Fouler aux pieds des traités internationaux signés bien avant lui est déjà devenu presqu'une tradition pour Donald Trump. Une tendance d'autant plus inquiétante qu'elle n'épargne pas le sujet le plus explosif: la sécurité globale. Après son retrait unilatéral de l'accord sur le nucléaire iranien, le Président américain a annoncé samedi, que les États-Unis prévoyaient de sortir du Traité bilatéral sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), accusant Moscou de ne pas le respecter. Il a également menacé de muscler son arsenal nucléaire, si la Russie et la Chine n'acceptaient pas de conclure un nouvel accord.
Par sa nouvelle initiative, le Président américain s'est attiré la réprobation de plusieurs capitales, Bruxelles, Paris, Berlin, Rome, Vienne et Madrid exprimant leur préoccupation. Le Kremlin a de son côté averti que cette démarche rendrait le monde «plus dangereux». D'autant que ce ne sont pas les États-Unis, mais l'Europe et l'Asie qui risquent de se transformer en théâtre des tensions.
Vers le retour des missiles en Europe?
«Le type de missiles prévu par le Traité FNI n'est pas destiné à être déployé sur le continent américain. Il ne leur sert pas à défendre leur territoire national, c'est un moyen de défense avancée à déployer soit en Europe, soit en Asie», explique à Sputnik Evgueni Boujinski, vice-président du Centre russe des études politiques (PIR) et vice-président du Conseil russe pour les affaires internationales.
La préoccupation des dirigeants européens sur le sort du Traité est compréhensible, estime Viktor Mizine, expert en sécurité internationale et politologue de l'Institut d'État des relations internationales de Moscou. «Les Européens réalisent qu'en cas d'un éventuel conflit, ils seront les premières victimes», nous explique-t-il, tout en appelant à ne pas exagérer la possibilité d'une confrontation. L'expert met en garde toutefois contre une nouvelle course aux armements, évoquant la promesse d'une «riposte symétrique» faite par les autorités russes suite à l'annonce du retrait américain.
Les experts s'accordent à dire que l'initiative de faire revenir les missiles américains en Europe, si un jour elle se réalise, risque d'attiser les tensions sur le Vieux Continent. Un avis partagé par Natalia Boubnova, chercheuse principale au Centre pour la sécurité internationale au sein de l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales Primakov (IMEMO).
«L'histoire se répète»
«L'histoire se répète, c'est du déjà vu», remarque Natalia Boubnova pour Sputnik, se rappelant la crise des euromissiles ayant éclaté en 1983 sur fond de guerre froide. En réponse aux SS 20 installés par l'URSS derrière le rideau de fer, les Américains avaient alors déployé des Pershing 2 en Europe.
«À l'époque aussi, les Européens étaient contre, mais Washington a fait pression. Il y avait des manifestations d'envergure, mais les missiles américains ont fini par être installés malgré tout», observe-t-elle, dénonçant les risques que le retrait américain entraîne pour l'Europe.
«Ce serait une bonne chose si l'Europe parvenait à faire entendre sa voix, mais il y a toujours eu un système de pression au sein de l'Otan. L'influence américaine au sein de l'Alliance est très forte», poursuit la chercheuse.
Tout n'est pas perdu
«C'est une manœuvre de la campagne électorale de Trump, il s'évertue à montrer que non seulement il n'est pas un "agent du Kremlin", mais aussi qu'il cherche à critiquer la Russie et à lui tenir la bride haute. Peut-être que ça va passer», dit-il.
Dans le même temps, Evgueni Boujinski tient à rappeler les conditions de la dénonciation de ce type de traité. «Il existe une procédure de sortie, il ne suffit pas de dire "nous voulons nous retirer", il faut déposer une note écrite attestant qu'ils lancent les préparatifs de la dénonciation. Elle doit être remise six mois en avance», indique l'expert militaire. Et de conclure: «Je ne crois pas que ce soit un point final».