Enquête sur les abus dans l’Église: «il y a des enjeux politiques, évidemment»

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La commission des lois du Sénat a jugé «irrecevable» la demande de création d’une commission d’enquête sur «le traitement des abus sexuels sur mineurs commis au sein de l’Église catholique», au grand dam des victimes et des associations.

Mercredi 17 octobre, la commission des lois du Sénat a jugé irrecevable la demande de création d'une commission d'enquête parlementaire sur les abus sexuels au sein de l'Église. À la place, c'est une «mission d'information sur la prévention et la protection contre les abus sexuels dans tous les lieux d'accueil des mineurs» qui verra le jour, laquelle ne se réduira donc pas aux abus commis au sein de l'Église catholique. Pour Aymeri Suarez-Pazos, président de l'Aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles (AVREF), c'est une occasion manquée:

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«Je pense qu'il aurait été important qu'il y ait une commission parlementaire, ou en tout cas une commission sérieuse, externe aux institutions […] L'Église avait beau jeu de renvoyer à un procédé plus large. À mon avis, c'est une faiblesse de la demande qui a été faite de restreindre à l'Église [catholique, ndlr], parce que ça avait beaucoup de chances d'aboutir à un cul-de-sac.»

La proposition, portée par les socialistes, a été rejetée par les sénateurs, majoritairement de droite: 27 sénateurs ont voté contre, 14 pour, et 4 se sont abstenus. C'est «en vertu du principe de séparation des pouvoirs», d'après Philippe Bas (LR), qui préside la commission des lois, cité par l'AFP: la commission d'enquête ne peut «porter sur des faits dont la justice est saisie». Un argument que réfutent les élus des camps opposés: «Une mission d'information n'a pas du tout les mêmes prérogatives qu'une commission d'enquête», a déploré Jean-Pierre Sueur, vice-président PS de la commission des lois. «C'est un rideau de fumée», a renchéri Pierre-Yves Collombat (CRCE, à majorité communiste).

«Il y a des enjeux politiques, évidemment […] à droite, il y plus tendance à s'entendre avec l'institution que de s'occuper de remuer la merde […]. C'est une déception. Je ne m'attendais pas à ce que ce soit accepté […]. On est dans un camouflage permanent… L'Église dit qu'elle verra de son côté, mais on ne peut pas désigner soi-même des enquêteurs indépendants, ça ne veut rien dire.»

Cette transparence est demandée par les catholiques eux-mêmes. Le magazine Témoignage chrétien publiait un appel le 9 octobre, signé par «près de 30.000 personnes».

«Nous sommes les porteurs d'une demande sociétale réclamée par 88% des Françaises et des Français et 90% des catholiques pratiquants (sondage Odoxa 5 octobre 2018) et nous allons continuer ce combat, d'abord pour les victimes, mais aussi pour l'Église catholique», a réagi le magazine face au refus sénatorial: «Toutes les organisations, et spécialement les organisations confessionnelles, quelles que soient les religions, doivent se confronter à la démocratie, à la justice, à la laïcité et la transparence».

Cette affaire montre toute la «difficulté du rapport entre l'État et l'Église», estime M.Suarez-Pazos.

«On est toujours dans des territoires particuliers de relation entre l'État et l'Église […]. On est dans un pays où, quoiqu'il y ait une séparation de l'Église et l'État, elle n'est pas totale. Il y a un historique. L'Église reste une puissance de lobbying.»

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«C'est très difficile, mais de plus en plus une parole se libère et les gens se sentent moins honteux […]. Ça fait 10 ans que des victimes portent plaintes, que des procès aboutissent. Ce phénomène va prendre de plus en plus d'ampleur.»

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