«L'Europe ne peut plus remettre sa sécurité aux seuls États-Unis. C'est à nous aujourd'hui de prendre nos responsabilités et de garantir la sécurité et donc la souveraineté européenne», a déclaré lundi Emmanuel Macron en s’adressant aux ambassadeurs de France. Or, ce n’est pas tout. Le Président a également souligné la nécessité de lancer une «réflexion exhaustive sur ces sujets avec tous les partenaires de l'Europe, et donc avec la Russie».
Comme l’estime dans sa publication Associated Press, ces propos témoignent du début de la révision des relations avec l’Amérique de Donald Trump, resté sourde face aux appels du chef de l’Élysée de ne pas se retirer de l’accord de Paris sur le climat ou de ne pas introduire de taxes sur l’aluminium et l’acier en provenance d’Europe. En outre, Emmanuel Macron ne peut pas être satisfait de la pression qu’exerce Washington sur les Européens suite à son retrait unilatéral de l’accord sur le nucléaire iranien.
Dans son commentaire à Gazeta.ru, Youri Roubinski, le directeur du Centre des études françaises à l’Institut de l’Europe de l’Académie des sciences de Russie, rappelle qu’après son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a essayé de trouver un langage commun avec Donald Trump, jouant le rôle d’intermédiaire dans le dialogue entre Washington et Bruxelles. En tant que dirigeant français, pays membre permanent du Conseil de sécurité et puissance nucléaire, Emmanuel Macron croyait avoir toutes les chances d’y parvenir, souligne M.Roubinski. Or, ce dialogue a échoué.
Quant à la déclaration sur la nécessité de consolider la sécurité européenne sans compter sur les États-Unis, M.Roubinski n’y voit pas de «tournant révolutionnaire», mais plutôt la volonté d’Emmanuel Macron de profiter de la situation qui s’est créée. Pour lui, il ne faut anticiper pour le moment aucune démarche radicale, car actuellement les pays membres de l’Union européenne sont pris par les élections au Parlement européen, prévues en 2019, par la formation d’une nouvelle Commission européenne et par la sortie du Royaume-Uni de l’UE.
Quid du dialogue Paris-Washington? Les deux dirigeants pourront discuter de toutes leurs divergences dès novembre prochain, lors de la visite de Donald Trump dans l’Hexagone à l’occasion des célébrations de la fin de la Grande Guerre.
Suivre la voie de De Gaulle et de Mitterrand
Outre la volonté d’Emmanuel Macron d’incarner la voix d’une Europe unie, M.Roubinski distingue dans ses déclarations des échos des politiques menées par Charles de Gaulle et par François Mitterrand. Comme eux, estime-t-il, l’actuel chef de l’Élysée cherche à consolider les liens européens dans le domaine de l’économie et de la défense.
Or, sous ces deux Présidents, Paris nouait un dialogue actif avec Moscou, sauf qu’à l’époque il ne s’agissait que de relations commerciales et culturelles.
Aujourd’hui, Moscou et Paris sont parvenus à établir une coopération humanitaire réussie en Syrie: «Le mécanisme de coordination créé à Saint-Pétersbourg avec la Russie a produit ses premiers effets, en particulier sur le plan humanitaire», a déclaré lundi Emmanuel Macron.
Si des tentatives de lancer une coopération franco-russe en Syrie avaient déjà été entreprises par le prédécesseur d’Emmanuel Macron, elles n’avaient cependant pas débouchées sur des résultats majeurs.
Or aujourd’hui, souligne M.Roubinski dans son commentaire à Gazeta.ru, Moscou souhaite que Paris et Berlin débloquent des fonds pour rétablir l’infrastructure en Syrie, mesure nécessaire pour assurer le retour de réfugiés syriens ayant demandé l’asile en Europe.
En tant qu’ancienne puissance mandataire en Syrie, la France serait prête à jouer un rôle majeur dans ce pays proche-oriental. Or, souligne le spécialiste, le dialogue ne deviendra substantiel qu’après la fin de la bataille pour Idlib, conclut-il.