«Sébastien se sent malmené. Pas seulement lui, mais aussi ses salariés, sa femme et ses amis. Il trouve que toute cette affaire est très curieuse et injuste.»
Cela fait suite à une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui estime que 2.078 bouteilles de «Coef» 2016 d'appellation Saint-Nicolas-de-Bourgueil ont une teneur en acide trop élevée. 21,8 (milliéquivalent par litre) contre 20 maximum autorisés par les réglementations européennes, pour être précis.
Un cauchemar qui dure depuis des mois pour ce vigneron de 45 ans, qui est également président des vignerons bio du Val de Loire. Il faut dire que les coups de théâtre ont été nombreux depuis la saisie de ses bouteilles en février dernier.
«Cela commence par un contrôle et une analyse qui s'avère être un peu au-delà de la norme. Cela s'entend. Quand on roule au-delà de la vitesse autorisée, on est sanctionné. Mais ensuite, deux contre-analyses qui montrent des résultats différents ne sont pas prises en compte. Ceci a été la porte ouverte à des dérives d'expression orale qui sous-entendent que des magouilles ont été réalisées, notamment en changeant de vin. Tout cela pousse à envisager la thèse de la guerre entre l'industrie agroalimentaire et l'artisanat», déclare Christèle Chouin.
Pour Christèle Chouin, «on peut se demander si l'industrie agroalimentaire n'exerce pas de pression sur l'administration française»:
«Pour l'agro-industrie, il n'y a aucun intérêt à faire, quels que soient les produits, du sain. Et encore moins du vin. Il existe de très nombreux produits que l'on peut utiliser à la vigne et au chai quand on fabrique du vin conventionnel. C'est à se demander si l'on n'est pas capable, aujourd'hui, de faire du vin sans raisin. L'industrie regarde le bio avec méfiance, car beaucoup moins de produits sont utilisés.»
Elle note également une différence traitement entre certains des produits utilisés au cours du processus de fabrication du vin. Notamment entre le controversé glyphosate et le sulfate de cuivre, surnommé le «pesticide des vignerons bio», pourtant jugé lui aussi dangereux par ses détracteurs.
«Le cuivre est accablé par les autorités alors que c'est un produit naturel, au contraire du glyphosate qui ne l'est pas du tout. Je rappelle qu'il s'agit d'un produit cancérigène. Dans le milieu du bio, on commence à se poser beaucoup de questions au sujet de la manière dont l'agro-industrie voit les choses et au niveau du lobbying qui gravite autour de nos institutions administratives et réglementaires», explique Christèle Chouin.
Le 13 mai, Sébastien David a obtenu un répit supplémentaire. Si le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de suspension de l'arrêté préfectoral, il a promis d'examiner le plus rapidement possible le fond de l'affaire.
«Le tribunal administratif d'Orléans rejette la demande de suspension de l'arrêté ordonnant la destruction du vin de Sébastien David. Mais dans le même temps, ce même tribunal ordonne que le fond de l'affaire soit examiné à une très prochaine audience. Le combat continue!», a twitté Maître Morain, avocat du vigneron.
«Au contraire. La solidarité qui règne entre les agriculteurs bio, comme on peut le voir aujourd'hui avec l'affaire de Sébastien David, se vérifiera encore à l'avenir. Et faire bouger les lignes passe par là. Il n'y a pas de raison que cela décourage ceux qui pensent que l'on peut faire un produit sain.»
Et la solidarité semble aller bien au-delà des vignerons bio. Une pétition présente sur le site change.org et intitulée «La préfète ordonne la destruction de son vin. Soutenons Sébastien David, vigneron bio!» réunissait déjà plus de 160.000 signatures au 14 mai.
La prochaine étape pour Sébastien David interviendra après le 31 mai, suite à la clôture des échanges d'arguments entre les parties. Le tribunal pourra alors confirmer ou annuler l'arrêté préfectoral. Christèle Chouin reste positif:
«Nous avons toujours espoir. Cela fait partie de la philosophie du bio.»