«Que le Tribunal Administratif du Sport (TAS), composé d'experts en droit, revienne sur ces décisions sur un grand nombre de cas d'athlètes, c'est simplement logique, parce que, dès le départ, les décisions n'étaient pas légales.»
Pierre Sallet, expert sur la question du dopage, docteur en physiologie et président d'Athletes for Transparency- association promouvant l'intégrité dans le sport-, revient sur l'affaire des athlètes, condamnés par le CIO, mais innocentés par le TAS.
Pour mémoire, le 1er février, le Tribunal Administratif du Sport (l'institution indépendante qui participe à la résolution des litiges dans le domaine du sport par le biais de l'arbitrage et de la médiation) a blanchi 28 athlètes et membres de l'encadrement russes. Sanctionnés par le CIO pour leur implication présumée dans le système de dopage institutionnalisé et suspendus à vie, ces sportifs ont donc été réhabilités.
Dans ce conflit entre le Tribunal Administratif du Sport et le Comité International Olympique, Pierre Sallet estime que le CIO s'est trompé dans son jugement et conteste son positionnement dans l'affaire du dopage des sportifs russes:
«Pour ma part, j'avais trouvé que la décision qui avait été prise de sanctionner un certain nombre d'athlètes ne correspondait pas au droit qui devait s'appliquer [car, ndlr] le droit, au niveau de la lutte antidopage, est basé sur la sanction individuelle. […]
Le dossier a été très mal géré depuis le début, puisque [les institutions, le CIO notamment, ndlr] ce sont éloignées du droit.»
Malgré la décision du TAS, pourtant basée exclusivement sur le droit, le CIO a confirmé que les 13 sportifs (en activité) et les 2 membres de l'encadrement russes ne recevraient pas d'invitation pour les JO de Pyeongchang.
Mais quelle que soit la décision finale du TAS, toute cette affaire nuit gravement à la compétition qui se déroule en Corée du Sud. Et si la responsabilité de cette ambiance est partagée, les instances qui régissent le système des Jeux Olympiques sont fortement fragilisées:
«Il faut vraiment repenser le système. […] Le système est à bout de souffle et des scandales antidopage, il en arrive régulièrement, alors qu'on dit que c'est le dernier et que cela va être fini et en fait, non, parce que rien ne bouge au niveau institutionnel.»
Pierre Sallet ajoute:
«Ce sont des choix politiques, des choix juridiques. Ce n'est pas le scientifique qui est en retard, c'est vraiment l'institutionnel et surtout la dimension politique et la dimension juridique qui sont eux, en retard.»
Pierre Sallet redoute les prochains scandales, qu'il estime inéluctables. Il considère en effet, que malgré le cas du dopage russe institutionnalisé, le système n'a pas évolué, aussi bien sur le plan politique que juridique. Les critiques du président du CIO ainsi que du président de la commission qui a prononcé ces suspensions, Denis Oswald, à l'encontre du TAS, ainsi que les décisions de ce dernier démontrent la faiblesse actuelle du système pour appliquer davantage d'équité dans les compétitions internationales et dans la lutte contre le dopage.
S'appuyant sur une base de données contenant les résultats de plus de 10.000 athlètes, l'enquête affirme que 50 de ces sportifs soupçonnés seront présents à Pyeongchang, cinq jours avant le début des JO.
Mais Pierre Sallet conteste les conclusions de cette enquête et il se veut très prudent:
«Il faut toujours être très prudent avec ces résultats. On peut dire qu'effectivement, il y a des variations qui peuvent sembler anormales, mais ne commettons pas d'erreur, il faut connaître la spécificité de chaque dossier et de chaque dossier individuel. […] Se baser sur des chiffres pour dire que l'athlète est positif ou négatif, cela ne fonctionne pas comme cela.»