est arrivée pour la première fois à la tête des plus grands importateurs de gaz dans le monde. La demande en gaz continuera de grandir dans ce pays, et nous sommes prêts à y répondre avec des fournitures fiables et à long terme», a-t-il souligné.