n groupe d'experts spatiaux de la NASA, de l'Agence fédérale des situations d'urgence (FEMA) et de l'Agence spatiale européenne (ESA) a mené un «exercice» pour tenter de prédire les actes des politiciens et des citoyens si la Terre était menacée par un astéroïde géant de 300 mètres.
«Les experts mondiaux en astéroïdes se réunissent à Washington pour la conférence annuelle #PlanetaryDefense afin de se préparer à un scénario peu probable mais plausible de collision avec un astéroïde. Cette question a fait l'objet de nombreux films et séries, mais quelles sont en réalité les chances d'une collision avec un astéroïde et quelles seraient nos options?»
Chaque jour, pendant cette conférence, près de 200 astronomes, ingénieurs et spécialistes des situations d'urgence recevaient de nouvelles informations, prenaient des décisions et attendaient des mises à jour des organisateurs de cette expérience mise au point par un ingénieur aérospatial de la NASA, rapporte l'agence de presse AFP.
Initialement les scientifiques ont «évalué» les chances d'un impact à 1:50000. Trois semaines plus tard, ces chances ont augmenté jusqu'à 1:100, puis jusqu'à 1:10, avant d'atteindre la probabilité de 100%. Selon les calculs, le 29 avril 2027, l'astéroïde fictif devait s'écraser sur Terre, dans la région du corridor de risque traversant les territoires des États-Unis et de l'Afrique.
C'est alors que les grandes puissances spatiales européennes, les USA, la Russie, la Chine et le Japon, décideraient de construire six «impacteurs cinétiques» — des sondes destinées à percuter l'astéroïde afin de modifier sa trajectoire. Elles seraient construites en août 2024 puis lancées. Dans l'expérience, seulement trois sondes ont réussi à frapper l'astéroïde. Elles ont changé sa trajectoire, mais un morceau de 50x80 m s'est ensuite détaché de l'objet cosmique pour se diriger vers l'Est des USA.
Selon l'expérience, Washington déciderait alors d'utiliser la bombe nucléaire pour protéger les villes — une tactique déjà utilisée pour une simulation de chute d'un astéroïde sur Tokyo en 2018. Mais cette option serait abandonnée à cause des divergences politiques. Six mois plus tard, les experts prédiraient que ce fragment d'astéroïde chuterait sur New York en dévastant la ville. En deux mois les autorités américaines parviendraient à évacuer la population. Le 29 avril 2027, l'astéroïde entrerait dans l'atmosphère de la planète à une vitesse d'environ 19 km/s et exploserait au-dessus de Central Park à une altitude de 15 km.
L'énergie de l'explosion dépasserait mille fois l'énergie de la bombe atomique lancée sur Hiroshima et détruirait tout dans un rayon de 15 km, anéantissant complètement Manhattan. Aucun être vivant ne survivrait sur une superficie de presque 83 km². Toutes les fenêtres seraient brisées dans un rayon de 45km, alors que des destructions seraient observées même à 68 km de l'épicentre.
A titre de comparaison: l'attentat du 11 septembre 2001 avait tout détruit sur une superficie de 0,065 km², mais le préjudice économique s'était élevé à 2.000 milliards de dollars. Cependant, cette expérience n'explique pas comment se comporteraient les citoyens avant la «fin du monde».
«Si vous savez que votre maison va être détruite dans six mois et que vous ne reviendrez pas, continuerez-vous de payer votre crédit?», a demandé Victoria Andrews, officier adjointe de la défense planétaire de la NASA.
«Le premier pas dans la protection de notre planète est de savoir ce qui se trouve là-haut. C'est seulement ainsi que nous pourrons assez efficacement entreprendre les mesures nécessaires pour prévenir la collision avec un astéroïde ou pour minimiser le préjudice causé à la Terre», a expliqué en début de semaine Rüdiger Jehn, chef du bureau Défense planétaire de l'ESA.
La gestion d'une catastrophe d'une telle ampleur demande bien plus qu'une simple présence de spécialistes ayant eu affaire à des simulations spatiales. Le lancement de telles expériences permet d'analyser les éventuelles réponses aux nombreuses questions logistiques et sociales. Les prochains «exercices» auront lieu à Vienne en 2021, avec cette fois l'Europe dans la «ligne de mire».
Plausible, mais peu probable
Sergueï Popov, astrophysicien et professeur de l'Académie des sciences de Russie, a expliqué que l'expérience des scientifiques étrangers comportait de très nombreuses incertitudes: un morceau pourrait se détacher d'une certaine manière, mais aussi d'une autre, et ainsi de suite. Or il est difficile de prédire comment tout se déroulerait en réalité. C'est pourquoi l'agitation concernant les menaces spatiales le rend sceptique. Mais dans l'ensemble, à l'exception de l'intervalle temporel entre la détection et l'impact, le professeur a jugé les résultats de l'expérience «plausibles».
«Je dirais qu'ils ont choisi une option très dure. Je trouve qu'aujourd'hui nous nous rapprochons d'une découverte plus précoce d'objets aussi grands, sauf rares exceptions. C'est pourquoi on disposera d'un peu plus de temps pour prendre des décisions. Les astéroïdes d'un diamètre compris entre 10 et 20 km sont une menace globale. Je pense qu'il n'existe pas encore de décisions rôdées pour cela, mais elles devraient apparaître avec le temps», a déclaré Sergueï Popov.
Selon lui, si la situation simulée se produisait réellement, il est fort probable que les agences aérospatiales de la Russie, des USA, de l'UE et de la Chine uniraient leurs forces et mettraient au point plusieurs scénarios avec des plans de secours. L'un d'eux consisterait certainement à créer des missiles pour changer l'orbite de l'astéroïde ou le faire éclater.
«Je pense qu'en moins de 10 ans, sur trois plateformes différentes, se trouveront trois missiles différents capables d'accomplir cette tâche entièrement ou en partie», ajoute le professeur.
L'arme nucléaire serait utilisée seulement si les spécialistes garantissaient une probabilité de succès très élevée et si le préjudice causé à la planète par l'impact de l'astéroïde était identifié comme critique. Mais cette décision serait certainement prise après une analyse de l'opinion publique, pour savoir si les habitants de la planète seraient prêts à encourir les risques associés.