Riyad a tardé, mais les autorités du royaume saoudien ont fini par réagir. Ce lundi 17 décembre, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé l'attitude de responsables politiques d'un pays «allié et ami».
Quelque peu mis sous pression par la communauté internationale depuis le meurtre de Jamal Khashoggi et l'implication saoudienne dans la guerre au Yémen, le pouvoir de Mohammed ben Salmane tangue encore davantage depuis que le Sénat américain a adopté deux résolutions le visant directement.
La première demande l'arrêt du soutien militaire américain à l'Arabie saoudite dans sa guerre contre les rebelles Houthis. Si la conjoncture —accord de paix et exposition médiatique- explique en partie cette résolution, elle se veut davantage symbolique et a un but très médiatique afin «redorer» le blason des valeurs que l'Amérique est censée répandre à travers le monde. En effet, malgré la puissance d'image d'enfants yéménites émaciés, le «megadeal» de 110 milliards de dollars d'armement est bien trop important pour le complexe militaro-industriel américain: le Sénat ne pourra jamais le casser.
«Ce que nous avons fait aujourd'hui, c'est essentiellement dire que le Congrès des États-Unis en a marre de renoncer à sa responsabilité- la responsabilité constitutionnelle- en matière de guerre.»
En revanche, la seconde résolution pourrait avoir de réelles répercussions, aussi bien sur un plan local qu'international. En effet, la majorité des sénateurs —56 voix contre 41- a adopté la semaine passée, une autre résolution condamnant l'homme fort d'Arabie saoudite: Mohammed ben Salmane, surnommé MBS. Le texte dénonce la responsabilité directe de MBS dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et appelle le gouvernement du Royaume d'Arabie saoudite à veiller à ce que tous les responsables soient punis. Une condamnation à propos de laquelle s'insurge Riyad et son ministère des Affaires étrangères:
«Le Royaume d'Arabie saoudite rejette la position exprimée récemment par le Sénat des États-Unis, qui se fondaient sur des affirmations et allégations sans preuve, et contenaient des ingérences flagrantes dans les affaires internes au royaume, sapant son rôle régional et international.»
Mais ce texte vise principalement le Président Trump. Si la presse, de manière générale, parle d'un camouflet pour Donald Trump, l'adoption de cette résolution peut tout au moins être un avertissement pour la Maison-Blanche. En effet, les équipes du Président n'ont cessé de dédouaner le prince héritier dans l'affaire Khashoggi en minimisant son implication directe. La majorité des Sénateurs entendent donc, par le truchement de la CIA, s'opposer à la politique de Donald Trump et de son soutien inébranlable à MBS en condamnant ce dernier.
Cependant, il convient de minimiser la force de ces résolutions. En effet, elles ne pourront être contraignantes qu'en janvier, une fois l'investiture des nouveaux parlementaires —les Démocrates ayant obtenu la majorité lors des élections de mi-mandat en novembre dernier. L'autre solution serait la prise en compte du Président, mais il est difficilement concevable que Donald Trump y accorde une quelconque attention.
Quant à la réaction de Riyad, le ministère des Affaires étrangères rappelle que l'Arabie saoudite est en pointe pour lutter contre le terrorisme international. Si cette déclaration est à destination de ses accusateurs, elle l'est aussi à des fins de politique interne. En effet, MBS a limité considérablement le pouvoir des religieux et de fortes personnalités dans son pays. Le jeune prince héritier avait embastillé au Carlton, sous couvert de lutte contre la corruption et contre le financement du terrorisme, des centaines de princes saoudiens.