Mais, cette officialisation engendre à son tour une accélération, voire une radicalisation, de cette crise.
Victoire de l'Italie et paralysie de l'Allemagne
Une question a monopolisé l'attention lors du dernier sommet européen, celle des « migrants ». Elle a même tellement occupé l'ordre du jour que les problèmes soulevés par la « déclaration de Merseberg » entre la France et l'Allemagne en ont été oubliés.
Mais, cette crise s'est invitée en Allemagne. Dans l'affrontement entre la Chancelière, Mme Angela Merkel et son Ministre de l'intérieur M. Horst Seehofer, c'est ce dernier qui sort vainqueur du compromis laborieusement établi dans la nuit de dimanche à lundi. Près de 160 parlementaires de la CSU, le parti de M. Seehofer, mais aussi de la CDU, avaient menacé de voter contre cette dernière. C'est dire l'ampleur de la crise. Un compromis a été trouvé à la toute dernière minute. Mais, si ce compromis garantit, sans doute pour quelques mois, qu'Angela Merkel va rester la Chancelière, il porte en lui la fin des accords de Schengen. Le fait que l'Allemagne reconnaisse la nécessité de places d'internement des migrants à ses frontières va faire tâche d'huile. L'Autriche déjà boucle les siennes et l'Italie en fera de même.
Au-delà, le conflit, même provisoirement éteint par un compromis de dernière minute, laisse les deux protagonistes en piteuse position. Le gouvernement allemand sera durablement paralysé pour les mois qui viennent. Cela signifie que l'Allemagne sera dans l'impossibilité d'imprimer sa marque sur la politique de l'UE. La France pourrait-elle se substituer à elle? Les échecs que vient de subir Emmanuel Macron quant à sa politique européenne indiquent bien que non.
Une France impuissante
Or, l'Allemagne va être rapidement confrontée à une crise bancaire. La situation de la Deutsch Bank, incapable de passer les tests de robustesse de la Réserve Fédérale aux Etats-Unis, va exiger des actions importantes d'ici quelques mois, voire durant l'été. La faillite de fait de l'Union bancaire renvoie les pays de l'UE à la situation qui était la leur en 2008 et va obliger l'Allemagne à « sauver » la DB. Mais, ce faisant, elle donnera le signal pour que l'Italie procède à un sauvetage massif de ses propres banques en difficulté. Dès lors, au chacun pour soi qui prédomine sur la question des migrants, viendra s'ajouter un chacun pour soi sur la question bancaire, en attendant que ce chacun pour soi ne s'étende à la zone Euro. Sur ce point, il convient de relire le récent article de Joseph Stiglitz qui est désormais fort pessimiste quant à l'avenir de la zone Euro.
La deuxième phase de l'action du gouvernement italien
La crise de l'UE ne s'arrête pas là. Le gouvernement italien a décidé de passer à une deuxième phase de son action. Après avoir fait preuve de fermeté face aux « migrants » et à certaines ONG, il est en train de prendre des mesures favorables aux travailleurs, comme la pénalisation des CDD quand ils sont utilisés systématiquement. Il est possible qu'il procède dans le cours de l'été à d'autres mesures, comme un relèvement général des salaires et une annulation — partielle ou totale — de la réforme des retraites mise en place par les précédents gouvernements. Cette perspective inquiète déjà la BCE, qui a adressé au gouvernement italien une mise en garde. Mais, porté par la popularité acquise par son attitude sur la question des « migrants » et renforcé par la crise que connaît l'UE mais aussi l'Allemagne, il est peu probable que le gouvernement italien soit véritablement sensible aux avertissements de la BCE.
L'UE apparaît comme durablement discréditée. Ses deux pays principaux sont aujourd'hui paralysés et les opinions dites « Eurosceptiques » progressent dans l'ensemble des pays. Giuseppe Conte a révélé une crise plus qu'il ne l'a provoquée. Mais, ce processus de révélation peut très bien avoir sa dynamique propre et entraîner un mouvement toujours plus puissant de défiance généralisée. En un sens, on peut considére que le processus de déconstruction de l'UE a commencé.
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