À en croire une enquête publiée par Associated Press, c'est pendant des décennies que plusieurs cas d'abus sexuels ont été occultés au sein de l'Église catholique en Inde. Bien que l'envergure du problème ne soit pas jusqu'à présent circonscrite, à cause de ce que l'agence qualifie de «puissante culture du silence», certains religieuses ont pris le risque de parler franchement de ce qui leur était arrivé.
Selon AP, la première religieuse à avoir parlé était une sœur âgée de 44 ans de l'État indien du Kerala. Elle a accusé l'évêque Franco Mulakkal de l'avoir violée à 13 reprises entre le 5 mai 2014 et le 23 septembre 2016. Après que ses multiples plaintes envoyées aux autorités ecclésiastiques locales sont restées sans réponse, la religieuse a dû s'adresser cet été à la police.
Dénonçant ces accusations comme «infondées et montées de toutes pièces», l'évêque a toutefois passé trois semaines en garde à vue avant d'être libéré sous caution.
«J'ai vécu une agonie», a-t-il dit en parlant du temps passé en prison tout en appelant les fidèles à prier pour lui pour que «la vérité triomphe», rappelle AP.
Selon l'agence, l'«action sans précédent» de la religieuse a divisé la communauté catholique locale à tel point que des sœurs qui ont soutenu la victime sont désormais traitées de «parias» par d'autres qui croient toujours en l'innocence de l'évêque.
«Certaines personnes nous accusent de travailler contre l'Église, d'être contre l'Église. Elles disent: "Vous adorez Satan"», confie à l'agence sœur Josephine Villoonnickal avant de souligner que ceux qui soutiennent la victime veulent seulement «défendre la vérité».
Selon sœur Josephine, toujours citée par AP, la victime, entrée dans les ordres en 1994 après plusieurs années passées au sein de la communauté Missionnaires de Jésus, ne se représentait sa vie hors de l'Église.
«L'évêque est une personne si puissante que si elle lui avait résisté, où aurait-elle pu aller? […] Elle lui a souvent dit de s'arrêter. Mais chaque fois, il l'a forcée», explique sœur Josephine à l'agence.
De nombreuses religieuses interrogées par AP disent que parler des problèmes de l'Église pourrait les conduire à quitter leurs couvents où il n'y aurait plus la place pour elle.
«J'ai la peur d'être isolée si je dis la vérité […] Si vous faites cela, vous devez vous opposer à votre propre communauté, à vos propres supérieurs religieux», a déclaré à l'agence une autre sœur qui s'est dite victime de harcèlement sexuel.
Ainsi, conclut l'agence, pour se protéger et protéger la vie qu'elles ont créée la plupart des victimes préfèrent garder le silence, même si cela implique également de lutter avec leurs souvenirs et de protéger les hommes qui les ont maltraitées.