«Revenantes»: petite-amie de Radouane Ladkim, un avant-goût de ce qui attend les Français?

Au moment où la question des revenants, notamment des femmes ainsi que de leurs enfants, se pose de plus en plus en France, le comportement de la compagne du terroriste de l’Aude donne-t-elle un aperçu de la dangerosité que représente l’entourage des radicalisés qui sont passés à l’acte?
Sputnik

La compagne de Radouane Lakdim, le terroriste de l'Aude, «Marine P.» a été mise en examen mardi soir pour «association de malfaiteurs terroriste». Une petite amie, dont le profil et les propos ont choqué de nombreux Français. En effet, lors de son arrestation, cette jeune fille de 18 ans «aux yeux bleus», fraîchement convertie à l'Islam aurait hurlé aux policiers «Allahu Akbar».

Par la suite, dans les locaux de la DGSI, cette jeune fille —fichée S pour radicalisation islamique- «sans antécédent judiciaire» et vivant chez ses parents non croyants dans un HLM «aux confins» de Carcassonne, aurait tenue des propos «glaçants» aux enquêteurs.

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La jeune fille décrite par ses proches comme «jolie, souriante, discrète», aurait regretté que Radouane Lakdim n'ait pas fait plus de victimes, ajoutant qu'elle n'aurait pas dénoncé son compagnon à la police si elle avait été au courant de ses projets d'attentat et même qu'elle aurait participé à son action s'il lui avait demandé, le tout afin de venger les «frères qui sont tués en Syrie». Le matin même du passage à l'acte de son compagnon, elle publiait sur les réseaux sociaux une sourate promettant «l'enfer aux mécréants» et se déclarait d'ailleurs «sympathisante» de Daech.

Pour François Molins, procureur de la République de Paris, le diagnostic est sans appel, Marine «présente tous les signes d'une radicalisation», a-t-il déclaré à la presse lundi soir. «Il n'y a pas de quoi écrire une thèse!» réagit pourtant le criminologue Xavier Raufer, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II. Renvoyant au travail de Sigmund Freud, il évoque plutôt une «démarche morbide et masochiste» manifestée par l'adulescente qui défendrait de la manière la plus provocatrice qui soit sa relation et son petit copain, dès lors qu'elle perçoit une persécution.

«Il serait souhaitable, naturellement, que cela prenne une autre allure que celle d'un soutien sans faille à l'État islamique, mais c'est- pour parler un peu vulgairement —de la déconnade adolescente et rien de plus donc ce n'est pas ça qui est inquiétant.»

Au-delà du désir de faire «frémir les adultes», ce qui inquiète néanmoins le criminologue est chez ces jeunes gens la recherche d'un modèle auquel se conformer et qui en dans le cas de Marine fut un islamiste. Une situation dramatique dans laquelle la jeune fille s'est embarquée, en partie à cause de ses parents, estime Xavier Raufer, qui auraient dû reprendre les choses en main et couper court à la relation de leur fille avec l'islamiste.

Cependant, comment ne pas s'inquiéter du comportement de cette jeune fille radicalisée, qui approuve les attentats commis dans l'Aude, alors même que d'autres individus aguerris rentrent de Syrie et d'Irak? Parmi ces centaines de Français, partis au Levant, pas moins de 300 femmes et 500 enfants avaient été dénombrés fin 2017. Si les hommes sont emprisonnés à leur retour, le traitement judiciaire réservé aux «revenantes» et à leurs enfants reste flou. Là encore, Xavier Raufer appelle à raison garder, tout particulièrement concernant les chiffres «fantaisistes» mis en avant par les autorités. Pour lui, beaucoup ne rentreront pas…

«Pris dans la nasse de Mossoul, il y avait une centaine de "Français" quand le siège s'est terminé, l'armée irakienne a laissé place à des milices chiites- qui, par hypothèse, ont des comptes à régler avec les salafistes —et depuis on n'a plus trop entendu parler des militants et combattants de l'État islamique qui étaient restés… d'après moi, ils n'ont pas du bien finir, mais ils sont toujours comptés comme vivants et dangereux.»

Mais aussi minimes soient ces retours, peut-on croire ces femmes de retour de zone de guerre, où elles ont rejoint des criminels rompus à l'art du mensonge, de la dissimulation? Des femmes qui aujourd'hui plaident la naïveté, comme Margaux Dubreuil, une Nantaise arrêtée avec ses trois jeunes enfants par les forces kurdes à Raqqa, en octobre 2017.

