Les GAFA vont-ils détrôner les diffuseurs traditionnels? Si pour l'instant, c'est loin d'être le cas, les géants du numérique avancent leurs pions en matière d'acquisition de droits TV. On pourrait citer notamment le cas de Facebook, qui diffuse des matchs de Major League Soccer (championnat américain de football). En 2017, Fox Sport a réalisé un partenariat avec Facebook afin de diffuser des matchs d'UEFA Champions League. Toujours dans le domaine du foot, Eleven Sports a récemment acheté les droits de diffusion, au Royaume-Uni, de certains matchs de Liga et Série A et noué un partenariat avec Facebook afin de les diffuser de manière gratuite sur sa plateforme. Enfin, Amazon diffuse depuis 2017 les matchs de NFL qui se déroulent le jeudi soir, le fameux «Thursday night games» de football américain. Comment expliquer l'intérêt grandissant des géants du Web pour la diffusion de compétitions sportives?
«La diffusion des matchs a d'abord été un produit d'appel pour la télévision payante, typiquement Canal+ en France. Ensuite, le foot est devenu un produit d'appel pour les fournisseurs d'accès Internet. On peut donc penser que le foot puisse devenir un produit d'appel pour les géants du numérique» analyse Bastien Drut.
«Lorsque vous générez des conversations sur le réseau social, vous visionnez plus de fois les publicités et ces recettes publicitaires représentent la quasi-totalité des revenus de Facebook», souligne l'économiste.
Les fédérations de football, grandes gagnantes?
Quittons les États-Unis pour l'Europe: la coupe du Monde de Football en Russie a généré entre 55 et 58 millions d'euros de recettes publicitaires pour la seule TF1 (28 matchs diffusés), selon Philippe Nouchi de Publicis Media, cité par Pure Média. À la vue de ce colossal magot, on comprend mieux l'attrait des géants numérique pour le sport et notamment le football.
Si l'arrivée des GAFA est susceptible de rebattre les cartes de l'attribution des droits TV, notamment en remportant certains lots au nez et la barbe des télés payantes ou fournisseurs d'accès Internet, les fédérations pourraient, elles, remporter le pactole. Néanmoins, tous les championnats ne sont pas assurés d'en profiter.
«Si on suit la logique que le foot peut aider à vendre des abonnements Amazon Prime, il faut suivre la dynamique des souscriptions. Amazon aurait plutôt intérêt à acheter les droits TV du championnat national du pays où les abonnements Amazon Prime commencent à plafonner. Cela ne se fera pas nécessairement dans le plus gros championnat et peut accroître les écarts entre championnats, comme les réduire» détaille Bastien Drut.
Il n'empêche que cette différence de revenus entraine un déséquilibre au niveau des équipes. En effet, si l'on compare les revenus de la saison 2017/2.018 du dernier du classement BPL, West Bromwich Albion, avec plus de 100 millions d'euros de droits TV, encaisse quasiment deux fois plus que le Paris Saint-Germain (56,7 millions d'euros), champion de France de Ligue 1 Conforama.
Une manne financière qui permet à certains clubs anglais de faire des folies sur le marché des transferts.
Logiquement, si les meilleurs joueurs vont en Angleterre, le championnat n'en deviendra que plus intéressant en termes d'investissement.
Les passionnés de foot, dindons de la farce?
Les fédérations et les géants du numérique devraient donc sortir gagnants de cette nouvelle donne, mais quid des passionnés de sport? En prenant le cas particulier du football européen, on constate déjà que les fans de foot français doivent multiplier les abonnements s'ils veulent suivre les matchs des 5 grands championnats et compétitions européennes. Des dépenses qui font sortir de leurs gonds certains internautes.
L'arrivée des GAFA pourrait-elle être bénéfique pour eux? L'auteur de Mercato: l'économie du football au XXIe siècle n'en est pas convaincu. Selon lui, «on va continuer à morceler la diffusion des matchs de foot.»
«C'est là où est le dilemme. Les ligues font tout pour vendre les droits de plus en cher, mais ça peut conduire à ce que ce soit de plus en plus difficile pour un passionné de foot de voir tous les matchs de son championnat préféré et cette situation peut créer, à l'avenir, une lassitude des fans.»
«Les fédérations auraient très bien pu décider dans les appels d'offres de faire en sorte que ce soit le même diffuseur pour tous les matchs, pour toutes les journées. C'était une possibilité, mais elles n'ont pas fait ce choix afin de maximiser les droits TV et donc la qualité des équipes sur le terrain» conclut Bastien Drut.