Le sommet d'Istanbul, qui a eu lieu ce 27 octobre, est incontestablement un succès. Après avoir œuvré à travers le processus d'Astana, la Turquie et la Russie ont donné une dimension plus large à la résolution de la crise syrienne en invitant la France et l'Allemagne à participer à une nouvelle rencontre.
Que des pays de ces deux ensembles échangent entre eux est une évolution réelle. Et un succès aussi bien pour les instigateurs de cette rencontre que pour leurs hôtes français et allemands, qui remettent un pied dans le dossier syrien. Mais au-delà des satisfactions personnelles des uns et des autres, les chefs d'État ou de gouvernement ont affiché quelques consensus.
Emmanuel Macron a notamment rappelé quel était l'objectif principal des acteurs du conflit syrien:
«La priorité pour nous tous en Syrie demeure la lutte contre le terrorisme. Cette lutte se poursuit aujourd'hui encore sur le terrain et nous ne devons en aucun cas perdre de vue que c'est notre objectif militaire et politique premier.»
Si cette déclaration peut faire sourire (jaune) à l'heure où l'État islamique* enregistre sa première victoire depuis plus d'un an, elle est à souligner tant la politique, notamment des pays occidentaux, laisse parfois à penser que la priorité était le renversement de Bachar el-Assad.
Pourtant, dans les discussions d'Istanbul, chaque protagoniste met en avant ce qui l'arrange: ainsi, Macron et Merkel ont-ils de nouveau menacé de représailles le camp qui utiliserait des armes chimiques; Poutine a rappelé que le règlement du terrorisme dans la zone d'Idlib incombait aux forces armées turques; quant à Erdogan, il appelle son homologue russe à éviter qu'el-Assad déclenche une offensive.
Un consensus existe pourtant concernant la question de l'aide humanitaire. Poutine et Macron ont notamment illustré leur bonne entente en rappelant l'aide conjointe qui fut apportée aux civils de la Ghouta par la Russie et par la France en juillet dernier. De plus, les responsables politiques ont discuté du sort des réfugiés et ont tous prôné la nécessité absolue de leur retour au pays. Une vision commune que résume notamment Recep Tayyip Erdogan:
«Nous nous sommes mis d'accord pour poursuivre l'aide humanitaire au peuple syrien. Nous avons également discuté de la question du retour des réfugiés syriens dans leur pays. Ce processus du retour doit se faire sur la base du volontariat, conformément au droit international, en toute sécurité et en coordination avec les Nations unies et là aussi, nous nous sommes mis tout à fait d'accord.»
Une bonne nouvelle puisque la résolution de ces questions passe clairement davantage par un règlement politique que par des opérations militaires. Mais si les quatre acteurs de ce sommet partagent une volonté commune d'agir par voie diplomatique, leurs objectifs de fond divergent.
«M. Mouallem a indiqué que le gouvernement syrien et la Russie s'étaient mis d'accord récemment pour que les trois pays garants du processus d'Astana (Russie, Turquie, Iran) et la Syrie fassent une proposition sur cette troisième liste.»
«Pour que ce travail puisse progresser, il faut rester calme. Il faut que cela se fasse dans le respect mutuel. Il faut respecter le gouvernement légitime de la Syrie alors que tout le monde parle de "régime syrien". D'après la résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies, on parle du gouvernement de la République arabe de Syrie. Je crois qu'il faut respecter le gouvernement légitime de la Syrie. Et c'est en partant de ce respect que l'on pourrait aussi avoir un dialogue fructueux.»
Cet aspect de rhétorique n'est pas qu'un point un détail. Si la Russie n'a jamais laissé entendre que son allié alaouite devait rester à la tête de son pays coûte que coûte, elle entend rappeler à tous que Bachar el-Assad est le Président légitime d'un pays souverain. Vladimir Poutine ferme donc la porte à tout règlement politique de la crise syrienne qui ferait du départ de Bachar un préalable. Il rappelle ainsi que le Président syrien doit donner son accord concernant la composition de la troisième liste de personnalités du Comité constitutionnel.
«Nous devons absolument tenir des consultations avec le gouvernement syrien et nos partenaires iraniens, car sans l'Iran, qui est un pays garant du processus de paix, du cessez-le-feu et de la création de zones démilitarisées [en Syrie, ndlr], ce problème ne pourra pas être résolu.»
«À l'Est de l'Euphrate, nous allons continuer à liquider sur place toute menace contre notre sécurité nationale.»
Si bien qu'au lendemain du sommet, ce dimanche 28 octobre, les armées turques ont pilonné des positions des Unités de Protection du Peuple (YPG) dans le village de Zur Maghar, situé à proximité des villes de Jarablous et de Kobané. La guerre est d'autant plus loin d'être finie que cette zone concentre une grande part des richesses pétrolières du pays.
* Organisation terroriste interdite en Russie