Les flux touristiques pourraient connaître une régression «légère et ponctuelle» au Maroc après les meurtres terroristes de deux touristes scandinaves dans la nuit du 16 au 17 décembre dans le sud du pays.
La baisse pourrait concerner les touristes scandinaves, à l'exclusion des marchés européens traditionnels, prévoit l'expert international en tourisme, Moez Kacem, dans une déclaration à Sputnik.
«Même s'il ne s'agit pas d'une attaque terroriste de grande ampleur, l'atrocité des meurtres est particulièrement choquante et pourrait bien constituer un facteur de réticence chez des touristes potentiels en provenance du marché scandinave, connu pour être peu résilient face aux risques sécuritaires», a souligné Moez Kacem, directeur du magazine spécialisé TourismView.
Ces crimes terroristes, dont une partie a été enregistrée dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux, ont ému l'opinion publique aussi bien au Maroc, qu'au Danemark et en Norvège.
Des médias et réseaux sociaux marocains se voulaient rassurants dans les jours qui sont suivi l'attentat, en atténuant l'impact de l'acte terroriste sur le tourisme qui contribue à hauteur de 6.8% au PIB du pays.
Le 20 décembre, le site d'information Hespress relevait que «des dizaines de touristes insistaient pour visiter la région [le Mont Toubka, dans les montagnes de l'Atlas, ndlr] défiant ainsi un acte (terroriste) isolé».
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Le site d'information régional MAP Marrakech insistait, pour sa part, sur la résilience des touristes danois, pour lesquels «l'attractivité de Marrakech n'a pas changé d'un iota».
Bien qu'en termes de volume il ne dépasse pas 1% des arrivées internationales, avec 118.460 entrées en 2017, le tourisme scandinave au Maroc demeure un marché de qualité et en forte expansion, souligne Moez Kacem.
«En 2017, le marché scandinave au Maroc a enregistré une augmentation de 62% par rapport à 2016, avec un nombre de nuitées atteignant 256.428. Il est donc dommage que cette expansion soit freinée par un tel incident», poursuit cet expert international du tourisme.
Dans les jours qui ont suivi l'attentat, les services des affaires étrangères des principaux pays pourvoyeurs de touristes ont actualisé leurs consignes à l'attention des voyageurs désirant visiter le Maroc.
La mise à jour faisant mention de l'acte terroriste s'est accompagnée de mises en garde particulières ayant trait aux zones isolées et aux excursions en montagne.
Le Quai d'Orsay a, pour sa part, recommandé «de faire preuve de la plus grande vigilance dans les déplacements, notamment dans les zones isolées. Pour les excursions en montagne, il est recommandé de ne pas partir seul et de contacter un organisme de voyage agréé».
Aucune de ces mises à jour n'a toutefois engendré une élévation du niveau de risque général concernant la destination, confirme à Sputnik une source gouvernementale marocaine. Au lendemain de l'attaque, le Quai d'Orsay continuait de présenter le Maroc comme le seul pays d'Afrique du Nord où seule une «vigilance normale» était à observer de la part des touristes français.
«L'absence de restrictions de voyages, d'habitude émises par les autorités diplomatiques, reste un bon signe en faveur de la destination marocaine qui gardera, malgré tout, son rythme ordinaire en matière de trafic aérien. Tout au plus, des tours opérateurs dans les pays fournisseurs traditionnels de touristes, pourraient-ils déprogrammer certains circuits en tenant compte du fait que cet acte terroriste a été perpétré dans une zone relativement isolée, encore que fortement prisée par les touristes, minimise Moez Kacem.
Les afflux en provenance des pays scandinaves, où ces crimes ont été particulièrement médiatisés, pourraient en pâtir plus durablement, souligne cet expert. «C'est davantage l'impact psychologique personnel sur les touristes scandinaves qui est à craindre, que le renforcement des mises en garde des autorités».
À la suite de l'attaque terroriste, les chancelleries danoise et norvégienne au Maroc ont maintenu leur appel à la vigilance, a constaté Sputnik.
«La recommandation générale de faire preuve de prudence dans l'ensemble du pays est inchangée», relève ainsi le guide voyage du ministère des Affaires étrangères du Danemark.
«Cet évènement attire l'attention (des Norvégiens se rendant au Maroc, ndlr) sur le danger terroriste dans le pays», précise simplement le site de l'ambassade norvégienne à Rabat.
Le tour opérateur danois Bookmundi souligne, pour sa part, que « nous ne disposons pas d'un nombre suffisant de touristes [se rendant au Maroc] pour évaluer si l'attaque a déjà eu un impact». Toutefois,
«Je pense que cela aura un impact négatif sur le nombre de visites, en particulier dans les montagnes de l'Atlas et, bien sûr, à Toubkal, car les personnes voyageant en petits groupes se sentiront, malheureusement, moins en sécurité. La question-clé reste de savoir si les tueries auront un impact négatif sur le nombre de touristes qui se rendent, par exemple, à Marrakech, à Fès ou à Tanger, parce qu'ils ont peur de visiter le Maroc en général, et dans quelle mesure le fait que moins de gens sont attirés par les montagnes de l'Atlas aura un impact sur l'afflux global de touristes qui visitent le Maroc», a déclaré Rasmus Juul-Olsen, directeur exécutif de ce tour opérateur danois, interrogé par Sputnik.
La promptitude des services marocains, qui ont appréhendé les terroristes dans les heures qui ont suivi leurs actes, est toutefois de nature à minimiser l'impact négatif de cet acte terroriste sur les touristes scandinaves, tempère une fois encore Moez Kacem.
«Sur une note positive, les mesures rapides entreprises par la police marocaine pour s'attaquer au problème, combinées avec la manifestation de sympathie de la communauté locale envers les victimes, seront certainement bien appréciées par les touristes puisque elles montrent le côté compatissant du peuple marocain», confirme Rasmus Juul-Olsen.
Deuxième destination touristique d'Afrique, le Maroc a accueilli plus de 10,5 millions de visiteurs, sur les dix premiers mois de l'année 2018. Quoique fortement dépendante des voyagistes, la destination a su résister aux risques sécuritaires dans le pays et la région du Maghreb.
En 2015, l'attentat terroriste du Bardo, en Tunisie, n'avait affecté l'activité touristique marocaine qu'à hauteur de 1%, d'après le ministre du Tourisme de l'époque, Lahcen Haddad.
En dépit d'un recul de 28% du chiffre d'affaires des tours opérateurs européens, l'activité touristique avait néanmoins affiché une légère hausse de 1%, par rapport à 2010.
*Organisation terroriste interdite en Russie