«Avec le recul, je me rends compte que j'ai eu peur que ma parole soit discréditée. Il est bien là le problème, la liberté d'expression en France n'existe plus.»
Une colère tant dirigée contre des islamistes ayant commis l'attentat que contre les hommes politiques qu'il estime responsables de les avoir laissé se produire.
«Se faire traiter d'extrémiste de droite,- donc de facho, de raciste, d'antisémite et de xénophobe- quand on veut simplement défendre un lieu sacré contre les attaques des défenseurs de la barbarie islamique, dans son pays, cela me paraît insupportable.»
Des propos qui trouvent un certain sens avec la parution le 28 septembre dernier d'un article du Monde, sobrement intitulé «Après le Bataclan, un père sur le chemin de la haine,» dans lequel Patrick Jardin est dépeint comme «l'anti-Antoine Leiris», auteur de Vous n'aurez pas ma haine (Éd. Fayard, 2016) dont la femme a été tuée au Bataclan.
À l'inverse, Patrick Jardin, lâche sans broncher «vous aurez ma haine» à ceux qu'il estime responsables de lui avoir pris son enfant.
Un père endeuillé et en colère, que les journalistes présentent comme soutenu, «récupéré», par le «gotha de l'activisme d'extrême droite», «se laiss [ant] gagner par le complotisme,» et qui «malgré les évidences», «s'échine à exposer sa version du 13 Novembre».
La récupération par la droite de la droite, une accusation un peu facile des journalistes à l'encontre de celui qui se désole de n'avoir été écouté par personne d'autre dans la sphère politique. «Pas un n'est revenu vers moi», relatait-il, à propos de ses lettres aux quatre ex-Présidents de la République. Quant à tous les chefs de parti et aux onze candidats à la présidentielle auxquels il dit avoir écrit, «de tous ceux-là, seuls trois sont revenus vers moi, Jean-Frédéric Poisson, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan» précise-t-il.
Rappelons-le, des zones d'ombre subsistent autour du déroulement des évènements le soir du 13 novembre 2015, où plus de deux heures s'écoulent entre le moment où un premier terroriste est abattu par la BAC à l'intérieur du théâtre du XIe arrondissement et l'assaut final de la BRI.
Des zones d'ombres sujettes à polémiques, à commencer par les propos glaçants d'un brigadier-chef de la BAC. Dans une audition à huis clos, le fonctionnaire fait état de sévices barbares infligés aux victimes. Des propos consignés dans les 1417 pages du rapport de la Commission d'enquête présidée par le député Les républicains (LR) Georges Fenech.
«Des corps n'ont pas été présentés aux familles parce qu'il y a eu des gens décapités, des gens égorgés, des gens qui ont été éviscérés. Il y a des femmes qui ont pris des coups de couteau au niveau des appareils génitaux»,
Répondait ainsi le fonctionnaire à une question du député motivée par la lettre du père d'une victime qui affirme que l'on aurait émasculé son fils et placé les testicules dans la bouche. Des témoignages indirects démentis par le procureur de Paris, François Molins, le directeur de la police judiciaire à Paris, Christian Sainte ainsi que le préfet de police de Paris, Michel Cadot.
Des démentis officiels repris comme parole d'Évangile par Le Monde qui évoquera alors «une rumeur», «infondée» ainsi que par L'Obs qui titre sur un «délire complotiste», là encore tout droit venu de l'extrême droite.
L'autre zone d'ombre majeure concerne l'articulation de la chaîne de commandement entre les forces de Police (BRI et Raid, notamment) et l'absence de déclenchement par le chef de la BRI de la force d'intervention de la police nationale (FIPN), comme lors des attentats de janvier, permettant de mobiliser l'ensemble des unités spécialisées de police sous la direction du patron du RAID. Pourquoi le Préfet de Paris- Michel Cadot- ou le ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve, n'ont-ils pas déclenché la FIPN?
«J'ai demandé pour quelle raison, je n'ai pas obtenu de réponse,» constate Georges Fenech.
Des interrogations subsistent également concernant la non-intervention des militaires, comme ces huit soldats de la force Sentinelle présents aux abords du Bataclan, ou encore la décision de placer en réserve les 45 hommes du GIGN, venus de Satory, à la caserne des Célestins, QG de la Garde républicaine, en cas de nouvelles attaques terroristes dans la capitale.
Mais parmi tous ces éléments, celui qui interpelle le plus Patrick Jardin, concerne les 26 hommes de l'escadron de gendarmerie 31/7 de Reims, affectés à la surveillance des locaux de Radio J, de Libération et du domicile privé de Manuel Valls. Ceux-ci interviennent rapidement sur les lieux avant de recevoir l'ordre de tout bonnement se replier.
