Au Festival de Cannes, six projets de films russes présentés au «Producers Network»

Film romantique et onirique, thriller endiablé ou science-fiction: trois exemples de ce que le cinéma russe peut offrir au public. Sputnik est allé à la rencontre de trois des six producteurs russes en quête de partenaires internationaux au «Producers Network» du Festival de Cannes.
Sputnik

C'est l'endroit le plus anglophone du Festival de Cannes. Tous les matins, à neuf heures pétantes, des centaines de producteurs du monde entier se retrouvent pour partager… non pas un petit-déjeuner, mais un «breakfast meeting»!

Aujourd'hui, sur la Plage des Palmes, c'est au tour de Roskino, l'agence fédérale de soutien au cinéma russe, de présenter, dans le cadre du «Producers Network», six producteurs russes qui «ont un grand potentiel pour la coproduction et la distribution à l'international». Et même s'ils sont qualifiés de «jeunes», ils ont déjà de nombreux projets à leur actif.
Voilà les histoires de trois d'entre eux…

Ivan Bolotnikov, des studios «Avtor», présente le film «Velga»

Velga, une jeune fille libre et tendre, habite au bord de la mer nordique, froide et agitée. Le récit de l'écrivain Ivan Bounine, prix Nobel de la littérature, décrit avec un minutieux romantisme l'histoire de la vie et de l'amour de cette jeune femme sauvage. Éprise de son ami d'enfance, Irvald, Velga n'hésite pas une seconde quand il faut sacrifier sa vie humaine pour le sauver, alors qu'il est perdu en mer lors de la pêche en hiver. «Tu peux lui montrer la route des îles désertes où il trouvera refuge, dit une vieille sorcière à Velga, mais tu te transformeras en mouette à tout jamais!» Rien n'arrête Velga… et désormais, nous entendons différemment les plaintes perçantes des mouettes dans les nuits de tempête.

Ivan Bolotnikov est venu au Marché du Film à Cannes pour présenter sa production “Velga”


«La réalisatrice débutante Anastasia Netchaeva est venue me voir avec ce scénario, explique à Sputnik Ivan Bolotnikov, le producteur du film, et nous sommes très contents que ce projet ait gagné un financement du ministère de la Culture.»

Le tournage doit débuter en août 2019, sur les côtes hostiles de la mer Blanche et la mer de Barents, près de Mourmansk. Puis, passé le rude hiver du nord russe, le tournage reprendra au printemps prochain. Dans le film, la légende sera transposée à notre époque. Dans un univers naturel rude et inhospitalier, la pérennité de la présence humaine est toujours une question de choix. Des choix collectifs et surtout personnels.

«Vous savez que les territoires hostiles souffrent d'une désertification en termes de population, rappelle Ivan Bolotnikov, mais cette jeune fille est comme un "esprit des lieux", elle incarne leur caractère et ne rêve pas de les quitter. Velga est elle-même la nature nordique.»

Au Festival de Cannes, le Pavillon russe avec Roskino inauguré
Le producteur russe cherche intensément un cofinancement. Il a déjà rencontré des Bulgares, mais compte bien entendu sur l'aide de Roskino au Festival de Cannes pour dénicher la perle rare.

«Nous racontons une histoire métaphorique, mais nous misons sur la magie des paysages du nord russe au lieu de faire appel aux nouvelles technologies pour faire passer l'aspect onirique de l'histoire», précise Ivan Bolotnikov.

Parlant de perle rare, le producteur en cherche surtout une pour le rôle principal, puisque pour l'instant, aucune des jeunes actrices auditionnées n'a été retenue. Il cherche «une jeune Marina Vladi», dont on se souvient en France dans le film «La Sorcière», réalisé par André Michel en 1956, une adaptation de la nouvelle d'écrivain russe Alexandre Kouprine.

«Avec la réalisatrice Anastasia Netchaeva, nous avons compris qu'il y a peu d'espoir de trouver notre Velga en Russie, dit Ivan Bolotnikov. Elle doit avoir un caractère très indépendant! On la cherche partout —dans les pays baltes, en Norvège, en France. Le rôle de Velga est la clé de voûte de tout le projet.»

