Voici un intitulé typique du Washington Post: «Les négociations avec la Chine étaient menées par des amateurs». Et pas du tout des professionnels. Des amateurs du côté américain, bien sûr; c'était tout le contraire de l'autre côté.
Or rappelons que tout a commencé quand les Etats-Unis ont menacé de décréter des taxes douanières et d'autres restrictions sur les importations chinoises d'acier et d'aluminium, avant de s'attaquer aux hautes technologies. Les Chinois ont réagi en adoptant des sanctions contre les produits agricoles américains: la viande et les fèves de soja. Les chiffres atteignent des centaines de milliards de dollars. Toutefois, seules les menaces ont été proférées: «si vous adoptez des taxes sur ce produit, nous adopterons des taxes sur celui-ci».
Les marchés commerciaux et boursiers ont été secoués. Avant tout parce qu'il était clair qu'il ne s'agit pas d'un banal litige, la situation est désespérée pour les USA. Le commerce américain avec la Chine s'est soldé l'an dernier par un déficit de 375 milliards de dollars, selon les USA, et de 276 milliards, d'après la Chine. L'Amérique est perdante dans le commerce avec plusieurs pays, mais la Chine est en tête.
Et voici que nous lisons dans cette déclaration que tout est derrière nous. La guerre commerciale n'aura pas lieu, les négociations continuent. Ce qui est normal: les deux pays seraient à tel point touchés par les mesures avec lesquelles ils se menaçaient il y a quelques mois qu'ils sont tous les deux effrayés. Certes ils continueront de faire la même chose — se battre, discuter et marchander, mais sans le fanatisme initial.
Alors qui a gagné en fin de compte? D'un côté, l'Amérique a attaqué avant de se rétracter. Donc la Chine a tenu le coup. D'un autre côté, cette fameuse déclaration signée à l'issue de la visite de Liu He stipule: la Chine accepte d'augmenter fortement les importations des USA. En particulier, les importations des hydrocarbures et des produits agricoles. Un chiffre de 200 milliards de dollars par an a été mentionné, puis démenti. Et puisque la Chine est «d'accord», c'est elle qui a reculé, et pas les Etats-Unis.
Les bourses disent que les deux camps sont gagnants. Tous les indices ont affiché une hausse aux USA — Dow Jones et Nasdaq. En Chine a commencé un nouveau boum boursier, les analystes reconnaissent qu'aujourd'hui aucun investisseur ne peut ignorer cette réalité.
La partie centrale de la confrontation entre les deux géants concernait le high-tech chinois et la propriété intellectuelle pour ces produits. Dans ce sens les parties ont prôné le «renforcement de la coopération» (il faut utiliser ce genre de phrases quand on n'a rien à dire). De plus, la Chine a promis d'adopter de nouvelles lois dans ce secteur. Mais le fait est que depuis des mois Pékin élaborait déjà ces lois parce que c'est la Chine qui en a besoin avant tout.
Sans oublier qu'au début de la bataille Donald Trump exigeait la suppression du soutien gouvernemental chinois des productions de hautes technologies. Autrement dit, il suggérait ouvertement à Pékin de renoncer au domaine clé de sa stratégie pour des années d'avance. La déclaration finale ne le mentionne pas. Et les experts l'ont remarqué également.
En ce qui concerne les «concessions» de la Chine en termes d'achats chinois de marchandises américaines: ce ne sont pas des concessions. Les plans du développement national du pays prévoyaient une augmentation des importations quoi qu'il en soit, tous les documents officiels en parlaient depuis plus d'un an.
Et il est à noter surtout ce que Liu He a déclaré à son retour à Pékin. En fait, la politique chinoise et mondiale s'est manifestement dotée d'une nouvelle célébrité: le visage du négociateur intrépide Liu est maintenant reconnaissable dans le monde entier. Sur le sol natal il avait le même air qu'à Washington — bienveillant, dépourvu d'émotions et même déçu par tous les problèmes qui se sont abattus avant tout sur l'Amérique.
De plus, Liu He, brièvement mais clairement, a déclaré que le problème du déficit commercial américain était un problème pour toute l'économie des USA et que l'Amérique devrait beaucoup faire pour remédier au déséquilibre de son commerce dans l'ensemble. Difficile à dire combien de temps cela prendra.
«Les USA veulent que la Chine aide l'Amérique à réduire son déficit par la méthode d'économie planifiée. La Chine veut obtenir la même chose par les moyens de marché», ironise le journal chinois Global Times. Et d'ajouter: par exemple, pour que les entreprises chinoises puissent choisir et acheter les marchandises américaines les USA devront ouvrir plus largement leur marché intérieur aux compagnies chinoises. Ce qui prendra également du temps.
En ce qui concerne l'idée personnelle de Trump de faire des USA un fournisseur de gaz pour tout le monde exprimée durant ces négociations, il suffit de regarder les évaluations des besoins de la Chine en hydrocarbures pour des années d'avance pour comprendre que rien ne menace les exportations russes. Le marché chinois suffira pour tout le monde. Mais les Etats-Unis devront construire en Chine une immense infrastructure pour recevoir leur gaz, ce ne prendra pas des mois, mais des années.