Les Saoudiens sont-ils prêts à renoncer au luxe?

Les décennies de boom pétrolier ont significativement changé le mode de vie en Arabie saoudite, transformant l'ancienne société bédouine en la plus riche économie du Moyen-Orient disposant d'un accès aux bienfaits de notre époque. Cependant, les revenus pétroliers du pays ont diminué et certains citoyens doivent aujourd'hui «se serrer la ceinture».
Sputnik

Selon les statistiques officielles, l'Arabie saoufdite compte plus de 32 millions d'habitants, dont un tiers — soit la moitié de la main d'œuvre — est constitué de migrants, écrit le site d'information Vestifinance. D'après la Banque mondiale, le PIB nominal s'élève à 20.700 dollars par habitant, soit le 36e indice mondial et l'un des plus élevés au Moyen-Orient.

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La vie s'écoule en Arabie saoudite de manière très paisible. Contrairement aux monarchies arabes voisines, il n'y a pas d'établissement de divertissement et c'est seulement récemment que le cinéma a été autorisé. Les hommes passent leur temps à fumer la chicha, alors que les femmes font du shopping et remplissent les obligations ménagères. Grâce aux vastes réformes du prince héritier Mohammed ben Salmane, depuis quelque temps les femmes ont été autorisées à conduire et à visiter les stades, ce qui ne signifie pas pour autant l'abandon des canons publics patriarcaux. Ces derniers s'expliquent par la forte influence du clergé wahhabite conservateur et du patrimoine bédouin.

L'Arabie saoudite occupe près de 80% du territoire de la péninsule arabique, avec un écart considérable entre la vie dans les grandes villes, comme Riyad ou Djeddah, et les régions rurales. A noter également des différentes significatives à l'intérieur des mégapoles avec une séparation nette entre riches et pauvres au sein de la population saoudienne, ainsi qu'entre les travailleurs étrangers. Par exemple, si les migrants d'Inde et du Pakistan vivent généralement dans des appartements étroits en banlieue, les travailleurs occidentaux vivent dans des quartiers résidentiels sécurisés avec un mode de vie plus habituel pour eux.

Le pétrole fait la force

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Les produits pétroliers représentent plus de 90% des exportations saoudiennes. En 2016, elles ont rapporté au pays 163 milliards de dollars (44,3% du PIB). Ces derniers temps, la hausse de la consommation a ralenti au royaume à cause de la baisse des revenus pétroliers. En 2017, le PIB du pays a diminué de 0,7% et le budget reste déficitaire à ce jour. Par conséquent, même si l'augmentation de la consommation privée en 2018 était d'environ 2,5% au lieu de 1,5% un an plus tôt, elle reste très modeste.

Pour maintenir l'économie à flot, les autorités du pays ont décidé d'augmenter la TVA, qui s'élève à 5% depuis le 1er janvier 2018. En a découlé une hausse des prix sur de nombreux produits ménagers, ainsi que sur les services communaux. Pour ces derniers, des allocations spéciales sont prévues pour les familles pauvres. Le montant des aides pour l'essence a diminué également, ce qui a augmenté son coût pour la population. Dans les grandes villes, le prix moyen d'un litre de lait est de 1,20 euro, d'une douzaine d'œufs 2, 20 euros, d'un kilo de pommes de terre 0,90 centimes, d'un kilo de tomates 1,30 euro. Un appartement de 85 m² est loué en moyenne 660 euros, et les services communaux coûtent en moyenne 130 euros.

Bien que la majeure partie de l'immobilier appartienne à l'État, les nouvelles lois permettent également aux étrangers d'acheter un bien. Ceux qui achetaient un appartement auparavant devaient verser la somme totale de leur propre poche ou obtenir un emprunt dans le cadre de la finance islamique, faute de format habituel de prêt immobilier.

La pauvreté n'est pas un vice

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Le taux de pauvreté dans le royaume est mesuré sur la base d'un revenu mensuel d'environ 480 dollars par habitant. Il est très difficile de vivre avec un tel budget — et le plus souvent c'est la somme reçue par les habitants de la province et des régions rurales. Des allocations publiques sont prévues pour les autochtones. Près de 10,6 millions de personnes ont bénéficié l'an dernier de ces prestations sociales forfaitaires variant entre 80 et 250 dollars.

