Le transfert de commandos français dans la ville syrienne de Manbij sera effectué avec l’accord des États-Unis et jouera le rôle d’un facteur de dissuasion politique pour la Turquie, a déclaré Grigori Loukianov, professeur de sciences politiques au Haut Collège d’économie russe et expert des conflits au Proche-Orient.
«Il ne s’agit pas de remplacer complètement [les militaires américains, ndlr] puisque les effectifs américains et français en Syrie sont inégaux en nombre. La présence militaire des Etats-Unis sur le territoire syrien est beaucoup plus importante que celle de la France. Le nombre total des militaires français en Syrie varie entre 200 et 800 spécialistes d’après différentes estimations. Les États-Unis comptent, quant à eux, près de 2.000 soldats en Syrie», a indiqué M.Loukianov cité par les médias russes.
«Paris considère la présence de ses commandos près de Manbij comme un élément de la présence politique en Syrie qui constitue un facteur de dissuasion pour les militaires turcs. J’ai entendu parler d’un transfert de 50 commandos français. A mon avis, c’est suffisant puisqu’il n’est pas question que les Français entrent en confrontation avec les troupes turques ou des formations armées pro-turques», a ajouté M.Loukianov.
D’après l’expert, les déclarations faites par le Président français confirment que le transfert des commandos est plutôt une action de démonstration qu’une mission destinée à renforcer les formations kurdes.
«L’idée de Macron est une forme de message politique pour Ankara. Jouant à la fois le rôle d’une force séparatrice et d’"épouvantail" pour les autorités turques, Paris laisse entendre que s’ils avancent vers Manbij, les Turcs seront obligés de tirer sur des militaires français et de répondre de leurs actions. Cette situation pourrait être considérée comme une attaque d’un pays membre de l’Otan contre un autre», d’après M.Loukianov.
«Paris est en mesure de transférer assez rapidement un plus grand nombre de militaires, par le territoire libanais ou jordanien. Et ce transfert peut être si rapide que les journalistes ou l’opinion publique ne le sauront pas», a estimé M.Loukianov.
Il faut étudier la coopération actuelle entre la France et les États-Unis en Syrie compte tenu «de l’ambiance générale dans les relations russo-américaines et russo-françaises qui ont beaucoup changé dans le contexte de l’affaire Skripal. Il y a des raisons de croire que la France est toujours prête à tenir compte des intérêts des États-Unis et de l’Arabie saoudite, mais aussi à reconnaître le rôle de la Russie», a conclu l’expert.