Un avion civil syrien a atterri, jeudi 27 décembre, en Tunisie, pour la première fois depuis sept ans, après une rupture éphémère des relations diplomatiques entre les deux pays à l’initiative de l’ancien Président tunisien Moncef Marzouki, en février 2012.
Le vol organisé à l’initiative des sociétés civiles tunisienne et syrienne transportait, en provenance de Damas, quelque 150 touristes se rendant à la ville côtière de Monastir pour passer les fêtes de fin d’année en Tunisie.
Une ambiance festive, sur les rythmes de la dabkeh syrienne [danse folklorique, ndlr], accueillait les voyageurs au hall d’arrivée. Plusieurs dizaines de Tunisiens, ainsi que des représentants de la communauté syrienne, brandissaient des drapeaux syriens et tunisiens, et rendaient hommage au combat de la Syrie contre le terrorisme.
À la question de savoir si cette initiative consiste en un pas supplémentaire vers le rétablissement des relations bilatérales à leur niveau d’avant 2012, le porte-parole de la diplomatie tunisienne, Bouraoui Limam, a indiqué à Sputnik que «c’est un message de fraternité adressé au peuple syrien pour lui dire que la Tunisie accorde une attention particulière à sa sécurité, à la stabilité de la Syrie et à l’unité de son territoire. La société civile y a pris sa part, mais c’était aussi sous l’impulsion politique et diplomatique des autorités tunisiennes, au niveau de la présidence de la République et du ministère des Affaires étrangères».
Le 4 février 2012, le Président tunisien de transition, Moncef Marzouki, a procédé à une rupture unilatérale des relations avec la Syrie, en renvoyant l’ambassadeur syrien accrédité à Tunis, déjà rappelé par son pays, et en rappelant son homologue tunisien à Damas.
La rupture des relations diplomatiques, non officialisée puisque l’Onu n’en fut jamais saisie, intervenait quelques jours avant la tenue, à Tunis, de la réunion initiale de la Conférence internationale des amis de la Syrie.
La démarche entreprise par le Président tunisien de transition prenait pour prétexte un «massacre» imputé au pouvoir de Bachar el-Assad, qui aurait fait plus de 200 morts dans la ville de Homs.
Ces événements, condamnés par une grande partie de la communauté internationale, étaient survenus à la veille d’une réunion du conseil de sécurité de l’Onu devant débattre de la question syrienne.
Toutefois, devant des critiques nationales fustigeant une rupture «précipitée», le gouvernement technocrate de Mehdi Jomaa rétablit, début 2014, «un bureau administratif de liaison» à Damas, justifié par la nécessité de gérer les intérêts nationaux et accompagner la communauté tunisienne en Syrie.
Après les élections générales tunisiennes de 2014, et la victoire de Béji Caïd Essebsi sur son rival Moncef Marzouki, «les attributions déléguées au chef de ce bureau ont évolué, si bien qu’il est assimilé désormais à un chargé d’affaires», renseigne Bouraoui Limam.
Des attentats terroristes qui ont frappé la Tunisie, et des rapports médiatiques faisant état de quelque 3.000 Tunisiens ayant rejoint les rangs de Daech*, encouragèrent un certain revirement au sein de l’opinion publique tunisienne, mais aussi de la classe politique dans ce pays.
Les délégations parlementaires ne comprenaient pas des représentants du parti Ennahda, ni de la mouvance de l’ancien Président Moncef Marzouki, hostiles au pouvoir de Bachar el-Assad.
Des appels de la société civile se sont également multipliés, depuis quelques années, en faveur du rétablissement des relations à leur niveau d’avant février 2012.
«Les relations diplomatiques existent bel et bien entre les deux pays et n’ont jamais été rompues officiellement, puisque l’Onu n’en fut jamais avisée comme le stipule la Convention de Vienne. Quant au niveau de représentation, la désignation d’un ambassadeur en Syrie se fera dès qu’un environnement diplomatique et sécuritaire plus propice le permettra», affirme le porte-parole de la diplomatie tunisienne.
Le fait pour la Tunisie de ne pas nommer d’ambassadeur à Damas serait lié à la conjoncture arabe et internationale, encore divisée sur la question syrienne, estime un fonctionnaire international tunisien, approché par Sputnik.
«Bien qu’ayant renoué avec les fondements traditionnels de sa diplomatie, la Tunisie n’est pas en position de force, en raison de sa situation interne, et cherche, dès lors, à ménager la chèvre et le chou. Élever le niveau de représentativité en Syrie pourrait fâcher certains partenaires, dans la Ligue arabe ou ailleurs. La Tunisie devra pourtant avoir des positions plus tranchées sur certaines questions… avant 2020, année où elle intégrera le Conseil de sécurité de l’Onu. Il sera plus difficile de faire des tergiversations à ce moment-là», ajoute ce fonctionnaire international sous couvert d’anonymat en raison de son devoir de réserve.
*Organisation terroriste interdite en Russie