Tariq Ramadan reste en prison! Ayant eu accès aux décisions des juges, RTL révélait le 27 février que ces derniers avaient considéré que Tariq Ramadan devait être maintenu derrière les barreaux, pour éviter le risque d'un nouveau viol! Certains s'en offusquent, d'autres s'en réjouissent. Mais qui sont les soutiens et les détracteurs de Tariq Ramadan? Et ces acteurs sont-ils vraiment animés par le sentiment du bien commun et la recherche de la vérité?
Si les plaintes de ces victimes présumées ont été déposées en octobre dernier, les faits remonteraient respectivement en mars-avril 2012 et le 9 octobre 2009.
Si déjà quelques soutiens s'étaient exprimés pour défendre Tariq Ramadan avant son incarcération, une véritable campagne médiatique a vu le jour depuis sa mise en détention. Et ce soutien s'est largement accentué depuis les rebondissements sur son état de santé supposé. Alors que le prédicateur suisse avait demandé sa mise en liberté à cause d'une santé incompatible avec une détention, la Cour d'appel de Paris a décidé ce 22 février dernier le maintien en détention provisoire. Si le jour même, 80 personnes avaient alors protesté devant le Palais de Justice de Paris, c'est bien par Internet que la vague de protestation a pris de l'ampleur notamment autour du mouvement transnational et multilingue, «Résistance & Alternative».
Sur les réseaux sociaux, les soutiens ont créé deux comptes Facebook («Free Tariq Ramadan Campaign» et «Contre la Calomnie. En soutien à Tariq Ramadan» avec respectivement plus de 50.000 et de 10.000 abonnés) et un compte Tweeter, «#FreeTariqRamadan», qui rassemble plus de 7.000 abonnés.
À l'instar de Nabil Ennasri, président des Musulmans de France, la femme du prédicateur, Iman Ramadan, a réalisé deux vidéos pour soutenir son mari. Ayant été reprises par les différentes plateformes précédemment citées, elles totaliseraient environ 1 million de vues.
Sa fille, Maryam, s'est aussi manifestée:
Cela fait 3 semaines que je n’ai pas parlé à mon papa… Ça ne nous est jamais arrivé 💔 ils essayent de l’isoler de sa famille… Quelle absence d’humanité….#FreeTariqRamadan
— Maryam R. (@BintBattuta13) 21 февраля 2018 г.
De plus, et de cela, les médias s'en ont fait largement l'écho, une cagnotte a été créée dans le but affiché de payer les frais de justice du présumé violeur. Plus de 2.000 personnes ont participé à cette cagnotte qui a ainsi récolté plus de 107.000 euros en 4 jours.
Une collecte qui a été créée sur la plateforme de financement participatif Cotizup, créée en mars 2016 par le président fondateur de l'ONG Ummah Charity, Billal Righi. Ce dernier avait révélé l'avantage de Cotizup sur ses concurrents: la communication sur les réseaux sociaux.
Rappelons par ailleurs qu'Ummah Charity fut fondée, selon Médiapart, sur les «valeurs de l'Islam». La présence de cette association communautaire lors des réunions annuelles de l'ex-Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) explique que Cotizup a hébergé la cagnotte en soutien à Tariq Ramadan. Rappelons aussi que ce dernier fut largement appuyé en France par l'UOIF, renommée «Musulmans de France», branche française des Frères musulmans. S'il est donc considérablement soutenu par cette communauté musulmane en France, Tariq Ramadan l'est aussi amplement à l'étranger: il est tout simplement le petit-fils d'Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans et le fils de Saïd Ramadan, un des cadres de l'organisation transnationale.
Si ce n'est pas le soutien à Tariq Ramadan en lui-même qui est à remettre en cause, c'est bien la manière exprimée, les messages délivrés par ces défenseurs qui pose question. En effet, outre les messages d'insultes et de menaces de mort que reçoivent les victimes présumées, les propos de sa famille, des créateurs de la cagnotte, de la pétition, des comptes sur les réseaux sociaux, etc., tous dénoncent une justice arbitraire et fréquemment des complots visant le célèbre prédicateur.
