Faut-il redouter une guerre du pétrole entre Trump et l’Opep?

Pourrait-on appliquer le principe America first au marché pétrolier et qui en bénéficierait? Alors que l’Opep parle de réduire sa production pour maintenir les cours, Trump envoie des salves de tweets, lui demandant de faire baisser les prix. Faut-il redouter une passe d’armes?
Sputnik

Il y a un mois à peine, les traders pariaient sur un baril à 100 dollars vers la fin de l'année. Mais voilà qu'après avoir atteint en septembre son plus haut niveau depuis 2016, l'or noir dégringole. Contrairement aux attentes de certains analystes, cette tendance s'est accélérée depuis l'entrée en vigueur des sanctions contre l'Iran. Résultat: le Brent a atteint mercredi 14 novembre son minimum depuis six mois en se rapprochant de la barre des 65,47 dollars. Même chute spectaculaire pour la référence américaine de «light sweet crude» (WTI). Seule une initiative de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de réduire la production l'année prochaine, évoquée mercredi, pourrait entraîner un rebond…

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À l'origine de ce repli marqué, une série de facteurs, tous émanant d'une façon ou d'une autre de l'outre-Atlantique. D'un côté les sanctions contre l'Iran qui, malgré les dires de Trump, se sont avérées loin d'être «implacables» et n'ont pas ramené à zéro la production pétrolière de la République islamique. De l'autre, le ralentissement global, qui s'opère non sans contribution des États-Unis avec leurs tarifs douaniers contre la Chine, et donc l'affaiblissement de la demande qui en découle. S'ajoute à cela l'offensive du Président américain contre l'Opep, qu'il a appelé mardi dans un tweet à ne pas baisser sa production.

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Donald Trump cherche depuis le printemps à obtenir des pays de l'Opep qu'ils augmentent leur production pour faire baisser les cours, artificiellement élevés, selon lui. Le locataire de la Maison-Blanche tweete régulièrement à boulets rouges contre cette organisation. Alors que sur fond d'incertitude autour de l'Iran le pétrole a franchi en septembre la barre des 82 dollars, Donald Trump, qui veut un pétrole abondant et moins cher, s'en est à nouveau pris à l'alliance pétrolière, affirmant à ses alliés du Golfe que Washington «défendait nombre de ces nations pour rien et [que, ndlr] elles en profitaient». «Le monopole Opep doit baisser ses prix maintenant», a-t-il exhorté.

L'insistance avec laquelle Donald Trump appelle à baisser les prix, fait naître deux questions. D'abord, celle de savoir en quoi le baril bon marché profite aux États-Unis, qui figurent eux-mêmes parmi les plus gros producteurs. Et ensuite, si Washington dispose de leviers pour mettre sa volonté en pratique face à l'Opep qui avec ses partenaires, dont la Russie, représente plus de la moitié de l'offre mondiale de pétrole.

Un pétrole bon marché profite-t-il à l'économie américaine?

La question de savoir si un pétrole bon marché profite aux États-Unis n'a pas de réponse unique. D'un côté, le pays demeure toujours parmi les plus gros importateurs du monde, ce qui montre que sa propre production ne peut satisfaire les besoins de son économie, nous explique Sergueï Pikine, directeur de la Fondation russe pour le développement énergétique. «Du point de vue de l'acheteur, les États-Unis sont intéressés à avoir des prix bas», note-t-il avant de poursuivre: «Or, compte tenu des volumes de sa production, les cours bas constituent plutôt un signe négatif pour le secteur, qui emploie un nombre immense de personnes et est assuré par des crédits».

«Nous avons déjà observé une série de faillites quand, en 2015, le prix a atteint son niveau le plus bas depuis plusieurs années», poursuit l'expert.

Pour Igor Iouchkov, analyste de la Fondation pour la sécurité nationale énergétique, les effets négatifs d'un faible cours du pétrole sont beaucoup plus nombreux que leurs possibles avantages.

«Un cours bas du baril ne bénéficie pas aux Américains, car cela mènera à ce que l'extraction du pétrole de schiste ne soit plus rentable et que les sociétés de ce secteur mettent la clé sous la porte», explique-t-il dans une interview à Sputnik.

Selon l'analyste, la croissance du prix est proportionnelle au volume de production d'or noir aux États-Unis. «Plus le pétrole est cher, plus de projets seront rentables et seront lancés», poursuit-il ajoutant qu'une dégringolade entraînerait la baisse de l'extraction dans le pays. Un autre facteur évoqué par l'analyste est la confrontation avec la Chine. «Un pétrole cher contraint la Chine, concurrent global des États-Unis, à mettre sous tension son économie, ce qui est bénéfique aux Américains», poursuit-il.
Igor Iouchkov ajoute que l'envolée des prix de l'or noir pourrait profiter seulement aux raffineurs. Dans ce contexte, il ne faudrait pas oublier non plus les citoyens américains qui au cours de l'année 2017 ont connu une hausse des prix de l'essence de 24%.

Revenant à l'offensive verbale menée par Donald Trump contre l'Opep, l'analyste y trouve des motifs politiques. «À mon avis, c'est un intérêt purement politique, pour s'opposer aux autres acteurs et leur montrer qui mène le jeu. Ça vise à éviter les reproches d'être mou face aux Russes ou aux Saoudiens», indique l'expert.

Quelles armes dans l'arsenal américain?

Au-delà des mots, les États-Unis disposent-ils réellement de leviers pour s'opposer à l'Opep? Plutôt non, s'accordent à dire les analystes.

«La seule chose qu'ils pourraient faire c'est de s'entendre avec l'Arabie Saoudite pour enterrer le format de l'Opep+. Si elle quitte l'accord et ouvre les vannes, cela entraînerait vraiment une chute des cours», estime Igor Iouchkov, jugeant toutefois ce scénario pratiquement improbable.

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Il faudrait pourtant mentionner une proposition de loi anti-Opep que l'on pensait enterrée depuis plus de 10 ans, mais que le Congés a sorti des tiroirs en octobre. Baptisée Nopec (No Oil Producing and Exporting Cartels Act), la loi pourrait modifier la législation antitrust pour permettre de poursuivre pour collusion les pays de l'Opep. Elle interdirait également de restreindre la production d'hydrocarbures ou d'en fixer les prix. Or, la question est de savoir si Washington ira jusqu'à la mettre en application.

«Les États-Unis ont de la peine à prendre des mesures exigeantes contre leurs alliés», estime Sergueï Pikine, tout en rappelant le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, qui n'a pas entraîné de mesures concrètes de la part de Washington à l'encontre de son allié proche-oriental.

«Cette réaction montre que les Américains cherchent par tous les moyens à éviter une confrontation avec Riyad, et témoigne, sans doute, du fait que la loi ne sera pas appliquée», conclut Igor Iouchkov.

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