Chris Murphy, qui siège au comité des affaires étrangères, mais qui a été tenu à l'écart de l'exposé confidentiel de mardi avec la directrice de la CIA, Gina Haspel, a affirmé que les sénateurs sortant de ce briefing avec Mme Haspel étaient contre la position du gouvernement qui veut restreindre l'accès aux renseignements, informe le média politique américain Politico.
Dans une interview accordée mercredi, le sénateur démocrate du Connecticut a déclaré que l'exonération de toute charge de Mohammed ben Salmane Al Saoud «peut-être qu'il l'a fait, peut-être pas», à la lumière des renseignements américains qui détermineraient avec une grande confiance «que le prince héritier a ordonné l'assassinat», a mis Mattis et Pompeo sous pression en s'adressant aux sénateurs la semaine dernière.
«Je pense que le secrétaire d'État à la Défense et le secrétaire d'État sont dans une situation délicate car le Président a embrassé MBS [Mohammed ben Salmane, ndlr] et l'ensemble du régime saoudien. Ils sont donc tenus de mener à bien sa politique bizarre», a-t-il déclaré.
Et d'ajouter:
«Mais en même temps, il est difficile d'appeler cela une dissimulation étant donné que tout le monde lors de la réunion d'information de la semaine dernière savait que Pompeo et Mattis nous induisaient en erreur, savaient qu'il était impossible que ce meurtre soit commis sans le consentement de MBS.»
De son côté, le sénateur républicain Bob Corker, président du comité des affaires étrangères, a déclaré que si le prince héritier était jugé il serait déclaré coupable par le jury dans les «30 minutes».
La réaction de l'administration Trump à l'assassinat de Khashoggi a fait enrager les parlementaires, qui ont réclamé de plus lourdes sanctions. Chris Murphy, mercredi, a félicité Mattis et Pompeo pour leur valse délicate autour des déclarations de Trump à ce sujet.
«Ils ont été très prudents dans les mots qu'ils ont utilisés lors de cette audience. Ils n'ont pas dit que Mohammed ben Salmane n'y était pour rien. Ils ont dit qu'il n'y avait "pas de pistolet fumant". Mais lors de la réunion, ils ont clairement laissé l'impression en utilisant cette phrase qu'ils n'avaient aucune preuve des services de renseignement prouvant qu'il l'avait fait», a-t-il déclaré.
Le sénateur républicain Marco Rubio, lui aussi membre du comité des affaires étrangères, a déclaré mercredi qu'un «pistolet fumant» n'était pas nécessaire pour trouver le prince héritier derrière la mort de Khashoggi et qu'il n'y avait pas besoin d'avoir accès à des renseignements confidentiels pour prouver sa culpabilité.
«D'après ce que nous savons de ce meurtre, il ne fait aucun doute que le prince héritier était au moins au courant, l'a approuvé et, peut-être pire, a été impliqué dans sa réalisation», a-t-il déclaré à la chaîne CNN.
Et de poursuivre:
«Je n'ai pas besoin de renseignements, je pense que vous en savez assez, et le public américain en sait assez sur l'Arabie saoudite et sur ce meurtre pour conclure que, que nous ayons ou non un pistolet fumant, il n'y a aucune chance que 17 personnes aillent en Turquie et assassinent un type dans un consulat et que le prince héritier ne le sache pas et qu'il ne soit pas d'accord pour cela.»
Il a esquivé la question de savoir si l'administration était «directe» avec le public, soulignant que le gouvernement était invité à faire sa propre évaluation des événements. Mais il a demandé de ne pas laisser Mohammed ben Salman repousser les limites des États-Unis.
«Toutes les alliances ont des limites. Et le prince héritier continuera à tester les limites de cette alliance jusqu'à ce que les limites soient fixées.»
Auparavant, Pompeo avait déclaré aux journalistes qu'il n'existait aucune preuve définitive que le prince héritier soit responsable du meurtre de Khashoggi, tandis que Mattis avait déclaré qu'il n'y avait «pas de pistolet fumant».
Le sénateur Lindsey Graham, proche allié de Trump, a réfuté les propos de Mattis après le briefing de mardi. Au lieu de cela, il a déclaré qu'il y avait une «scie fumante» impliquant le prince héritier, une référence aux informations selon lesquelles Khashoggi aurait été démembré avec une scie à os.
Jamal Khashoggi a été tué le 2 octobre au consulat saoudien à Istanbul où il s'était rendu pour effectuer des démarches administratives. Après avoir d'abord nié le meurtre, les autorités saoudiennes ont fini par reconnaître que l'éditorialiste avait trouvé la mort lors d'une opération «non autorisée». Plus de deux mois après sa mort, son corps n'a toujours pas été retrouvé. 21 suspects ont été arrêtés dans le cadre de l'affaire, selon le bureau du procureur général à Riyad. Onze de ces suspects ont été inculpés, et le procureur général a requis la peine de mort à l'encontre de cinq d'entre eux, accusés d'avoir «ordonné et commis le crime».