Justin Trudeau était déjà sur des charbons ardents, le voilà maintenant au supplice, à l'approche de la prochaine campagne électorale. Depuis l'éclatement du scandale d'ingérence lié à la société SNC-Lavalin, la cote de popularité de Trudeau a dramatiquement chuté dans les sondages. Le chef du Parti conservateur et de l'opposition officielle, Andrew Scheer, demande la démission du Premier ministre.
«J'ai malheureusement perdu confiance en la façon dont le gouvernement a géré ce dossier [l'affaire SNC-Lavalin, ndlr] et sur comment il a répondu aux enjeux soulevés», a affirmé Mme Philippot dans sa lettre de démission.
Le Parti libéral du Canada (PLC), la formation de Trudeau, semble plus divisé que jamais. Il est assez rare que des ministres démissionnent à l'approche d'une campagne électorale. Rappelons qu'avant la démission de Mme Philippot, le principal conseiller de Justin Trudeau, Gerald Butts, a également quitté son poste. D'un point de vue stratégique, il s'agit d'une véritable catastrophe pour le PLC. Ses experts en communication devront redoubler d'efforts pour faire oublier cet épisode à l'électorat.
Le parti de Trudeau profondément divisé
Outre ces luttes internes, l'affaire SNC-Lavalin a fait rejaillir la question de la corruption au Québec dans les médias anglophones. Depuis plusieurs années, le Québec est vu comme une province «corrompue» ailleurs au Canada, notamment en raison de plusieurs scandales de collusion qui y ont éclaté.
Le monde municipal serait particulièrement touché par ce phénomène. La Ville de Montréal est reconnue pour les liens que certains de ses fonctionnaires auraient entretenus avec le crime organisé. En 2010, le célèbre magazine Maclean's titrait que le Québec était «la province la plus corrompue», ce qui avait provoqué un véritable scandale à l'époque. Les Québécois s'étaient indignés.
Plusieurs enquêtes ont tenté de faire la lumière sur la corruption au Québec, mais tout est loin d'être réglé, ce qui suscite parfois la méfiance, voire le mépris d'une partie du Canada anglais. En 2011, une commission historique avait été mise sur pied pour tenter de trouver une solution au problème. La Commission Charbonneau s'est penchée sur l'octroi des contrats publics dans l'industrie de la construction, mais des contrats publics seraient encore octroyés à des entreprises liées au crime organisé.
Le scandale SNC-Lavalin a été vu comme une manifestation supplémentaire de la «culture de la corruption» au Québec. Rappelons que SNC-Lavalin est une firme d'ingénierie québécoise basée à Montréal. Dans l'Ouest canadien en particulier, une partie de la population reproche au Premier ministre d'avoir voulu protéger une entreprise corrompue au lieu d'aider l'industrie pétrolière. Les Gilets jaunes canadiens manifestent d'ailleurs contre la taxe carbone du gouvernement Trudeau, qu'ils jugent nuisible pour cette industrie et la qualité de vie de la classe moyenne.
Corruption au Québec: l'Ouest canadien en colère
Certains chroniqueurs souverainistes relativisent toutefois l'importance de la corruption au Québec, en pointant plutôt la haine que les Canadiens anglais entretiendraient à l'égard des Québécois, le «Québec bashing». Selon le sociologue Mathieu Bock-Côté, Justin Trudeau est discrédité parce qu'il a tenté de sauver une entreprise québécoise:
«Mais derrière l'intégrisme éthique de Jody Wilson-Raybould et l'enthousiasme qu'il suscite au Canada anglais, on peut voir remonter à la surface la vieille tentation du Québec bashing. Qu'il y ait un problème de gouvernance à SNC-Lavalin, tous en conviennent. Il faut être absolument culotté pour croire qu'un tel problème est spécifiquement québécois. Mais le Canada anglais, qui nous aime tant, est convaincu au fond de lui-même de la corruption fondamentale des Québécois», écrit Mathieu Bock-Côté le 2 mars 2019 dans le Journal de Montréal.