Le dernier exemple en date compte parmi les plus frappants. Une étude publiée par l'ONG belge EU Disinfo Lab fait état lors de l'affaire Benalla d'une suractivité de comptes qualifiés de «pro-russes». Pourquoi sont-ils décrits ainsi? Car ils retweetent fréquemment des publications des médias Sputnik France et RT. Alors en pleine débandade de communication, le gouvernement français cherche à surfer sur cette vague et donne, par la voix de son porte-parole Benjamin Griveaux, du crédit à cette théorie, appelant à faire «toute la transparence» sur cette affaire. Tous les médias s'en font l'écho. La Russie se serait ingérée dans l'affaire Benalla pour affaiblir le gouvernement. Une fois n'est pas coutume, la polémique dégonfle aussi vite qu'elle a surgit — sans aucune excuse —, suite au démenti de l'ONG ayant réalisée l'enquête.
Chaque personne prenant une position contraire, en particulier sur un sujet international, à celle présentée dans les médias et le gouvernement français (souvent la même), prend le risque d'être cataloguée de «pro-russe». Chaque personne multipliant ses sources d'informations sur des sujets sensibles afin de se faire une idée globale, donc en visitant de même les médias Sputnik France et RT, voit sa curiosité intellectuelle qualifiée de «propagande du Kremlin» par ceux-là même qui prônent la liberté d'expression et la liberté d'informations.
Dans un premier temps, cette systématisation des «pistes russes», relevant à minima du complotisme par une presse prétendant le combattre, a créé un véritable climat de paranoïa et de délations, permettant même de justifier les moindres dérives par l'activité d'un acteur extérieur présenté comme dangereux. Cela sert bien évidement de maquillage en cas d'erreur ou de faute d'un gouvernement, mais permet surtout à la presse mainstream de se présenter en défenseur des libertés en se contentant de combattre ardemment un ennemi totalement imaginaire. Pratique.
Plus grave, ce processus pousse en marge de la société un nombre élevé de français s'intéressant à la politique internationale et aux conflits globaux. Les divergences de positions entre la Russie d'un côté et «le bloc occidental» de l'autre sur des sujets éminemment importantes tels que la Syrie, l'Ukraine ou encore l'affaire Skripal poussent bon nombre de nos concitoyens à s'interroger et à remettre en cause la position officielle française, qui sur ces sujets s'aligne systématiquement avec les positions des médias dits mainstream. Ces internautes, qui sont bien Français, sont alors immédiatement catalogués de «pro-russes», permettant aux yeux de leur contradicteur de fermer le débat et de refuser un échange d'idées, qui bien souvent ne tourne pas à l'avantage de ceux se contentant de lire une presse unanime. Personne n'est pourtant qualifié de «pro-Otan» ou «pro-atlantiste» lorsqu'il s'aligne sur les positions occidentales.
La Russie fait vendre dans les journaux, cela est désormais une évidence, mais le retour de bâton pour la presse mainstream pourrait être brutal. C'est cette même position qui pousse les Français à consulter les sites d'informations russes et à prendre de la distance avec les positions affirmées unanimement dans la presse.
À ce même titre, refuser d'accréditer les journalistes de Sputnik France et RT poursuivrait cette politique de stigmatisations, démontrant par là-même que ces médias dérangent car ils livrent des faits permettant de remettre en cause les positions médiatiques et politiques françaises.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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