«Un ordre très curieux», relate à nos confrères de RT maître Jean Sannier, avocat de la famille d'une victime de l'attentat, qui commentait également l'affaire du non-déploiement des hommes du GIGN, équipés de matériel de premiers secours.
«On sait maintenant que s'il y avait eu un certain nombre de garrots posés assez rapidement sur ces otages qui étaient agonisants pendant deux heures et demie, on peut imaginer […] qu'on aurait pu épargner un certain nombre de vies.»
Rappelons toutefois que les premiers hommes du GIGN arrivent à la caserne des Célestins à 23h15, bien après l'entrée dans le théâtre des hommes de la BRI à 22h15. Quant aux gendarmes de Reims, ils ont été décorés en toute discrétion le 13 octobre et «depuis […] envoyés en Nouvelle-Calédonie», relate Le Canard enchaîné, qui accuse le Préfet de Police- Michel Cadot- d'avoir empêché les militaires d'intervenir au profit des unités de la Police.
Pour en revenir au peu flatteur article du Monde à propos d'un homme qui dit chercher des réponses sur la mort de sa fille, soupçonnant un manque de courage des hommes politiques, qui survient au moment où les polémiques visant des rappeurs tenant des propos haineux se succèdent en France.
Une annulation à laquelle a pris part Patrick Jardin. Il faut dire que pour lui, l'annonce des concerts de Médine dans la salle de concert du XIe arrondissement, où 89 personnes- dont sa fille- ont trouvé la mort, a été un électrochoc. En effet, hors de question, à ses yeux, qu'une salle «martyre» puisse accueillir les concerts d'un chanteur dont l'un des albums s'intitule Jihad ou ayant pu chanter «crucifions les laïcards comme à Golgotha», dans Don't Laïk.
Un électrochoc, pour celui qui déjà avait moyennement apprécié que Sting, premier chanteur à donner un concert au Bataclan après les attentats, chante Inch'Allah, «en me faisant dire, on a fermé sous Allahu Akbar et on rouvre sous Inch'Allah,» soulignait Patrick Jardin.
«Comment tolérer que les gens qui ont souffert dans leur chair, perdu un enfant sous les balles des Kalachnikovs ou égorgé par les terroristes, voient le Bataclan à nouveau sali par de pareils textes?»
écrivaient par ailleurs, dès le mois de juin, deux avocats de familles de victimes des attentats du 13 novembre, dans une tribune publiée par le Figaro. Face à un risque de trouble à l'ordre public «pas du tout théorique», les deux hommes de loi fustigeaient l'inaction des responsables politiques, abandonnant le terrain à «l'extrême droite», d'où est finalement venue la dénonciation du concert de Médine. «Les républicains de toutes rives ne peuvent que se morfondre de constater que leurs porte-parole sont aujourd'hui à la remorque des extrémistes.»
Dans une interview accordée à France Info, le Président de SOS Racisme, Dominique Sopo, regrette qu'une «personne totalement inconnue» accède ainsi «à une forme de célébrité», accusant l'extrême droite d'avoir fait la «promotion» du clip à travers leur dénonciation.
Une ligne reprise par les Inrocks, qui accuse la «fachosphère» de «crier au loup», tout en ayant fait passer le rappeur «de l'anonymat au bandeau de BFMTV».
Est-ce ainsi dans un climat de minimisation de ce type de propos racistes qu'intervient cette publication à l'encontre de Patrick Jardin et ses motivations?
«J'essayais de vivre mon deuil, sans rien demander à personne, lorsque j'ai appris qu'un rappeur islamiste était programmé dans la salle où ma fille et 88 autres personnes ont perdu la vie. Cela m'est absolument insupportable»,
Dans une interview au Parisien, Nick Conrad regrette de son côté que «certains sont restés bloqués sur le premier degré» et explique qu'il rajoutera «peut-être» la mention «ceci est une fiction» dans l'introduction de son clip de neuf minutes où il dit avoir «voulu inverser les rôles de l'homme blanc et de l'homme noir.» Une incompréhension que plaidait également Médine à LCI en février 2015, répondant aux premières critiques à l'encontre de Don't Laïk, critique du dévoiement de la laïcité, en «propagande antireligieuse».
«"Les Blancs sont des démons, les cochons d'aucune moralité. […] Ces incestueux nous ont barricadés. Les Blancs sont des consanguins […] ces porcs blancs vont loin. Passe-moi une arme de poing. J'vais faire un pédophile de moins." Monsieur Médine, avec de telles paroles, interrogez-vous: qui est le raciste? Qui est le xénophobe? Qui est le fasciste? Une chose est certaine, je ne pense pas que ce soit moi!» concluait Patrick Jardin.