Katerina Mikhailova, de «Vega Film», présente son thriller «Elle a un autre nom»

C'est l'histoire d'une «joyeuse luronne» nommée Lisa, qui se fait rattraper par son passé. Après un accident de la route, Lisa décide de faire revenir dans sa vie sa fille adolescente abandonnée à la naissance. Mais alors que la jeune inconnue s'impose de force dans une maison bien réglée et une vie de famille quasi-idyllique, le doute commence à ronger Lisa: cette adolescente, est-elle bien celle qu'elle prétend?

La productrice du “Vega Film” Katerina Mikhaïlova est venu présenter à Cannes un thriller “Elle a un autre nom”

«Nous avons dépassé l'"équateur" de la réalisation de ce projet, dit à Sputnik Katerina Mikhailova, et le matériau visionné est un reflet fidèle de notre idée du départ, c'est un pur thriller!»

Le rôle de la riche Lisa est joué par l'actrice russe Svetlana Khodtchenkova, qui participe également comme coproductrice au projet. Elle explique «se sentir en osmose total avec le personnage dès le stade de l'élaboration du scénario» et affirme que «personne mieux qu'elle ne pourrait le ressentir si viscéralement».

Le Festival de Cannes ou le Septième art face au monde moderne
La coproduction du film semble être sur de bons rails, puisque la compagnie bulgare «All Star» et l'allemande «Monumental Pictures» se sont jointes au projet. La participation de l'acteur Jakob Diehl, connu du public européen, est un atout supplémentaire pour le film.

«Maintenant, quand on a présenté les premiers rushes, tout le monde attend le film fini pour passer à l'étape suivante, le partenariat financier pour la postproduction, avant de s'attaquer à la distribution», développe Katerina Mikhailova.

Et la productrice, rassurée par les contacts qu'elle a établis à Cannes et par l'intérêt qu'elle a ressenti pour son film, n'omet pas de préciser que Vega Film espère trouver un partenaire français.

«Si même le Festival de Cannes a présenté en ouverture un thriller, je suis certaine que notre projet peut conquérir le public français», conclut Katerina Mikhailova.

Artem Vitkine, de «Revoluzzia Film», et le film fantastique «La Flamme»

Les amateurs du théâtre en Russie connaissent bien cette histoire, mise en scène à Saint-Pétersbourg en 2016 par Valeri Fokine. Maintenant, l'illustre metteur en scène revêt une fois de plus son costume de réalisateur pour projeter cette histoire, inventée par son fils Kirill, sur grand écran. Une grande fresque dystopique attend le spectateur dans «La Flamme» («Ogon», en russe): dans la relation secrète et durable entre l'Humanité et un Esprit extraterrestre puissant germe un conflit qui menace la Terre d'apocalypse. Seul un expert en extraterrestres de l'Onu, qui connaît leur vraie nature, peut trouver une issue au conflit entre ces êtres et les humains et sauver le monde.

Pour Artem Vitkine, Directeur général du “Revoluzzia Film”, la participation au Producers Network à Cannes est une possibilité de donner un coup de pouce au projet


«Pour nous, ce projet est une chance de faire un film épique sur l'arrivée des extraterrestres, mais vu à travers le prisme du cinéma d'auteur, dans la pure tradition des films de Tarkovski», s'enthousiasme Artem Vitkine au micro de Sputnik.

Quand la blockchain donne un coup de pouce... digital au septième art
Pour le jeune directeur général de l'entreprise de production «Revoluzzia Film», le film, tout en parlant d'apocalypse et de menace extraterrestre, «met au centre de son attention l'Homme, qui se retrouve face au pouvoir, qui ne veut pas abandonner ses petits intérêts au nom du bonheur de l'humanité». Mais ce n'est pas pour autant une cause perdue, puisqu'il y a «cet homme prêt à s'oublier au nom de l'intérêt de tous»

«Le message principal de notre film est: quoi qu'il se passe autour de nous, quelle que soit l'apocalypse qui nous menace, chaque homme a le choix,» assure Artem Vitkine.

Le sujet du livre, épique et global, ne pouvait pleinement être mis en valeur dans le cadre étroit d'une scène de théâtre et la production de «La Flamme» se veut d'envergure et «globale», avec un tournage à travers le monde, en Russie, aux États-Unis, au Japon et à Londres.

«C'est bien la raison de notre présence à Cannes: il est difficile de monter un projet si important sans partenariat international, confie à Sputnik Artem Vitkine. Notre deuxième objectif est de trouver pour ce projet une vedette internationale, pour donner un visage connu au film.»

Sputnik France est partenaire média du Pavillon russe du Festival de Cannes.

Discuter