Avant même que le procès n'ait lieu, les défenseurs de Tariq remettent donc en cause la Justice, ses institutions, les hommes qui la composent et de manière très explicite, ces défenseurs doutent de l'indépendance de la justice française. Pour eux, l'affaire Tariq Ramadan n'est pas une affaire de mœurs, mais un procès politique à charge.
Les recteurs des Mosquées de Lyon et de Villeurbanne, Kamel Kabtane et Azzedine Gaci estiment Tariq Ramadan «victime d'un lynchage médiatico-politique». Cependant, comme la plupart de leurs homologues et confrères, comme la majorité des soutiens de l'érudit islamique, tous dénoncent aussi l'oubli du principe de la présomption d'innocence de «leur frère».
Cette dénonciation est aussi reprise par une partie des médias français, et notamment par Médiapart. Ainsi, plus d'une cinquantaine de personnalités (philosophes, politologues, sociologues, footballeurs et militants) ont signé une tribune pour «une justice impartiale et égalitaire».
En effet, grands opposants aux thèses et aux discours de Tariq Ramadan, ces trois sommités politoco-médiatiques n'ont pas hésité à condamner l'islamologue: les présumées victimes sont victimes et le présumé coupable est coupable!
Ainsi, Caroline Fourest, chroniqueuse engagée, qui entretient des liens avec «Christelle», était-elle invitée sur BFMTV, sur RTL quelques jours après le dépôt de plainte des victimes présumées. En se présentant avec le sourire du vainqueur, la polémiste, plusieurs fois condamnée par la justice française, n'a pris aucune précaution dans cette affaire et semble avoir oublié le qualificatif «présumé». De plus, elle est accusée par la défense de Tariq Ramadan de «collusion», et a décidé de porter plainte pour «dénonciation calomnieuse».
Quand à Manuel Valls, ancien premier ministre et actuel député, il semble vouloir endosser un costume de procureur et oublier la prudence à tenir quant à son rôle, comme l'illustre ce tweet:
Depuis des années je dénonce la duplicité de #TarikRamadan..aujourd'hui la vérité éclate grâce à des femmes courageuses.Merci à elles!
— Manuel Valls (@manuelvalls) 30 октября 2017 г.
De plus, il n'hésite pas à s'en prendre à ceux qui ont tendu leur micro à Tariq Ramadan, comme le journaliste Frédéric Taddeï, les accusant de complicité.
Mais de manière encore plus générale, c'est l'attitude des journalistes et des médias qui interpelle. Ces mêmes médias, qui par ailleurs, se comportaient sur l'affaire DSK en 2013 d'une bien curieuse façon:
Maître Dupond-Moretti s'exprimait à ce sujet sur Europe 1 le 5 février dernier:
«Je ne sais pas au moment où nous parlons, quel sort judiciaire sera réservé à Tariq Ramadan. […] Une chaîne d'information continue [BFMTV, ndlr] procède à l'interrogatoire de l'une des plaignantes, déjà qualifiée de victimes, là encore. Il y a autant de chemin qui sépare la plaignante de la victime que l'accusé du condamné. […] Alors on entend cette jeune femme, elle est interrogée par le journaliste et puis le commentaire de l'animateur c'est "et Tariq Ramadan persiste à nier". Non! Tariq Ramadan nie.
Et il persiste au regard d'un témoignage recueilli dans des conditions singulières, par un journaliste, qui semble accablant à l'animateur. Mais ce témoignage n'a pas été soumis au contradictoire. C'est cela la défense. C'est effectivement empêcher de juger. C'est poser des questions. Et tous cela qui sont sur les réseaux sociaux et qui s'agitent, si un jour ils sont accusés, qu'est-ce qu'ils font? Ils vont sur la chaîne d'info continue ou ils vont voir un avocat?»
La déclaration de l'avocat pénaliste de renom, au micro de Frédéric Taddeï, a depuis été reprise par les défenseurs de Tariq Ramadan. De là, à imaginer que Maître Dupond-Moretti devienne le représentant de l'islamologue…
Finalement, une chose est sûre ce 28 février: le secret de l'instruction, lui, a été de nouveau violé!