Le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien qualifié d'«historique» par Mohammad Javad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères, mais ultérieurement jugé «désastreux» par Donald Trump, peut avoir des conséquences à long terme sur le régime international de non-prolifération. Les experts russes ont évalué les dégâts infligés et les possibilités afin de sauver la situation.
Des nuages noirs sur le régime de non-prolifération
Dans un article publié peu avant l'annonce de la décision de Donald Trump de retirer les États-Unis de l'accord avec l'Iran, Seyed Hossein Mousavian, ancien diplomate iranien qui a participé aux négociations avec l'UE et l'AIEA sur le programme nucléaire du pays, a prévenu que si Washington prenait cette décision, l'Iran aurait trois options pour réagir, dont l'une consisterait à se retirer du TNP.
Le retrait des États-Unis de l'accord sur le programme nucléaire iranien constitue donc un défi pour l'ensemble du système de non-prolifération, estime Anton Khlopov, directeur du Centre russe de l'énergie et de la sécurité, qui a participé à une table ronde organisée le 10 mai par l'agence de presse Rossia Segodnia et consacrée aux conséquences de la décision de Donald Trump.
«Les États-Unis se transforment de l'un des garants du TNP en l'un des problèmes de ce régime», a-t-il déploré, en rappelant le refus de Washington de ratifier le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, son retrait du Traité ABM et les questions qui existaient concernant le respect des Traités INF et New START.
Pyongyang reste vigilant
«Malheureusement, la situation sur l'accord iranien envoie un signal très négatif à ceux qui font face aux défis de non-prolifération du point de vue des perspectives de résolution des crises auxquelles nous sommes confrontés actuellement ou auxquelles nous seront confrontés à l'avenir», estime M. Khlopov.
Selon lui, cette situation peut se traduire par la diminution de la crédibilité des États-Unis, en témoignant de leur manque de capacité de conclure et respecter leurs engagements. Cela peut jouer contre Washington à l'approche de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un.
«Pyongyang peut faire des conclusions concernant la capacité des États-Unis de conclure des accords. […] En 1994, les États-Unis et la Corée du Nord ont conclu un accord cadre qui a été détruit, ce qui est en bonne partie dû à la transition de l'Administration américaine de démocrate à républicaine», a-t-il ajouté.
Le maintien du dialogue malgré tout
Suite à l'annonce de la décision de Donald Trump le 8 mai, le ministère russe des Affaires étrangères a fait part de son intention de poursuivre la collaboration avec les autres parties du JCPOA et la coopération bilatérale avec l'Iran.
«Depuis cette date, nous avons subi une pression considérable des Américains et de la coalition occidentale en général à cause de cette coopération. Nous étions le seul pays à continuer à coopérer avec l'Iran pendant les années les plus difficiles […] Il faut poursuivre cette coopération avec eux [les Iraniens, ndlr] et signaler à nos partenaires occidentaux que la Russie entend soutenir les activités nucléaires légitimes en Iran», a-t-il précisé.
L'expert russe a précisé que désormais, l'Iran suit de près le comportement des autres parties du JCPOA afin de définir sa ligne de conduite. Le maintien du dialogue avec Téhéran peut permettre d'éviter la violation de l'accord de sa part.
La Russie, en tant que partie du JCPOA, a joué un rôle très actif dans l'atténuation des tensions autour du programme nucléaire iranien. En conformité avec cet accord, l'Iran lui a transféré la totalité de son uranium enrichi à 20%. Par ailleurs, la société russe de l'énergie nucléaire Rosatom participe à la transformation du centre de Fordo, auparavant spécialisé dans l'enrichissement d'uranium.