Les sanctions font leur retour en Iran. Washington a rétabli lundi, dans la foulée de son retrait en mai de l'accord de Vienne (2015), des mesures contre les secteurs du pétrole, des banques et des transports iraniens, tout en menaçant de continuer à manier le bâton de ses sanctions. Après à peine trois ans de répit, l'histoire semble se répéter, sauf que le contexte dans lequel la scène se déroule cette fois-ci n'est plus le même.
Pas de place pour l'UE
«L'UE est une entité composée de [bientôt, ndlr] 27 pays, ce qui aurait considérablement élargi le nombre des pays bénéficiant de dérogations. Il y en a déjà pour l'Italie et la Grèce qui comptent parmi les plus grands acheteurs européens», observe Andreï Baklitski, analyste au centre des études politiques russe PIR, dans une interview accordée à Sputnik.
Appuyée par l'AIEA qui certifie le respect par l'Iran de ses engagements dans le cadre de l'accord 2015, l'UE n'a pas du tout apprécié non plus la conduite de son allié américain sur ce dossier. Unilatérales, extra-territoriales, décidées par les États-Unis, voire même illégales aux yeux de la Russie, ces mesures ont poussé les Européens à y opposer une résistance… qui en réalité s'avère plutôt faible pour le moment.
Sous l'œil sévère de l'Oncle Sam
Le seul geste plus ou moins précis que l'UE a fait, à part de «regretter vivement» le rétablissement de sanctions américaines contre l'Iran, est un mécanisme de troc annoncé en septembre par Federica Mogherini, la Haute représentante pour les affaires extérieures de l'Union. L'entité devrait fonctionner comme une bourse d'échange à partir de la vente de pétrole iranien et immuniser les acheteurs et vendeurs en évitant des transactions en dollars qui pourraient les exposer à des mesures américaines.
«L'UE dit vouloir essayer de trouver un mécanisme pour contourner les sanctions: vis-à-vis du taureau américain, c'est comme agiter un chiffon rouge», indique de son côté Francis Perrin, chercheur associé à l'OCP Policy Center, cité par Les Échos.
Serait-ce un signe d'angoisse ou de bureaucratie, mais force est de constater que le mécanisme n'est toujours pas prêt et que les pays de l'UE se renvoient la balle pour trouver celui qui osera l'héberger au risque de s'attirer l'ire des États-Unis.
Entre-temps, devant les menaces venant d'outre-Atlantique, le réseau interbancaire SWIFT basé en Belgique par lequel transitent la plupart des transactions internationales, a déjà capitulé suspendant «l'accès de certaines banques iraniennes» à son système.
Le jeu en vaut-il la chandelle?
«Le mécanisme a avant tout une portée politique parce qu'on ne sait pas encore quand le projet sera réalisé, mais le fait même que l'UE va jusque-là montre que la posture américaine ne l'arrange pas du tout et qu'elle est prête à agir», note Andreï Baklitski.
L'analyste anticipe que les banques préféreront plutôt se distancer de toute transaction avec l'Iran pour éviter de faire un faux pas et de s'attirer les sanctions.
Créer le dispositif pour aller à contre-courant de l'initiative américaine s'avère en réalité «plus difficile qu'on ne le croyait», fait remarquer M. Baklitski. Mais si les grandes entreprises européennes se sont déjà pliées devant la volonté des États-Unis quittant la République islamique, le mécanisme réserve d'autres avantages aux Européens.
«Il est fort probable qu'une fois opérationnelle, l'entité sera utilisée pour assurer les transactions liées aux produits humanitaires. Puis, le spectre pourrait être élargi, mais l'Iran et l'Europe en ont besoin», estime Andreï Baklitski.
Et de conclure: «Si le projet est réalisé, ce n'est pas seulement l'UE qui pourrait en profiter, mais aussi la Russie, l'Inde, la Chine. Rien ne pourrait empêcher de mettre en œuvre ce nouveau canal».