Gibraltar, le caillou dans la chaussure de Theresa May

Londres et Bruxelles n’en finissent pas de discuter les termes du Brexit. À six mois du divorce effectif, l’UE pourrait lâcher du lest sur un dossier épineux: la frontière irlandaise. Ironie du sort, c’est à ce moment que l’Espagne réclame un chapitre sur la gestion de sa frontière avec le « caillou » britannique de Gibraltar.
Sputnik

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L'Union européenne serait prête à un compromis sur la frontière irlandaise dans le cadre des négociations sur le Brexit afin de «dédramatiser le problème» et de «renforcer» Theresa May dans un contexte politique qui lui est défavorable. C'est ce qu'affirment nos confrères du Times, qui ont eu accès à des notes confidentielles. Hasard du calendrier? C'est précisément à ce moment, de déblocage potentiel que surgit un autre différend frontalier: celui de Gibraltar avec l'Espagne.

Michel Barnier, le négociateur du Brexit pour le compte de l'Union européenne, s'est en effet rendu le 17 septembre à Madrid pour discuter du statut de l'avenir de la frontière avec Gibraltar, en amont du sommet informel des dirigeants européens qui se tiendra le 20 septembre prochain pour aborder la question du divorce avec Londres.

Si un accord semble avoir été trouvé sur la frontière irlandaise, ce n'est pas encore le cas à Gibraltar. L'Espagne considère que le Brexit est une occasion idéale de forcer la main au Royaume-Uni pour obtenir des concessions sur la gestion de la frontière en échange du non-usage de son droit de veto sur l'accord de sortie de l'Union européenne. Pour rappel, le Brexit doit être ratifié par le Parlement britannique, mais aussi par l'ensemble des pays membres.

Madrid a fait part de sa volonté à ce qu'un chapitre soit dédié au cas de Gibraltar dans les accords de sortie de l'UE et entend peser pour obtenir de Londres des changements sur les questions sociales, environnementales, fiscales et de lutte contre la contrebande. Dans ce contexte, le gouvernement espagnol demande à son homologue britannique de garantir la pérennité des emplois des 10 à 12.000 citoyens qui travaillent sur le caillou, en territoire britannique, d'établir des critères plus restrictifs pour l'établissement de domicile fiscal à Gibraltar ou encore de rapprocher le prix du tabac de celui pratiqué dans la péninsule pour rendre le trafic inintéressant.

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Et si l'Espagne réclame autant de mesures que le Royaume-Uni a toujours refusé d'appliquer, c'est parce qu'elle se sait en position de force grâce à son droit de veto dans les négociations. La solution envisagée pour résoudre le problème de la frontière en Irlande, appelée «protocole irlandais», vise à instituer des contrôles douaniers dématérialisés grâce à la haute technologie en passant par des «entreprises de confiance», tout en obligeant Londres à se plier aux normes européennes. Une concession de l'UE qui galvanise Madrid puisqu'il peut exiger un geste en retour.

Michel Barnier a offert une sortie par le haut à Theresa May en ne rejetant pas le plan Chequers, qu'elle avait âprement négocié en juillet et qui lui avait coûté la démission de Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, et de David Davis, en charge du Brexit. Ce plan implique la création d'un «accord douanier simplifié», une zone de «libre-échange pour les produits agroalimentaires», mais aussi la fin du passeport financier qui permet aux banques d'avoir accès au marché européen comme si elles en faisaient partie.

Sauf que ce plan Chequers est extrêmement controversé au sein même des Tories. Boris Johnson l'a qualifié d'«abomination constitutionnelle» qui ferait du Royaume-Uni le vassal de Bruxelles ad vitam æternam.

En attendant, pour Irlande, rien n'est acté, mais pour Theresa May, Gibraltar est déjà un caillou de plus dans sa chaussure. 

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