«Je trouve aberrant le fait de laisser revenir des gens qui ont pris le goût du sang, qui ont joué avec des têtes, qui ont assisté au spectacle de massacres de masse. Ce ne sont pas des gens qui sont uniquement radicalisés, ils sont tombés dans le camp de la barbarie!»
«On a, à peu près, 700 Français qui sont partis faire le djihad, 300 sont morts sur place […] Il reste, selon nos chiffres, 258 adultes qui pourraient revenir. […] Je crois qu'il vaut mieux les suivre, les accueillir, les emprisonner chaque fois que des actes délictuels ou criminels ont été commis, pour faire en sorte qu'on puisse identifier justement le risque.» déclarait ainsi Christophe Castaner sur Europe1.
Des «attaques faciles à faire et difficiles à défaire», a répondu, d'un ton résigné, Christophe Castaner, à la question de la journaliste qui venait de lui égrainer —dans un inventaire à la Prévert- les nombreux chefs d'inculpation qui étoffent le pedigree du terroriste. «On peut toujours chercher une responsabilité» a ajouté le Secrétaire d'État, précisant qu'il ne cherchait pas à se dédouaner, saluant le travail des Services français dans le suivi laborieux de milliers d'individus signalés pour radicalisation en France et assurant que le gouvernement était «totalement engagé sur ce sujet-là». Pour Christophe Castaner, qui n'a visiblement pas tout oublié de ses 31 années passées au PS, «nous sommes tous responsables.»
Un avis que ne partage clairement pas Alexandre Del Valle:
«il y a une responsabilité de l'État qui est énorme» déclare ce professeur de géopolitique à Sup de Co La Rochelle ainsi qu'à l'École de guerre économique (EGE), auteur notamment de «La stratégie de l'intimidation: Du terrorisme à l'islamiquement correct» et «Les vrais ennemis de l'Occident: Du rejet de la Russie à l'islamisation des sociétés ouvertes» (Éd. L'Artilleur).
Pour lui, l'État français, quelles que soient les majorités, ne se donne clairement pas les moyens d'endiguer le fléau du terrorisme islamiste et les moyens humains manquent cruellement.
«Est-ce normal que la République ne mette pas assez d'argent dans quelques milliers de policiers nécessaires pour suivre les terroristes? […] Structurellement, l'État n'a pas décidé de garantir le maximum de sécurité de nos citoyens!»
Un manque de moyens qui contraint les agents de la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) à relâcher, à un moment ou à un autre leur surveillance sur les individus suspectés de radicalisation et potentiellement en passe de préparer un attentat. Des individus toujours plus nombreux —la France ne compte pas moins de 20.000 fichés «S» pour radicalisation à caractère terroriste (FSPRT)- qui plus est passés maîtres dans l'art de la dissimulation (Taqîya), mais qui n'échappent pas toujours aux contrôles de la DGSI.
«Il n'y a pas assez d'argent pour surveiller les radicalisés. Si nous avions mis tout l'argent que l'on met pour le traitement des clandestins, de l'immigration, et pour la sécurité sociale universelle que l'on donne à des clandestins qui, normalement, n'y ont pas droit, si on mettait cet argent pour avoir plus de fonctionnaires de police derrière chaque radicalisé, cela irait peut-être mieux.»
Un manque de moyens qui trouve un écho mortifère dans les nombreux «problèmes structurels» de la société française que relève notre expert, à savoir de nombreux «dysfonctionnements, de non-application de la loi, d'incohérences de la Justice». Alexandre Del Valle évoque notamment le cas de Jawad Bendaoud, le «logeur de Daech» qui avait hébergé des terroristes du 13 novembre à Paris, fustigeant l'absence d'interdisciplinarité des parquets. En effet, Jawad Bendaoud fut libéré après sa relaxe des chefs d'inculpation de «recel de malfaiteurs terroristes» et de «non dénonciation de crime terroriste», alors qu'il avait admis durant les audiences être un revendeur de cocaïne.
«Vous me croyez si vous voulez, les juges en France, à l'école de la magistrature, n'ont même pas de cours de criminologie. Est-ce que c'est normal?»
Pour Alexandre Del Valle, qui dénonce régulièrement «l'alliance des coupeurs de tête et des coupeurs de langues», empêchant de combattre la source idéologique de la menace du terrorisme islamique, le diagnostic est sans appel:
«Nous ne sommes pas armés, nous ne sommes pas capable de déradicaliser des gens qui ont pris le goût du sang. On ne peut qu'empêcher la radicalisation de nouvelles personnes, mais quelqu'un qui est passé de l'autre côté de la barrière est très difficilement réinsérable…»
Le problème de ces centaines de «revenants» aguerris, qui se conjugue à celui causé par les «partants frustrés», n'ayant pu rejoindre Daech. Pour Alexandre Del Valle, le nombre de 20.000 fichés pour radicalisation au FSPRT est appelé à augmenter, qui plus est après ces nombreux retours de Syrie et d'Irak. Des individus qui vont forcément en radicaliser d'autres une fois rentrés.
«C'est assez étonnant que nos démocraties veulent accueillir ce genre de personnes, qui vont pour la plupart ne pas être emprisonnées, qui vont voir des psychologues et comme vous le savez ils ont été formés au mensonge: il y a toute une stratégie du mensonge, de la ruse de guerre, dans la propagande islamiste- et pas uniquement Daech- qui permet de jurer même sur le Coran des choses fausses pour tromper l'ennemi, le mécréant.»
Une situation qui concerne tant les terroristes condamnés que les radicalisés interpellés avant leur passage à l'acte ou les djihadistes rentrés- ou qui rentreront- de Syrie. Des individus en moyenne condamnés à 6 ans de prison. Si le phénomène inquiète à juste titre, rien ne semble être envisagé afin d'y remédier, l'État de droit devant prévaloir coûte que coûte.