Ces derniers mois, les yeux du monde entier sont rivés sur le Venezuela et les journalistes avares de scoops se sont rués à Caracas des quatre coins de la planète, suivis par les hommes d'affaires cherchant à défendre leurs intérêts commerciaux dans ce pays dans le contexte des turbulences politiques.
Cependant, personne ne pensait que l'accident du 7 mars au barrage de Guri, qui a provoqué la plus grande coupure d'électricité de l'histoire de la république bolivarienne, allongerait ainsi leur séjour.
Certains attendent patiemment dans les files d'attente des guichets d'enregistrement, d'autres se sont installés dans les cafés ou encore sont assis ou couchés sur leurs valises dans l'attente de nouvelles informations. Les visages couvrent tout l'éventail des émotions, avec une prédominance d'incertitude, de fatigue et de colère.
«Cela fait plus d'une semaine que nous ne pouvons pas repartir avec mon mari», déclare Teresa, Espagnole de 63 ans. «Nous avons paniqué en apprenant que notre vol était annulé. Rester coincés à Caracas, l'une des villes les plus dangereuses, ne faisait pas partie de nos plans. Depuis, nous sommes revenus deux fois ici, mais en vain. Ceux qui arrivent à l'aéroport dans l'espoir de repartir du premier coup seront très déçus.»
«L'air conditionné et les tableaux électroniques ne fonctionnaient pas, l'enregistrement était manuel, les bagages étaient transportés sur des chariots. Tous les cafés et la plupart des toilettes étaient fermés. La chaleur était insupportable, même les murs en béton n'aidaient pas, et les gens se sentaient mal à cause de la chaleur. Certains perdaient leur sang-froid: les passagers en colère se querellaient avec les représentants des compagnies aériennes. On essayait de les calmer, on les invitait à attendre, mais je crois que cela les mettait encore plus en colère», a-t-il déclaré.
Comme pour confirmer ses propos, un hoquet retentit derrière lui: un enfant qui dormait paisiblement dans les bras d'une femme se réveille et commence à pleurer. Les gens autour s'efforcent de garder leur calme, sur leurs visages épuisés on peut lire l'indifférence envers tout ce qui ne leur promet pas un retour rapide chez eux. On entend parfois des exclamations de joie et des applaudissements: ce sont les chanceux qui ont obtenu leur ticket d'embarquement et fêtent leur victoire. Ils sont raccompagnés par les regards jaloux de ceux qui n'ont pas eu cette aubaine. Les files avancent très lentement, et ces derniers jours il est recommandé de venir à l'aéroport au moins 5 heures avant l'heure prévue du décollage.
«La crise énergétique au Venezuela cause des problèmes non seulement aux passagers, mais aussi à nous», commente la représentante d'une grande compagnie européenne desservant Caracas.
«Nous recevons actuellement de nombreuses plaintes concernant le service, même si dans les conditions actuelles nous faisons tout ce qui est dans notre pouvoir. Nous ne sommes pas responsables du retard des vols, nous sommes également pris en otage de la situation dans le pays», ajoute-t-elle.
Ceux qui n'ont pas réussi à partir à la date prévue ont le choix entre rester à l'aéroport ou revenir dans la ville. La seconde option n'est pas simple car il est interdit aux taxis de se garer à proximité de l'aéroport, et il est impossible de commander une voiture par téléphone en l'absence de réseau et d'internet.
De plus, suite aux longues perturbations de l'approvisionnement en eau et en électricité depuis le week-end dernier, plusieurs réseaux hôteliers populaires auprès des étrangers ont commencé à annuler les réservations de leurs clients. Or rester sans logement à Caracas est un sort peu enviable.
Les locaux ironisent en disant qu'en venant ici pour la première fois les gens traversent une sorte de parcours du combattant, et qu'un tel séjour est une expérience certes peu agréable, mais impossible à oublier.