La tension est-elle montée d'un cran entre l'Iran et Israël? L'État hébreu a frappé dans la nuit du 20 janvier plusieurs cibles du gouvernement syrien et de son allié iranien. D'après Tsahal, il s'agissait d'objectifs appartenant à la Force al-Qods des Gardiens de la Révolution, située à l'aéroport de Damas et d'entrepôts de munitions, d'un centre d'entraînement et d'un autre de collecte de renseignement. Des batteries syriennes ont également été visées, selon le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, porte-parole de l'armée israélienne.
Officiellement, ces attaques répondaient à un tir de missile iranien visant Israël. Eyal Zisser, vice-recteur de l'université de Tel-Aviv et cité par La Croix, pense que les prochaines élections qui auront lieu le 9 avril en Israël jouent un rôle dans cette décision. C'est également le cas du politologue franco-syrien Bassam Tahhan. D'après lui, Benjamin Netanyahou, se sachant empêtré dans un scandale de corruption, veut montrer ses muscles avant le scrutin, tout en testant les nouvelles capacités de défense aérienne de Damas. L'expert pense également que la décision de la France de rester en Syrie malgré le retrait américain a beaucoup à voir avec la situation politique précaire d'Emmanuel Macron. Entretien.
Bassam Tahhan: «Elles obéissent à des impératifs électoraux pour Benjamin Netanyahou. Il fait l'objet de soupçons dans des affaires de corruption. Les élections approchent en Israël et il est en difficulté. Il se positionne donc en dirigeant d'un pays qui doit faire corps contre un ennemi extérieur. Il se pose en protecteur d'Israël. C'est de la surenchère. D'autant qu'il a obtenu des garanties de Poutine afin que les Iraniens qui sont en Syrie se tiennent à distance respectable de la frontière israélienne. Ce qui rend d'autant plus étranges les déclarations de l'État hébreu qui dit que ces frappes ont été menées en riposte à un tir de missile sol-sol vers Israël de la part des Iraniens présents en Syrie.»
Sputnik France: Il n'y avait donc pas d'objectifs militaires?
Bassam Tahhan: «La seconde raison est à chercher du côté de la défense contre l'aviation (DCA) syrienne. Suite à l'abattage de l'avion russe en septembre dernier et pour lequel la Russie avait accusé Israël, Moscou a doté la Syrie de nouvelles armes antiaériennes, dont les célèbres S-300. Mais il y a également les systèmes Bouk-2 avec des radars très performants ou les Pantsir, plus anciens, mais néanmoins efficaces. Tout cet attirail permet à Damas d'avoir une DCA solide.
Bassam Tahhan: «Les relations sont tendues. Maintenant, il est tout de même difficile de savoir quelles cibles ont réellement été visées par Israël. Les médias occidentaux accordent malheureusement une très grande crédibilité à la parole de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, un organisme basé en Angleterre et qui est très peu crédible. Je pense que ce n'est pas dans l'intérêt d'Israël de continuer à agir de la sorte. Si les Iraniens ont réellement tiré vers Israël, il s'agissait d'un test. Mais imaginez que le Hezbollah et la Syrie tirent quelques 2.000 missiles par jour vers Israël.
Sputnik France: Que voulez-vous dire?
Bassam Tahhan: La France a décidé de rester [en Syrie, ndlr] malgré le retrait américain. Pourquoi? Tout d'abord, à l'instar de Netanyahou, Macron est en difficulté au niveau intérieur. La crise des Gilets jaunes n'en finit pas et certains en viennent à demander sa démission ou sa destitution. On questionne même la possibilité qu'il finisse son mandat. Il fait donc un coup d'éclat au niveau de la politique extérieure. Un moyen de bomber le torse et d'endosser le costume du chef de guerre qui ne quitte pas la Syrie. Paris dit rester pour combattre Daesh.
Sputnik France: Il y a également des intérêts financiers en jeu…
Bassam Tahhan: «Les Français voient un marché de choix dans la région. Notamment pour leurs canons Caesar, qui coûtent plusieurs millions d'euros l'unité. Ces armes ont déjà été installées en Irak. Paris en a vendu plusieurs dizaines à l'Arabie saoudite. Et maintenant, elle veut les vendre à l'Irak. Mais c'est un jeu dangereux. Une fois les États-Unis partis, la France va rester isolée. Et l'espace aérien syrien pourrait devenir périlleux pour les avions de chasse français. Paris a déjà énormément de mal à vendre ses appareils. Commercialement, cela serait terrible si la DCA syrienne venait à descendre un Rafale.»