Mine d’or ou poubelle géante? Les Nations unies au chevet de la haute mer

Pour protéger les eaux internationales du pillage auquel l’absence de juridiction les exposerait, l’ONU planchera encore une semaine sur un traité visant à une meilleure coordination entre la pêche, l’exploration et la navigation. Le défi: empêcher que la haute mer ne s’épuise comme les eaux côtières… et limiter la pollution?
Sputnik

Il n'est pas trop tard, mais il était temps! Après une décennie de tangage, les États se réunissent à New York pour un premier round de négociation autour de l'avenir de la haute mer. Après cette cession qui a débuté le 4 septembre et devrait se poursuivre jusqu'au 17, deux autres sessions sont prévues en 2019 puis en 2020 afin de réguler ces eaux qui s'étendent au-delà de 370 km de côte, et constituent 64% des océans, peu réglementées face à l'appétit croissant des pays pour ses richesses halieutiques et minérales.

«On sait tous que les intérêts sont divergents, mais le multilatéralisme est en marche et on peut rester positif en espérant des avancées majeures jusqu'en 2020», commente Julien Rochette, directeur du programme Océan au sein de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), de retour de New York.

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Julien Rochette devrait d'ailleurs être entendu à l'Assemblée nationale le 19 septembre prochain dans le cadre d'une mission d'information sur la mer et les océans, avec probablement «un volet sur la politique internationale en haute mer». un enjeu majeur pour la France, qui dispose du deuxième domaine maritime mondial et donc un accès privilégié à la haute mer.
Si la course aux métaux est déjà encadrée et relève pour l'instant de l'exploration, la pêche en haute mer, qui s'est intensifiée avec le développement technologique et la surexploitation des ressources côtières, reste «plus ou moins bien gérée par des organisations régionales», estime M. Colléter, responsable Science et relations institutionnelles au sein de l'ONG BLOOM, de retour de New York également.

«En dépit de l'effort commun de conservation des ressources marines internationales, il est établi que de nombreux stocks importants sont aujourd'hui surexploités», déplorait la Commission européenne en février cette année dans un communiqué. Un constat que faisait l'ONU deux ans plus tôt: 31% des stocks de poisson sont surexploités dans le monde, comme le thon, «grand migrateur, présent aussi en haute mer», explique M. Rochette. Pour autant, la question de la pêche industrielle est absente des débats:

«La gestion des pêches n'est pas encore tout à fait durable pour de nombreux stocks. Au sein de ces négociations, la pêche n'est pas traitée comme un sujet particulier, parce que beaucoup d'États s'y sont opposés», et ne sera abordée qu'à travers des questions transversales, comme les aires marine protégées.

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Le chemin vers ces négociations a été entravé par de mauvais élèves: «Dès le début des travaux en 2004, la pêche a eu un statut un peu particulier. Un certain nombre d'États se sont prononcés contre l'inclusion de la pêche dans ces négociations, la Russie, le Japon, les États-Unis», explique M. Colléter, «ne voulant pas être soumis à d'autres obligations, comme la Chine, qui est le premier État à pêcher dans la haute mer, et ne veut pas que la pêche figure dans les négociations.»

Trois autres axes seront étudiés par les 193 états-membres: les impacts environnementaux, le transfert de technologie marine et les ressources génétiques marines, le point certainement le plus houleux: «un des gros points identifiés à la fois par les pays développés et en voie de développement», souligne Mathieu Colléter.

«C'est le gros débat sur les ressources génétiques marines: est-ce que ces ressources génétiques marines doivent être reconnues comme un patrimoine commun de l'humanité avec partage de bénéfice obligatoire, ou est-ce qu'on reste dans le régime actuel, qui est plutôt du premier arrivé, premier servi?», s'interroge Julien Rochette.

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Une petite dizaine d'acteurs privés ou publics se sont lancés dans l'exploration des fonds marins, au sujet duquel un code est actuellement à l'étude par l'Autorité Internationale des Fonds Marins:

«Les ressources minérales, c'est déjà l'activité la mieux encadrée», explique directeur du programme à l'IDDRI. Même si «de ce qui se dit, l'exploitation n'est pas pour demain… mais plutôt dans dix ans», la France a déjà obtenu deux permis miniers dans le Pacifique nord, afin d'étudier les enjeux technologiques qui se cachent derrière de petits blocs de minéraux datant de 3 millions d'années, les nodules polymétalliques.

La dépendance à ces métaux «déprendra de la trajectoire technologique que l'on prend, mais à l'heure actuelle avec le développement technologie, notamment la question des terres rares, les ressources marines peuvent être fortement stratégiques, parce qu'il y a de grands réservoirs», explique M. Colléter.

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Mais les enjeux atour de la mer, ce n'est pas que ce qu'on y prend, c'est aussi ce qu'on y jette: environ 50 kg de plastique par seconde sont déversés dans les océans, soit 1,15 à 2,41 millions de tonnes chaque année, d'après une étude de la fondation néerlandaise Ocean Cleanup. Parmi ces détritus plastiques, 86% sont émis par des cours d'eau asiatiques.

L'océan a longtemps été traité comme une décharge, en démontre les engins enfouis un peu partout sur le globe, notamment le point Némo, un cimetière de satellites en plein cœur de l'océan Pacifique. «La haute mer est de plus en plus impactée par l'activité humaine, ça, c'est évident. La pollution ne connaît pas de frontière: on retrouve en haute mer les symptômes de notre société de surconsommation», estime M. Rochette, qui poursuit, optimiste:

«Pendant très longtemps, la haute mer, on a considéré que c'était loin, et que ça ne nous impactait pas. Ce qu'on comprend aujourd'hui, c'est que l'ensemble de l'océan est interconnecté», c'est-à-dire qu'on ne peut pas protéger les eaux côtières, et négliger la haute mer. 

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