Dans cette étude, les auteurs constatent que la mobilité des capitaux entre les pays de la zone euro a disparu depuis la crise de la zone euro de 2010-2013 et que les échanges commerciaux entre les pays de la zone euro n'ont pas profité autant que ce qu'on pourrait attendre de l'intégration monétaire et économique. Si le second point était largement prévisible depuis la critique des travaux d'Andrew K. Rose, le premier vaut en fait condamnation pour la zone Euro. Nous sommes bien en présence d'un échec profond, un échec dont les conséquences sont désastreuses pour les pays de la zone Euro (2), mais ils ne limitent pas justement à ces pays (3).
Les mensonges de la naissance de l'Euro
Il faut ici rappeler qu'après avoir déguisé l'Euro en une forme de garantie contre les mouvements spéculatifs et les fluctuations, les thuriféraires de l'Euro ont présenté ce dernier comme un avantage pour la croissance en Europe. Les travaux qui furent présentés dans les années 1990 insistaient tous sur les avantages extraordinaires que donnerait la monnaie unique aux pays qui l'utiliseraient. Il s'agissait, bien entendu, de travaux économétriques (4). Pourtant, les résultats en furent rapidement contestés (5). Il est vrai que ces travaux étaient construits sur des bases tant méthodologiques (6) que théoriques (7) extrêmement fragiles. Il est maintenant acquis que les effets de l'Euro sur le commerce interne des pays de l'UEM a été des plus réduit (8). L'étude publiée par NATIXIS enfonce donc le dernier clou dans le cercueil de cette idée.
L'explosion des écarts de compétitivité
Les causes de cette situation sont connues. Elles furent analysées dans une étude publiée en 2017. Dans l'édition 2017 du External Sector Report (12), le Fond Monétaire International a souligné l'ampleur du problème posé par la divergence des compétitivités dans le cadre de la zone Euro. Il a montré l'importance de ces problèmes pour des pays comme la France, mais aussi l'Italie et l'Espagne. On voit que le problème s'est même aggravé par rapport à l'édition 2016. Ces écarts de taux de change virtuel au sein de la zone Euro sont d'ailleurs régulièrement calculés par le FMI.
L'absence de circulation des capitaux au sein de la zone Euro, qui est bien indiqué dans l'étude de NATIXIS, rend d'autant plus dramatique cet éclatement de la compétitivité au sein de l'Euro, qui conduit à une sous-évaluation de la monnaie de l'Allemagne et à une surévaluation de la monnaie de la France, de l'Italie, de l'Espagne et de la Belgique.
Une réforme de la zone Euro est-elle possible?
L'inachèvement de la « zone Euro » n'est donc pas conjoncturel comme on le prétend mais bien structurel. L'Allemagne a voulu cette situation parce que c'est la seul qui lui convenait. Dès lors, le future de l'Union Economique et Monétaire apparaît des plus sombres. Cette « union » devrait connaître ce qui fut le sort des autres « unions », c'est à dire se dissoudre (14). Mais, ce faisant, elle risque fort d'entraîner avec elle la dissolution de l'Union européenne elle-même.
L'échec de la zone Euro est aujourd'hui évident pour la grande majorité des observateurs.
(1) Natixis, Flash Economie, Pour l'instant la zone Euro est un échec, n°955, 5 septembre 2018.
(2) Mastromatteo, G. et S. Rossi (2015). The economics of deflation in the euro area: a critique of fiscal austerity, in Review of Keynesian Economics, vol. 3, n° 3, pp. 336-350.
(3) Bibow J. et A. Terzi (dir.), Euroland and the World Economy: Global Player or Global Drag?, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2007.
(4) Rose, A.K. « One money, one market: the effect of common currencies on trade », Economic Policy Vol. 30, 2000, pp.7-45. Voir aussi: Rose, A. K., "Currency unions and trade: the effect is large," Economic Policy Vol. 33, 449-461, 2001, et Rose, A.K., Wincoop, E. van « National money as a barrier to international trade: the real case for currency union », American Economic Review, Vol. 91, n°2/2001, pp. 386-390.
(5) Bun, M., Klaasen, F., « The euro effect on trade is not as large as commonly thought», Oxford bulletin of economics and statistics, Vol. 69, 2007, p. 473-496; Persson T., « Currency Unions and Trade: How Large is the Treatment Effect? » in Economic Policy, n°33, 2001, pp. 435-448. Nitsch V., « Honey I Shrunk the Currency Union Effect on Trade », World Economy, Vol. 25, 2002, n° 4, pp. 457-474.
(6) Greenaway, D. Kneller, R., « Firm heterogeneity, exporting and foreign direct investment », Economic Journal, 117, 2007, pp. 134-161; Flam, H., Nordström, H. (2006), « Trade volume effects of the euro: aggregate and sector estimates », IIES Seminar Paper No. 746.
(7) Kouparitsas, M. A., "Is the EMU a viable common currency area? A VAR analysis of regional business cycles", Federal Reserve Bank of Chicago, Economic Perspectives, vol. 23, 1999, n° 4, pp. 2-20.
(8) Baldwin R. (2006) « The euro's trade effects » ECB Working Papers, WP n°594, Frankfurt. Baldwin R. et al. (2008), « Study on the Impact of the Euro on Trade and Foreign Direct Investment », Economic Paper, European Commission, n° 321.
(9) Voir Natixis, Flash Economie, Pour l'instant la zone Euro est un échec, n°955, op.cit.
(10) Kelejian, H. & al., « In the neighbourhood: the trade effects of the euro in a spatial framework », Bank of Greece Working Papers, 136, 2011.
(11) Glick, R., (1991), "European monetary union: Costs and benefits", Federal Reserve Bank of San Francisco, Weekly Letter, no. 91-16. Salvatore, D. and G. Fink, "Benefits and costs of European economic and monetary union", The Brown Journal of World Affairs, vol. 4, 1999, Issue 2, pp. 187-194.
(12) Voir http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2017/07/27/2017-external-sector-report et http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2016/12/31/2016-External-Sector-Report-PP5057
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