Interviewée par une équipe de France Télévision, elle déclarait qu'avec les autres musulmanes elle ne souhaitait qu'assouvir «un rêve de jeunes converties», ne voyant dans le califat de Daech qu'un espace où elles «seraient libres de pouvoir vivre notre religion à notre aise».

Margaux Dubreuil avait quitté la France pour rejoindre Daech en Syrie dès 2013, quelques mois à peine après Émilie König, une autre Française, recruteuse effrénée de 200 Françaises dans les rangs de Daech, passionnée par les armes, repérée tant par les services français pour sa violence et sa «haine du monde occidental» que par la CIA, qui l'a ajouté tableau de ses cibles prioritaires. Emilie König, également capturée par les Kurdes, demande aujourd'hui son rapatriement en France, les autorités françaises ayant «l'obligation de la juger» selon son avocat.

Elles se présentent généralement comme des «femmes au foyer», à l'image de Mélina Boughedir, qui elle ne demande pas son rapatriement, mais sera expulsée d'Irak. Comme le souligne Franceinfo, des sources irakiennes de l'agence américaine Associated Press affirment qu'elle faisait partie de la police morale de Daech. Si elle nie avoir participé aux combats, des plans de la bataille de Mossoul ont été retrouvés dans son téléphone portable.

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Dans ce cas comme dans d'autres, les journalistes français qui les ont rencontrés s'interrogent d'ailleurs sur l'honnêteté de leurs témoignages. D'autant plus que pour ces femmes de djihadistes, la manœuvre en vaut la peine: alors qu'en Syrie ou en Irak elles risquent la peine de mort, elles n'encourent en France que de faibles peines d'emprisonnement. 6 ans, en moyenne, dans le cas des hommes de retour des zones de combats, comme le soulignait le Journal du Dimanche, qui revenait sur le fait que d'ici deux ans «70 à 80 condamnés pour terrorisme seront sortis de prison.»

Des prisons où elles créent une «dynamique négative au cœur du quartier», certaines étant «très prosélytes» comme le déclarait un surveillant de Fleury-Mérogis au député PS des Hauts-de-Seine Sébastien Pietrasanta, alors rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de 2015. Un témoignage issu d'un extrait exclusif, paru dans L'Obs, de l'ouvrage «Un parfum de djihad» (éd. Plon), coécrit par les journalistes Édith Bouvier et Céline Martelet, grand reporter à RMC, où elles reviennent justement sur le retour en France des femmes djihadistes.

Une réalité, corroborée par un autre livre Femmes de djihadistes (Éd. Fayard), d'un autre journaliste, Matthieu Suc de Médiapart. Il déclarait à Europe1, le mois dernier,

«il y a eu des cas de femmes qui ont été désabusées par leur mari ou par la situation sur place, il y a eu quelques victimes, mais en grande majorité, elles sont volontaires, elles ne sont pas déçues et elles aspirent à devenir elles-mêmes djihadistes.»

«Je me suis demandé ce que ce petit allait devenir plus tard». Dans un documentaire de France24, diffusé bien plus tôt, en septembre 2014, sur la vie à Raqqa. Une Syrienne filmant en caméra cachée dans la capitale de facto de Daech remarquait un jeune enfant accompagné de ses parents, tous deux armés de Kalashnikov. Une mère qu'elle «devinait européenne» et qui ne comprenait pas ses questions en arabe. À une Française qu'elle croise dans un cybercafé, à qui elle demandait les raisons de sa venue à Raqqa, elle se voit répondre «pour combattre Bachar et l'Armée syrienne libre».

Tous reviennent sur le changement d'attitude- progressif ou brutal- des autorités françaises qui avaient tendance à considérer ces femmes comme des victimes. «Magistrats, policiers et journalistes, nous avons tous été aveuglés par nos préjugés d'Occidentaux qui méconnaissent l'islam radical,» lâchait dans une interview à L'Express, Matthieu Suc, à l'occasion de la sortie de son livre, au printemps 2016.

«Je crois que, quelque part, il y a des anges gardiens qui, dans la zone, font en sorte qu'il y en ait le moins possible qui rentrent. Des anges gardiens russes, britanniques et français par hypothèse.»

