«Cette année écoulée a implacablement confirmé l'existence d'une autre Europe, méconnue lorsqu'elle n'est pas ignorée, oubliée lorsqu'elle n'est pas méprisée: l'Europe des sans-domicile». La Fondation Abbé Pierre et Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa), dans un rapport commun annuel, tirent la sonnette d'alarme: le nombre de sans-abri en Europe ne cesse d'augmenter.
Tous les pays n'ont pas la même méthodologie de comptage, et
«on n'a pas de données standardisées en Europe sur le nombre de sans-abri. C'est un phénomène de société qui n'est pas observé au niveau européen», déplore au micro de Sputnik France Sarah Coupechoux, chargé d'étude Europe au sein de la Fondation.
La France comptabilise les personnes ayant fait une demande d'hébergement d'urgence, tandis que d'autres incluent également celles qui dorment dans un centre d'hébergement, en hôtel ou chez de la famille et des amis.
«On entend beaucoup parler de l'Allemagne, comme un pays qui n'a pas de chômage par exemple… Mais ils ont un taux de pauvreté qui atteint des records!», commente Sarah Coupechoux. Le problème du mal-logement y est tel, que «ça devient une question politique».
«Ils ont construit des logements, construit des parcs abordables en transformant les centres d'hébergement en logements», afin d'ériger en principe fondamental le «Housing First», c'est-à-dire la politique du «logement d'abord».
Contrairement en France où, «entre la rue et le logement social, il se passe des années et beaucoup de ruptures… car pas de suivit dans les soins, dans l'accompagnement, etc.»…
«Le Housing Fisrt consiste à dire qu'on va donner tout de suite un logement à la personne. Une fois qu'elle est posée, une fois qu'elle a un lieu sécurisé et sécurisant, on va l'aider à mettre en œuvre ce dont elle a besoin», reprendre des soins, chercher un emploi, etc.
L'hébergement «d'urgence» est indispensable, mais la succession de plan de mise à l'abri, supposés temporaires, mais débouchant difficilement sur un vrai chez-soi, «pérennise la précarité et n'offre pas de protection des droits au logement, à la vie privée, à l'inclusion», poursuit le rapport. Pourtant, la politique volontariste de la Finlande peut ne pas être une exception européenne, et il semblerait que la France s'y intéresse.
«En France, il y a une grosse expérimentation qui s'appelle "Un chez soit d'abord". Depuis 2005, des expérimentations similaires ont eu lieu, notamment aux États-Unis».
Les conséquences du mal-logement sont plus coûteuses que les plans logement établis dans l'urgence: «Tous acteurs du secteur s'accordent à dire que ce n'est pas une situation viable. Le rapport appelle les États à changer de paradigme».
«Des économies sont réalisées. Pas seulement dans la prise en charge de la personne, mais sur la santé, l'utilisation des services d'urgences, etc. Évidemment, on est tous concernés, pour des raisons humanitaires et parce que d'un point de vue de la société, les dépenses réalisées pour lutter contre le sans-abrisme avec des plans, comme en France le plan hivernal.»
Si la Commission européenne se targue d'une croissance relancée, celle-ci n'empêche pas les inégalités de se creuser, loin de là. L'onde de choc de la crise de 2008 se fait encore sentir, associé à des loyers toujours plus inabordables:
«On a une Commission qui se réjouit de la reprise de la croissance et d'une économie qui irait mieux et se remettrait de la crise de 2008 après des années de difficultés… quid de l'autre Europe? que fait-on des plus vulnérables?», dont leur nombre est «toujours en hausse», s'interroge Sarah Coupechoux.
«Ce qu'on demande à l'UE, c'est de s'intéresser à ce phénomène à travers les compétences qui sont les siennes. C'est difficile de regarder le développement urbain, la migration, et de ne jamais regarder la question du sans-abrisme… alors qu'il s'agit des citoyens européens les plus démunis», conclut-elle.