Crise des Gilets jaunes, crise de l'État-nation? Des universitaires ouvrent le débat

À l'heure de la crise des Gilets jaunes et du Grand débat national, mais aussi à l'approche des élections européennes, un collectif d'auteurs sort un recueil d'essais qui pose une question d'actualité politique: «Qu'est-ce qu'une nation en Europe?» Éric Anceau, l'un des directeurs de l'ouvrage a présenté le fruit de ces travaux à Sputnik.
Sputnik

Un «No borders —no nations», graffé sur un mur surmonté de barbelés, en guise de sous-titre du livre «Qu'est-ce qu'une nation en Europe?»: si cet ouvrage collectif ne renie pas ses origines universitaires, il revendique aussi son ancrage dans l'actualité et témoigne que le Grand débat national est loin d'être le seul espace de réflexion dans le pays.

«Nous avons voulu une couverture-choc qui ne représente pas forcément les points de vue exprimés dans ce livre, mais qui fait réagir l'opinion, explique à Sputnik Éric Anceau, l'un des directeurs de cette publication. Je ne vous cache pas que notre livre se vend bien.»

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L'idée du livre est partie d'un colloque reprenant les grands axes de la célèbre conférence d'Ernest Renan du 11 mars 1882 à la Sorbonne. Rappelons-nous qu'à l'époque, le grand philosophe français définissait la nation comme «une âme et un principe spirituel», ainsi que par «le désir de vivre ensemble». De grands principes dont le sens a changé au cours des transformations historiques, où les États-nations de l'Europe du XIXe et de la première partie du XXe siècle ont été remis en cause par les constructions supranationales, au premier plan desquelles, l'Union européenne.

«Beaucoup d'intellectuels remettent en cause l'idée même de l'État-nation, d'autres considèrent que c'est le cadre incontournable de l'épanouissement des démocraties, explique Éric Anceau. Nous avons voulu rouvrir le débat avec des sociologues, historiens, politistes et philosophes.»

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Ce n'est pas pour autant que la réflexion reste purement théorique. Le duo de directeurs de l'ouvrage, l'historien Éric Anceau et le philosophe politique Henri Temple, voient «indéniablement un rapport entre le mouvement des Gilets jaunes et le débat sur l'État-nation.»

«Beaucoup de Gilets jaunes n'en ont pas forcement conscience, mais dans les difficultés économiques qu'ils rencontrent, la question de l'UE et la contrainte qu'elle impose aux différents États-nations expliquent la différence des niveaux de vie», analyse Éric Anceau.

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Les images relayées via les réseaux sociaux où on voit des Gilets jaunes décrocher le drapeau de l'Union européenne des façades d'institutions est une preuve pour l'historien «qu'ils font le lien entre les difficultés qu'ils rencontrent au quotidien et l'UE».
Mais ce n'est pas la seule chose qui inquiète Éric Anceau:

«Ce qui est dramatique aujourd'hui, c'est une forme de pensée unique qui empêche les universitaires qui ne pensent pas comme des élites gouvernementales, d'exprimer leur pensée, s'insurge l'universitaire. Ce que nous voulons, c'est le débat. Le débat contradictoire.»

En attendant de retrouver le débat universitaire sur les plateaux de télévision, le lecteur peut se procurer le recueil d'essais «Qu'est-ce qu'une nation en Europe?», édité par Sorbonne Université Presses, sous la direction d'Éric Anceau et Henri Temple, pour se forger son opinion. Une lecture enrichissante à l'approche des élections européennes.

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