Il rappelle que le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a récemment entrepris une tentative désespérée d'interdire la construction du gazoduc en question, en appelant le secrétaire d'État américain Rex Tillerson à élargir les sanctions et à imposer des amandes aux sociétés européennes prenant part au projet.
Considérations géopolitiques
Or, souligne l'auteur de la publication, derrière les paroles de Morawiecki se cachent les intérêts économiques. Selon lui, les compagnies américaines engagées dans l'extraction du gaz de schiste veulent se faire une place sur le marché européen, et la Pologne «cherche à profiter de la situation».
L'année dernière, l'entreprise pétrolière et gazière publique de Pologne PGNiG avait été la première en Europe à signer un contrat de cinq ans pour des livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. Depuis lors, 14 pétroliers transportant du GNL en provenance des États-Unis sont arrivés dans le port polonais de Swinoujscie, transportant 1,6 milliard de mètres cubes de gaz, est-il indiqué dans la publication.
La consommation annuelle de gaz naturel de la Pologne est de 15 milliards de mètres cubes, dont les deux tiers proviennent de Russie.
Ambitions audacieuses
Cependant, les ambitions de Varsovie ne se limitent pas au simple fait de remplacer le gaz russe par un gaz provenant des États-Unis ou d'ailleurs. La Pologne voudrait devenir une plaque tournante gazière de premier plan pour l'Europe de l'Est et l'Europe centrale. «Le calcul est le suivant: le GNL américain et qatari afflue vers le terminal de Swinoujscie, dont la capacité sera portée à 7,5 milliards de mètres cubes», écrit l'auteur de la publication.
Les experts ont cependant des doutes sur la faisabilité de ces projets, rappelle Naoumov. La décision d'étendre le terminal de Swinoujscie, motivée politiquement, est trop coûteuse pour que la Pologne la finance seule, écrit-il se basant sur l'avis de la spécialiste Lioudmila Studenikina, de l'Université d'État du pétrole et du gaz.
«Mais ce qui irrite particulièrement la Pologne, c'est le gazoduc Nord Stream 2. Celui-ci prive la Pologne des profits du pays de transit et remet en question la viabilité économique de la vision de Varsovie de diversifier l'approvisionnement en gaz naturel de l'Europe. En plus, il ne faut pas oublier que le gaz acheminé par les gazoducs est moins chers que le GNL. Comme l'affirment les experts américains, les Polonais devront débourser environ un milliard d'euros de plus pour le gaz américain par rapport aux volumes similaires fournis par le russe Gazprom», écrit-il.
Or, les pays européens, sachant où sont leurs intérêts, ne réfléchiront pas à deux fois pour opter pour le gaz russe, dès que le Nord Stream 2 sera mis en service. Ce qui stoppera net les ambitions de la Pologne de se lancer sur le marché européen du gaz, conclut-il.