Il y a un an, en mai 2017, on écrivait déjà que les actions du gouvernement allemand vis-à-vis des États-Unis rappelaient de plus en plus une «demande de divorce géopolitique» — étant donné qu'Angela Merkel et Donald Trump ont non seulement des caractères différents, mais également des avis divergents quant à la place de l'Europe dans la politique mondiale du XXIe siècle.
Le célèbre expert, politologue et directeur du think-tank Eurasia Group Ian Bremmer a raconté à la chaîne CBS comment s'étaient déroulés les pourparlers au G7 et comment Trump avait réagi à l'union du G6 sous Merkel contre la position américaine. «Trump était assis les bras croisés et il n'appréciait manifestement pas qu'ils (les autres leaders du G7) complotent contre lui, explique Ian Bremmer. En fin de compte il a accepté en disant OK — qu'il signera le communiqué final. Et à ce moment-là il s'est levé, a plongé la main dans la poche de sa veste, a sorti deux bonbons et les a jetés sur la table. Il a dit en s'adressant à Merkel: Voilà, Angela. Ne dis pas que je ne te donne jamais rien.»
Dans la même interview, Ian Bremmer a constaté l'évidence: «Les relations entre les USA et leurs principaux alliés connaissent des dysfonctionnements, elles n'ont jamais été telles depuis le lancement des relations transatlantiques après la Seconde Guerre mondiale.»
Faute de démenti officiel plus d'une journée plus tard, on peut supposer que le récit de Ian Bremmer correspond probablement à ce qui s'est réellement passé au sommet. Le directeur d'Eurasia Group a plusieurs amis proches et connaissances au département d'État américain et au sein des services secrets américains pour qu'on lui raconte effectivement de tels épisodes piquants, et dans son think-tank travaillent suffisamment d'«anciens» agents américains qui ne sont visiblement pas satisfaits de voir que Trump démantèle le système des alliances internationales américaines.
Il est peu probable que cette approche aide à améliorer les relations transatlantiques. De plus, la crise de nerfs du président américain montre une chose importante: Washington ne peut plus donner d'ordres et il lui est de plus en plus difficile de forcer même ses vassaux les plus proches à accomplir ses désirs.
Les Présidents Obama ou Bush ont été confrontés parfois au mécontentement des pays européens ou asiatiques subordonnés aux USA, mais il leur était toujours facile de les faire obéir. Actuellement, l'administration Trump ne peut soumettre personne en principe, et la seule chose qui empêche une grande révolte est l'impossibilité de briser et de réorienter en un instant tout le système de liens économiques et institutionnels complexes entre l'UE et les USA. Cependant, cette restructuration est une question de temps et de volonté politique, alors que les actions de l'administration washingtonienne poussent les Européens à renoncer rapidement à leur ancienne vision de la nécessité d'une coopération transatlantique.
Ce même article du Spiegel note que Trump est approximativement aussi mauvais que son homologue russe Vladimir Poutine, voire pire parce qu'il agit ouvertement. Et si la malveillance de Poutine peut encore être qualifiée de simple «théorie de complot», la malveillance du Président américain ne fait plus aucun doute.
Si les efforts de l'administration washingtonienne actuelle débouchaient sur l'apparition, en Europe, d'un nouvel «ennemi préféré» incarné par les USA, ce serait une très bonne chose. A en juger par les sondages de la chaîne allemande ARD, les Allemands font davantage confiance à la Russie qu'aux USA. Par conséquent, la transformation définitive de l'Amérique en rival géopolitique de l'Allemagne est un scénario tout à fait plausible, notamment si Trump continuait de jeter des bonbons sur des dirigeants européens à chaque occasion.
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