Albert Rivera, leader du parti espagnol de centre-droit Ciudadanos (C's), a ravivé le 3 mai une polémique qui agite le monde politique de l'autre côté des Pyrénées en réaffirmant que sa formation étudiait une candidature de Manuel Valls à Barcelone pour les élections municipales de 2019.
«Nous sommes en contact avec lui, je ne le cache pas. Lui non plus. C'est lui qui a annoncé que nous étions en contact pour préparer une candidature à Barcelone. […] Nous allons travailler pour que Valls puisse être un candidat de consensus», assurait Albert Rivera depuis Buenos Aires.
Ainsi, élus et citoyens ont dénoncé le parachutage de Manuel Valls, à l'image de Cayetana Álvarez de Toledo, éditorialiste pour El Mundo qui qualifiait le député français de «touriste politique» dans un article publié le 28 avril.
Arrimadas: «L'inclusion de Manuel Valls donnerait à Barcelone une projection internationale incroyable dont elle a besoin.». Parce que, bien sûr, avant Valls Barcelone était une petite localité introuvable sur Google Maps.
Dans des propos repris par El Español, le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), José Luis Ábalos, critiquait quant à lui le 30 avril dernier «l'importation d'hommes politiques» qui ont «échoué dans leur propre pays».
Vargas Llosa (péruvien, naturalisé espagnol) à Madrid, Valls à Barcelone, ils les font où les listes chez Ciudadanos? Dans un magasin de déstockage?
Ada Colau, l'actuelle maire de Barcelone en position délicate pour conserver son poste l'année prochaine, s'en est également pris à Manuel Valls en insinuant qu'il était parachuté, questionnant de facto sa légitimité à se présenter aux municipales de 2019. Interrogée par RAC1, elle déclarait ainsi à propos de l'ancien Premier ministre français:
«La ville de Barcelone ne mérite pas les restes, mais des candidats qui connaissent la ville et qui aient comme priorité Barcelone. [Manuel Valls] ne connaît pas la ville et ne mets pas les pieds dans nos quartiers.»
Les accusations de parachutage et le procès pour manque de légitimité fait à Manuel Valls ne sont pour autant pas les seules critiques que le député proche de LREM devra essuyer s'il décide d'être candidat à la mairie de Barcelone.
Ada Colau se prononce quant à une éventuelle candidature de Manuel Valls: «Il ne connaît pas la ville et ne met pas les pieds dans nos quartiers.» Qu'est-ce qu'il les rend nerveux!
Potentiellement investi par Ciudadanos, Manuel Valls souhaiterait mener une grande «plateforme constitutionnaliste rassemblant le Parti Populaire (PP, de droite), Ciudadanos (C's, de centre-droit) et le Parti Socialiste Catalan (PSC, émanation régionale du PSOE)». Pourtant, le PSC a d'ores et déjà écarté cette hypothèse. A droite, un ancien ministre du PP, José Manuel García Margallo, déclarait que «si Valls est potentiellement candidat, le PP devra trouver un candidat de prestige». Une manière de laisser la porte ouverte à une alliance tout en invitant son parti à trouver un challenger à la hauteur.
Une source au sein du parti socialiste expliquait quant à elle à ABC que «bien souvent, les unions de ce genre ne signifient pas d'augmentation, ni en termes de votes, ni en termes de sièges» tandis que le secrétaire de l'organisation, Salvador Illa, observait:
«Nous ne comprenons pas comment une personne qui se présente d'abord sous l'étiquette de Ciudadanos peut ensuite appeler à une liste commune. Ça nous paraît être un point contradictoire.»
Rejoignant la maire de Barcelone, le secrétaire général du PSOE écartait définitivement l'idée que le PSC rejoigne une éventuelle coalition constitutionnaliste en rappelant dans l'émission La Sexta que les socialistes allaient présenter une candidature «qui corresponde à notre projet politique et à la réalité que vit la Catalogne.»
Après Manuel Valls et Vargas Llosa, et si l'investiture à distance de Puigdemont est actée, Ciudadanos n'écarte pas proposer comme candidats à n'importe quoi Francisco Franco et Adolph Hitler grâce au ouija.
Le même homme fustigeait une «opération marketing qui n'a rien à voir avec la réalité» du terrain, faisant allusion à la conjoncture actuelle en Catalogne, fragilisée par la crise politique avant de lancer une pique en direction de Manuel Valls, mais aussi des catalans:
«Il est surprenant que nous n'ayons pas de politiques catalans en activité qui comprennent, qui vivent et qui pâtissent même de la réalité en Catalogne.»
Les indépendantistes ont naturellement moins réagi à la proposition de Ciudadanos de former une plateforme constitutionnaliste. Ils ne sont pour autant pas restés inactifs face à la candidature de Manuel Valls, qu'ils perçoivent comme une menace.
Ainsi, le média pro-indépendantiste El Nacional reprenait les propos du philosophe Jordi Graupera qui estimait que Manuel Valls «représente la dérive xénophobe du jacobinisme français décadent».
Graupera, dans un entretien accordé à TV3, considérait que l'ancien Premier ministre «représente le pire autoritarisme d'État» tandis que le candidat à la primaire du Parti Démocrate européen Catalan (PDeCAT), Carles Augustí assurait que l'élection du député français représenterait «l'entrée de l'extrême-droite» au Conseil municipal.
Nouvelles attaques contre Manuel Valls: il est accusé de ne pas connaître les quartiers et d'amener «l'extrême-droite» à Barcelone.
Mais la candidature de Manuel Valls, si elle suscite de nombreuses critiques, interroge les espagnols sur les raisons de cette candidature.
Avec l'élection de Manuel Valls, il faudrait accepter que les élus se sélectionnent grâce à la concurrence au sein de l'oligarchie.
Dans l'émission Europe Ouverte, Gustavo Palomares, directeur de l'Institut d'Etudes Européennes espagnol, estimait qu'il s'agissait là d'un «pari de Macron» pour «donner une dimension européenne à son projet» tout en «étendant son influence».
N'oublions pas que Valls est au service de Macron, que Macron est au service des pro-mondialisation et que les pro-mondialisation sont contre l'Espagne.