À vrai dire, pour Xavier Raufer, la question du retour d'individus ayant quitté la France pour combattre tout ce qu'elle incarne ne devrait pas se poser. Pour lui, en répandant un tel sujet, les médias «suscitent des problèmes où il n'y en a pas»: «Qu'est-ce qui nous oblige à faire un certain nombre de choses comme celle-là? C'est dingue quand même!» s'atterre le criminologue.

«Nous sommes dans une guerre, il y a eu depuis l'année 2015 à peu près 300 morts sur le territoire national: il n'y a pas de raison de se transformer en nursery pour des gens fanatiques et qui ont poussé le passage à l'acte jusqu'à aller en zone de combat.»

Pour lui cependant, tous les revenants ne représentent pas un danger, «il y en a qui ont très mal vécu le séjour sur place» estime-t-il, évoquant le «traumatisme» que l'expérience aurait été pour nombre de candidats au djihad. Xavier Raufer évoque notamment la description donnée par des membres des Forces spéciales de retour des zones contrôlées par Daech «quand ils parlent de ce qui se passe là-bas, ils parlent de barbarie préhistorique.»

«Vous imaginez le garçon- ou la fille- un peu idéaliste qui se dit "oui, on opprime les musulmans, je vais aller les défendre", il arrive sur place, il tombe sur des villes où on jette les homosexuels du haut des immeubles où on égorge les femmes enceintes où on fracasse les bébés contre les murs en les jetant, il y en a qui ont psychologiquement très mal vécu ça.»

Pour Xavier Raufer, aux combattants s'ajoutent un bataillon d'«idiots utiles», prenant un exemple «il y a un garçon qui est rentré fin 2016, on ne devait pas avoir en lui une confiance immense, parce qu'il a passé son année sur place à creuser des tombes.»

«Ceux qui rentrent et qui veulent encore combattre, c'est ce que pas très élégamment en statistiques on appelle un résidu: il n'y en a pas tant que ça.»

Pour le criminologue, une surveillance étroite de ces «revenants» serait donc suffisante, qui plus est dans le cas des enfants qui ne pourraient aussi bien que les adultes dissimuler leur jeu. Pour autant, ce serait une erreur de considérer Xavier Raufer sur la même ligne que Christophe Castaner, qui déclarait dimanche sur Europe1 qu'il fallait «accueillir» les djihadistes, femmes et enfants inclus, en France afin de mieux «identifier le risque», en somme ne pas les tenter vainement de les empêcher de rentrer, le tout afin de mieux les surveiller. Pour le criminologue, les propos du délégué général de La République en Marche (LREM) iraient à l'encontre de ce ceux qui en France, ont des responsabilités dans la lutte antiterroriste.

«eux, pensent, qu'il faut les laisser en Syrie et les flinguer les uns après les autres- pour être clair. Donc, l'avis de M. Castaner, c'est son avis à lui. Il y a un service de renseignement intérieur, il y a le renseignement extérieur, il y a la coordination qui est à l'Élysée. Dans ces organismes-là, personne ne pense ce que pense M. Castaner. On pense qu'il ne faut pas les empêcher de partir, il faut les empêcher de rentrer.»

«Il existe un lien étroit entre immigration et terrorisme», selon un ministre hongrois
Un point exaspère cependant notre expert, celui de vouloir remédier au fléau de la radicalisation en France en apportant des «réponses sociales», les quartiers sensibles, fréquemment présentés comme un «terreau fertile au terrorisme», étant ainsi désignés pour recevoir ce nouveau volet d'aides économiques. «Dans le concret, ce n'est pas comme ça que ça se passe,» lâche Xavier Raufer, pour lequel tenir à limiter et expliquer le phénomène de la radicalisation islamiste à travers les seules difficultés sociales est un fourvoiement:

«On va prendre un exemple précis et vous allez me dire si cela relève du traitement social: vous prenez une famille qu'est un miracle d'intégration en France. Une famille dans laquelle le père et la mère, issus de l'immigration maghrébine, ont travaillé toute leur vie. Ils ont fait des économies, ils ont acheté un petit pavillon à côté de Rouen, leurs enfants ont fait de belles études: ils ont un fils est ingénieur, une fille est doctoresse, etc.
Quoi qu'on recherche on ne pourra jamais espérer mieux que l'intégration de cette famille-là, ils ont cinq enfants, le cinquième est celui qui a égorgé le vieux curé… Elle est où la malédiction sociale?»

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