Sur la Croisette, ce ne sont pas que les films qui se livrent à une féroce compétition: le Festival de Cannes est aussi le lieu où les circuits de distribution se livrent à une querelle des anciens et des modernes sans cesse renouvelée.
Mais quel est le lien entre le Septième art et cette technologie de stockage et d'échange de données, sur laquelle repose la circulation des cryptomonnaies? Pour le savoir, nous nous sommes tournés vers le Pavillon russe du marché du Film à Cannes.
C'est là que Sergueï Klimentov, manager de la start-up Movieschain de TVzavr, a éclairé la lanterne de Sputnik. La start-up, qui compte aujourd'hui plus de 70 collaborateurs, est issue d'une société de cinéma sur Internet —TVzavr- présente sur le marché depuis 2009. Et Movieschain de TVzavr est l'un de département de ce cinéma en ligne.
«Cela faisait longtemps que l'on observait de loin cette industrie, précise à Sputnik Sergueï Klimentov. Quand le programme d'investissement à haut rendement (en anglais, High-Yield Investment Program ou HYIP) des cryptomonnaies a commencé à enfler, nous avons commencé à réfléchir au meilleur moyen d'introduire notre blockchain "cinématographique".»
«En cas d'utilisation de notre système, la monnaie cryptée est immédiatement créditée sur le compte du propriétaire des droits du film, détaille Sergueï Klimentov. Ainsi, on réunit tous les avantages de la blockchain, la transparence, l'honnêteté de la distribution et la vitesse de cette distribution.»
Quel est l'avantage de l'utilisation de ce système pour l'utilisateur pro en France? En cas de règlement bancaire, le distributeur français mettrait un certain temps à recevoir le règlement effectué en Russie, et cela lui coûtera également des frais bancaires. L'utilisation de la cryptomonnaie rend le processus meilleur marché et plus rapide.
«Pour les Français, nous pouvons être utiles autant sur le marché russe, où nous avons environ 35 millions de spectateurs uniques par mois, que sur d'autres marchés, où existent nos applications mobiles et smart,» affirme Serguei Klimentov.
Et qu'en est-il du cinéphile français qui voudrait utiliser cette plateforme? La première barrière est la langue: Movieschain by TVzavr vient tout juste de s'implanter en France, aussi l'interface de leur application n'est-elle pour le moment disponible qu'en anglais et en russe. Pour le français, il va falloir attendre un peu… ou apprendre le russe!
Pour la Movieschain de TVzavr, cela ouvre des horizons:
«En ce moment, nous n'avons pas moyen d'influencer les producteurs afin que leurs films soient plus accessibles au spectateur international, regrette Srguei Koudriavtsev. Nous avons des plans de cofinancement des films via les investissements des spectateurs. Mais pour l'instant, nous entrons en scène seulement à l'étape de la distribution. Le maximum que l'on puisse faire, c'est d'adapter un film précis pour un marché précis, en ajoutant le doublage ou le sous-titrage.»
Pour mettre en œuvre ses plans grandioses, Movieschain de TVzavr dépend du financement qu'elle arrivera à réunir. Comme toutes les start-ups, elle avance par «pivots» (ou «basculements» dans le modèle du business), «en changeant le modèle du développement suite aux changements du marché».
Et le chemin parcouru est long: le concept a été élaboré en 2016, au moment de la montée d'une ICO (l'Initial coin offering est une méthode de levée de fonds fonctionnant via l'émission d'actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies), le point culminant de la levée de fonds d'investissement privés. Mais par manque du temps pour mener cette ICO à terme, Movieschain de TVzavr a développé son produit sur fonds propres. Ce n'est qu'en 2019 que la start-up a commencé à travailler avec des détenteurs de droits cinématographiques pour la distribution de leurs films.
Les droits d'auteur sont un sujet épineux dans tout le domaine de la distribution cinématographique, et même si la Movieschain de TVzavr n'a pas la prétention de devenir «une arme fatale pour le piratage du cinéma», ses managers affirment que «les pirates ont un glaive» et que leur société a «un bouclier qui nous protégeait via le DRM (Digital Rights Management) qui inclue le cryptage par le protocole AES-128».
«Notre principe est que nous n'essayons pas de combattre frontalement les pirates, explique Sergueï Klimentov. Nous fonctionnons différemment: nous présentons les films en bien meilleure qualité que ce que l'on trouve sur les sites pirates. Ainsi, le spectateur préfère-t-il visionner les films sur notre plateforme.»
Mais comme tous les distributeurs, Movieschain de TVzavr rêve de dénicher une exclusivité, d'où sa présence au Pavillon russe du festival international du film de Cannes.
«Lors des manifestations professionnelles telles que le Marché du film, nous surveillons les réseaux sociaux, nous cherchons les comédiens qui jouissent de la plus grande popularité auprès du public,» confie Sergueï Klimentov.
Au niveau de la télévision, l'entreprise a déjà essayé de se démarquer au niveau international «avec le projet Roskino, qui était davantage orienté sur la diaspora russe». Désormais, la plateforme Movieschain de TVzavr est orientée à l'international et souhaite mettre en place des films en langues étrangères.
Sputnik France est partenaire média du Pavillon russe du Festival de Cannes.