Cependant, il n'y a pas de statistiques sur le salaire moyen, qui varie énormément. Par exemple, si un travailleur étranger venu d'Inde peut accepter de travailler pour 1.000 ou 2.000 dollars par mois, parmi les Occidentaux venus des USA ou du Royaume-Uni le salaire moyen est de 8.000 dollars. D'après les informations officielles, le pays compte entre 2 et 3 millions de pauvres parmi la population autochtone, soit 6-10% de la population. Un taux aussi bas, à l'échelle locale, permet aux autorités de dire que la pauvreté n'existe pas dans le pays. D'autant que de nombreux Saoudiens, notamment âgés, sont convaincus qu'il n'existe aucun problème de pauvreté et que les discussions à ce sujet humilient le pays et la société — et sont donc politiquement incorrectes.

Les premières tentatives d'attirer l'attention sur le problème ont commencé au début du siècle. Le prince héritier de l'époque, Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud, avait effectué une visite pratiquement historique dans un quartier pauvre de Riyad, et en arrivant sur le trône avait signé plusieurs décrets visant à soutenir les couches de la société dénuées de protection sociale.

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Aujourd'hui, plus de la moitié des subventions de l'État est destinée aux femmes, parmi lesquelles le taux de chômage atteint 35% selon certaines informations. Parmi d'autres groupes affichant un fort taux de pauvreté se distinguent les personnes handicapées, les habitants des régions rurales, des banlieues et la population chiite. Afin de lutter contre les problèmes sociaux, l'État alloue régulièrement des fonds conséquents pour les allocations sociales et les prestations autres que l'éducation et la santé, déjà gratuites.

Cependant, la baisse des revenus pétroliers, dont les réserves pourraient s'épuiser au royaume d'ici 70 ans, le déficit budgétaire et les plans grandioses de réforme pour y remédier, pourraient foncièrement changer le système actuel. Si pratiquement tous les migrants travaillent dans le secteur privé, la majeure partie de la population locale travaille dans le secteur public dont l'efficacité laisse à désirer. A ce sujet, les projets de Mohammed ben Salmane de renoncer aux subventions, d'accroître la privatisation, de réduire le secteur public et de construire une économie compétitive, exposés dans le grand programme de réformes économiques Vision-2030, paraissent très ambitieux.

Bien que les années précédentes aient été marquées par une croissance dans le secteur privé, ainsi que des réformes efficaces pour améliorer le climat d'affaires, il y a des raisons de croire que la mise en œuvre de tels projets à moyen terme pourrait être accompagnée par une hausse du chômage, une baisse des revenus et, par conséquent, une augmentation de la pauvreté.

La force de l'habitude

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Selon une récente étude de la société McKinsey & Company, plus de 55% des habitants ont commencé à mettre davantage d'argent de côté depuis deux ans. Pour une population habituée à un mode de vie dépensier au cours des années de boom pétrolier, c'est une sorte de révolution, dont les conséquences sont difficiles à prévoir. Certains analystes parlent sérieusement de changements des anciennes habitudes de consommation au profit de marques plus économiques. Par exemple, si auparavant les habitants d'Arabie saoudite n'hésitaient pas à dépenser des sommes considérables pour s'habiller chez Harrods et Hermès, ainsi que des milliers de dollars pour le parfum Oil, aujourd'hui de tels achats sont plus sélectifs et bien moins fréquents.

Autre indicateur: les ventes de la marque relativement bon marché Hyundai ont augmenté, lui permettant d'occuper la quatrième place du marché des voitures neuves dans le royaume, ce qui est également très inhabituel pour les habitants locaux connus pour leur penchant pour les marques européennes et japonaises, très nombreuses dans les rues chargées de Riyad.

Cependant, tout le monde n'est pas prêt à renoncer à ses habitudes. Selon cette même étude, 35% des habitants interrogés ont déclaré qu'ils étaient prêts à acheter leurs marques favorites indépendamment de leur prix. Les années de boom pétrolier ont créé au royaume un groupe social gâté par un afflux d'argent facile, et seule une fracture radicale dans la structure des revenus du pays pourrait renverser la situation.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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