L'«illectronisme» ou l'illettrisme numérique. C'est la nouvelle expression pour définir un phénomène relativement nouveau: l'incapacité à utiliser Internet. Avec l'omniprésence du numérique pour les achats en ligne, pour effectuer des démarches administratives (impôts, recherche d'emploi, etc.) ou pour rester en contact avec ses proches, une partie de la population se retrouve démunie face à ces nouveaux outils.
Sputnik a interrogé Jean-Pierre Lartige, président de SilverGeek, un collectif réunissant des associations, entreprises et collectivités du Poitou-Charentes afin de répondre à deux enjeux majeurs: le bien-vieillir et l'inclusion numérique.
Sputnik: Comment expliquez-vous qu'une partie de la population soit laissée pour compte en matière de numérique?
Cette vision technique de la fracture a fait que l'on a pris du retard pour aborder l'aspect "usage". En effet, on aurait pu s'intéresser plus rapidement aux usages de certaines parties de la population, je pense notamment aux seniors, aux personnes en rupture (femmes isolées, jeunes décrocheurs, handicapés…). La prise en charge de ces personnes a longtemps été laissée au monde associatif et donc gérée de façon différente en fonction des territoires. Or, de plus en plus de démarches, quasi obligatoires, se font désormais par Internet. L'État et les collectivités s'emparent un peu tard du sujet.»
Sputnik: comment peut-on remédier à cette situation?
Jean-Pierre Lartige: «L'accompagnement sur les usages est incontournable. Il faut faciliter le travail de tous les acteurs qui agissent en ce sens, en développant notamment la présence d'"ambassadeurs numériques" dans tous les accueils de services au public (publics ou privés). Il faut également prévoir des aides à l'équipement pour certaines personnes à très faibles revenus.
Sputnik: Vous mettez en place des ateliers pour les seniors; quels sont les retours qu'ils vous font? Vous font-ils part de craintes, notamment sur une société qui privilégie de plus en plus le tout numérique?
Jean-Pierre Lartige: «Nos ateliers numériques s'appuient sur le ludique et l'intergénérationnel. Cela permet de lever beaucoup de freins et de craintes. L'arrivée de la tablette a supprimé beaucoup de blocage technique que provoquaient les ordinateurs. Les seniors, en général, appréhendent vite la tablette et développent leurs usages. Dans le premier bilan que nous avions fait, les exemples sont nombreux comme l'adoption de Skype ou de Facebook pour développer les relations avec petits-enfants ou arrière-petits-enfants à l'autre bout du monde.»
Jean-Pierre Lartige: «Grâce à l'usage du numérique, les impacts sur la santé sont nombreux notamment sur l'équilibre grâce aux jeux vidéo, mais également sur la mémoire.
Par ailleurs, le travail sur tablette permet de replonger le senior dans son passé. Avec des recherches Internet qui le remmènent sur des lieux de son enfance (Google Street view) ou sur des activités de sa vie. Le contact numérique avec des membres de la famille éloignés joue aussi un rôle positif sur la mémoire.»