Comment l'URSS a construit un «tueur de sous-marins»

Il y a exactement 50 ans, le 22 avril 1969, était mis à l'eau le sous-marin nucléaire K-64, premier bâtiment du projet 705 Lira. Il avait alors accédé au sommet de la chaîne alimentaire dans le monde naval, comme son équivalent animal l'orque dominait les espèces marines.
Sputnik

Grâce à ses technologies révolutionnaires, le K-64 était capable d'éliminer n'importe quelle cible en mer tout en restant intouchable. Les torpilles qui existaient à l'époque ne pouvaient simplement pas rattraper «Alpha» (codification que lui avait attribuée l'Otan), écrit le quotidien Rossiïskaïa gazeta.

Le seul armement embarqué par le sous-marin était constitué de six torpilles situées à l'avant. Le bâtiment avait été conçu pour chasser les sous-marins ennemis et pour les duels. Dans l'aviation, ces appareils portent le nom de chasseurs. Le Lira était également un chasseur, mais sous-marin. Sa coque aérodynamique faisait penser à un grand prédateur marin. Un décret spécial du conseil des ministres avait autorisé le bureau d'étude 143 de Saint-Pétersbourg (actuellement bureau Malakhit) à s'écarter des normes de construction navale militaire si une telle nécessité était fondée. Et les ingénieurs ont rempli leur mission.

Le réacteur nucléaire, qui fonctionnait sur la base d'un fluide caloporteur métallique, était capricieux et créait de nombreux problèmes de maintien de température. En revanche, le sous-marin atteignait sa vitesse maximale en moins d'une minute. Sous l'eau, il naviguait à une vitesse de 41 nœuds, soit 76 km/h. Il pouvait échapper à n'importe quelle torpille et plonger jusqu'à 450 mètres de profondeur. Le système de propulsion était compact et léger, mais la complexité de la structure du Lira est entrée dans les annales. Les soudeurs virtuoses du chantier Sevmach tordaient les électrodes et utilisaient des miroirs pour réaliser des soudures entre les tuyaux et les câbles emmêlés.

Du pont à la capsule de sauvetage: le sous-marin russe Iouri Dolgorouki vu de plus près
Avec un déplacement d'eau de 3.000 tonnes et un équipage très réduit pour la Marine soviétique — 31 hommes dont 24 officiers, 6 maîtres principaux et un seul matelot-cuisinier — le sous-marin n'était pas de grande taille.

«Quand le sonar n'est pas contrôlé par un matelot-opérateur mais un capitaine de corvette expérimenté et aguerri, il détecte des cibles qu'aucun matériel électronique n'est capable d'identifier», explique Alexeï Potekhine, qui a commandé un Lira pendant huit ans.

L'équipage a été réduit grâce à l'installation de systèmes automatisés à grande échelle. Le K-64 est devenu le premier sous-marin doté d'un système d'information et de contrôle de combat. Il surveillait la situation autour et l'état du réacteur, tandis que le sonar actif et l'armement fonctionnaient de manière autonome — même la cambuse était mécanisée. L'équipage du sous-marin était exempt de garde dans les compartiments: toutes les informations parvenaient au poste central rempli d'indicateurs, du pont jusqu'au vaigrage. Les compartiments étaient périodiquement inspectés et le quart opérationnel se composait de seulement huit hommes.

La mort du monstre: il y a 30 ans coulait le sous-marin nucléaire soviétique Komsomolets
Les Lira ont été les premiers à être dotés d'une capsule de sauvetage: en cas d'accident, l'équipage se regroupait dans une cabine flottante. Les problèmes techniques étaient nombreux, des incidents ont également eu lieu, mais en 20 ans d'exploitation des sept sous-marins de ce type aucun accident mortel ne s'est produit. Qui plus est, les marins appréciaient le projet 705 malgré sa complexité d'exploitation, le manque d'espace et le caractère nerveux du système de propulsion. Ils comprenaient que dans une bataille, le sous-marin les sauverait grâce à ses performances uniques.

Les torpilles pneumo-hydrauliques spécialement conçues pour le K-64 permettaient de tirer quelle que soit la profondeur. La coque non magnétique du sous-marin était recouverte d'un revêtement spécial absorbant les signaux des sonars. Même détecté, le Lira pouvait échapper à une attaque en accélérant ou en manœuvrant; avant de lancer lui-même une attaque en faisant un demi-tour en moins d'une minute.

Pendant leur exploitation, ces sous-marins ont pas mal gâché la vie aux sous-mariniers américains. Ils sortaient dans les zones de garde opérationnelle des sous-marins stratégiques américains, trouvaient l'ennemi et ne le lâchaient plus. La propulsion révolutionnaire du Lira faisait beaucoup de bruit malgré tous les amortisseurs, et les sous-mariniers américains savaient qu'ils étaient dans leur ligne de mire. Mais ils n'y pouvaient rien. Les missions de garde y étaient très nerveuses.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

Discuter