Moscou a salué la proposition du dirigeant américain, tout en rappelant que c'étaient justement les États-Unis qui sapaient les accords dans le secteur de la non-prolifération des armements. Le point sur les motifs de Donald Trump et la faisabilité de cet éventuel super-accord nucléaire, écrit le quotifien Vzgliad.
Moscou a réagi positivement à l'appel du président américain. Comme l'a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov, «compte tenu du rôle accru de l'arme nucléaire dans les documents doctrinaux et de sa transformation progressive en moyen susceptible d'être utilisé sur le champ de bataille, de telles déclarations ne peuvent qu'être saluées».
Sergueï Riabkov juge qu'un tel scénario est envisageable «dans le cadre d'un désarmement général et complet», mais qu'il faudra d'abord «garantir la formation d'une série de précurseurs», parmi lesquels «l'apparition d'un système de défense antimissile» et «des changements majeurs dans le secteur des armements conventionnels, l'apparition de l'armement cybernétique et bien d'autres». «C'est un thème très complexe qui n'a toujours pas été abordé sur le plan pratique lors des négociations», a indiqué le vice-ministre russe. Mais pour l'instant, selon lui, les USA ne font que saper les accords en matière de non-prolifération et de contrôle des armements.
Il prévoit la réduction des vecteurs stratégiques déployés de chaque côté à 700 unités et 1.550 ogives nucléaires; la réduction des missiles balistiques embarqués par les sous-marins et les bombardiers lourds; la réduction jusqu'à 800 unités des vecteurs déployés et non déployés de missiles intercontinentaux, ainsi que des missiles embarqués par les sous-marins et les bombardiers lourds. Le traité est valable jusqu'en 2021 à partir de la date d'entrée en vigueur (5 février 2011), à moins d'être remplacé par l'accord suivant. Il pourrait également être prolongé de 5 ans maximum (jusqu'en 2026) sur accord mutuel des deux pays.
La Russie appelle Washington à ne pas atermoyer la prolongation de l'accord et considère ce document comme central dans le domaine du désarmement.
Le second document est le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) signé le 8 décembre 1987 pour une durée indéterminée. Conformément à cet accord, la Russie et les USA se sont engagés à détruire tous leurs missiles de moyenne portée (entre 1.000 et 5.500 km) et de courte portée (500-1.000 km), et à ne plus en avoir. Au final, les arsenaux des deux pays ont été entièrement exempts de missiles de croisière terrestres d'une portée comprise entre 500 et 5.500 km.
En février, les États-Unis ont annoncé de manière unilatérale le lancement de la procédure de suspension de l'accord, ce à quoi le président russe Vladimir Poutine a réagi en signant également un décret sur la suspension du traité FNI par la Russie.
«Soit Trump ment, soit il joue un jeu incompréhensible dans le cadre de sa campagne électorale afin de se faire réélire. L'Amérique ne renoncera jamais à l'arme nucléaire car elle sait parfaitement que c'est la seule chose qui dissuade les plus grandes puissances de déclencher une guerre. Si Saddam Hussein ou Mouammar Kadhafi avaient possédé l'arme nucléaire, ils n'auraient jamais été attaqués», remarque Alexandre Domrine, professeur à la faculté de droit du Haut collège d'économie (Moscou).
«Trump comprend que l'Amérique pourrait jouer un certain rôle dans la mise en place d'une zone non nucléaire sur la péninsule coréenne. Mais ce n'est rien de plus qu'une supposition. Quand les États-Unis renoncent au FNI, c'est compréhensible. Le traité est obsolète, mais la Russie ne doit pas s'entendre avec les États-Unis en matière de désarmement tout en sachant qu'une dizaine de pays disposant de mêmes armes est apparue depuis trente ans. C'est pourquoi le message de Trump disant que Washington a besoin de s'entendre non seulement avec Moscou, mais également au moins avec Pékin, est compréhensible. Mais il est impossible de s'imaginer aujourd'hui un tel accord aujourd'hui parce qu'il ne s'agit plus de relations bilatérales, mais d'un triangle», souligne Alexandre Domrine.
De son côté, Fedor Loukianov, président du Conseil pour la politique étrangère et de défense, rappelle que ce n'est pas la première fois que Donald Trump fait de telles déclarations. «Quand le président américain a annoncé le retrait du FNI, il a dit que les États-Unis voudraient conclure un autre traité, «un accord meilleur», comme il aime si bien dire, avec la participation de la Chine également», a déclaré l'expert au site Vzgliad.
«Il n'existe aucun plan concret derrière les propos de Donald Trump: le président américain a exprimé une idée abstraite qui n'a aucune perspective aujourd'hui», souligne Fedor Loukianov.
Fedor Loukianov note également que la Chine se trouve à un «autre niveau» en matière de potentiel nucléaire. «La Russie et les États-Unis possèdent environ 90% de toutes les armes nucléaires dans le monde — ce n'est pas un secret. La Chine, dont on ignore l'ampleur de l'arsenal nucléaire, est loin derrière. Mais il existe des craintes fondées que Pékin accroisse progressivement son potentiel nucléaire. Les réserves d'armement nucléaire d'autres pays européens, de la Corée du Nord, de l'Inde, d'Israël et du Pakistan, sont encore inférieures», conclut l'expert.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.