«Comme un coup de canon à bout portant»: la version du SSJ100 foudroyé passée au crible

Le SSJ100 a-t-il pu être frappé par la foudre le 5 mai avant l’atterrissage d’urgence qui a fait 41 morts? Des pilotes de ligne français, dont Pierre Zamora, qui a vécu un foudroiement en plein vol en 2016, soumettent à l’étude cette possibilité et expliquent à Sputnik comment se comporte un avion dans ce cas précis.
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De mauvaises conditions météorologiques ont pu, selon une théorie, causer dans une certaine mesure la catastrophe du Sukhoi SuperJet 100 où ont péri 41 personnes. Comme l’a indiqué le commandant de bord, Denis Evdokimov, «la connexion radio a été perdue à cause d’un éclair et l’avion est passé en mode pilotage manuel». Un rescapé de l’incendie, Oleg Moltchanov, affirme que «l’éclair a été vu», mais qu’il n’a rien entendu. Peu après, le pilote a pris la décision de rentrer car c’était techniquement nécessaire, se rappelle le passager.

Le pilote de ligne d’Air France Pierre Zamora, qui a travaillé à bord de Boeing 777 pendant dix ans, se souvient dans un entretien à Sputnik de son expérience lorsque son appareil a été frappé par la foudre en 2016.

«Pour avoir déjà été foudroyé en plein vol sur Boeing 777, je peux dire que c’est comme un coup de canon à bout portant une lumière extérieure intense et puis plus rien. L’avion continue de voler des systèmes totalement intègres», constate-t-il, ajoutant que l’avion se comporte comme une cage de Faraday (une enceinte censée bloquer les nuisances électriques et électromagnétiques).

Le foudroiement est précédé par des feux de Saint-Elme, nom donné aux décharges électrostatiques visibles sur le pare-brise, mais «on sait que la foudre ne nous tuera pas», poursuit-il.

La construction de tout avion possède un système de dérivation d’électricité et, à titre d’exemple, des avions en 2018 ont été foudroyés en Russie quelque 30 fois, mais ces vols se sont bien fini, a expliqué le PDG de la compagnie aérienne Yamal, Vassili Kriouk.

Un avion résiste habituellement bien à la foudre, mais un éclair risque tout de même d’«endommager certains systèmes de l'avion», pointe Geoffrey Blanc, pilote de ligne français.

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En fait, le courant électrique est susceptible de magnétiser les parties de l’appareil conçues en matériau ferromagnétique, est-il précisé dans un article de Boeing. En outre, passant à travers le «corps» de l’avion, le courant de haute tension peut endommager les générateurs, systèmes de distribution et d’autres appareils électriques.

Pour autant, il est encore trop tôt pour que soit effectuée l'analyse des boîtes noires, et donc, pour tirer des conclusions concernant le SuperJet 100 d’Aeroflot, souligne M.Blanc. Pour lui, dans ce cas d’atterrissage brutal à Cheremetievo, «c'est surtout le temps que les services de secours au sol ont mis à arriver au niveau de l'avion et l'évacuation des passagers qui ont été fatals».

Un entraînement visant à anticiper les situations d’urgence

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Au lendemain de la catastrophe aérienne à Moscou, se sont élevées les voix d’experts russes réfléchissant à la nécessité d’améliorer ou de modifier l’entraînement des pilotes pour qu'ils soient mieux préparés aux situations d'urgence. Concrètement, le pilote émérite russe Youri Sytnik trouve nécessaire d’introduire des formations sur l'aérodrome afin d’enseigner aux pilotes comment atterrir avec une charge minimale et maximale. Actuellement, les entraînements des pilotes russes ne se déroulent que sur simulateur, puisque les exercices en conditions réelles sont coûteux, reconnaît-t-il.

En ce qui concerne l’entraînement au sein des compagnies françaises, la tâche des formateurs consiste à «prévoir l’imprévisible» autant que possible, indique un autre pilote de ligne, Pascal Sanfilippo.

«Pour ce faire, nous insistons énormément sur les compétences comme la conscience de la situation, la gestion du vol en situation, la répartition des tâches dans le cockpit, le respect des procédures du constructeur de l’avion», explique M.Sanfilippo, admettant qu’«il arrive que les situations techniques soient tellement catastrophiques que malgré toutes ces méthodes de travail éprouvées, l’issue peut être dramatique».

En cela, selon Pierre Zamora, il est capital de rendre les situations d’urgence lors des formations les plus réalistes possibles. Or, «il est formellement interdit de "créer" volontairement une situation potentiellement problématique pour des raisons évidentes de sécurité, ce qui limite le champ d’évaluation des compétences», ajoute-t-il.

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