Vietnam
En 1961, au milieu de l'incapacité des troupes américaines et sud-vietnamiennes à contrer les miliciens Viet Cong, le Président américain John Kennedy a autorisé l'utilisation de substances chimiques, défoliants et herbicides, y compris l'agent orange, au Vietnam du Sud pour éliminer des jungles, abris des partisans et des sources de nourriture. Après plusieurs missions de tests, Washington a lancé l'opération de grande envergure Ranch Hand qui a touché non seulement le territoire vietnamien, mais aussi ceux du Laos et du Cambodge. Elle a duré jusqu'en 1971. Pendant cette décennie, l'armée américaine a dispersé plus de 80 millions de litres de substances toxiques au Vietnam.
Malgré le fait qu'elles n'aient pas été directement utilisées contre des êtres humains, les conséquences sont effrayantes. Près de quatre millions de Vietnamiens, Laotiens et Cambodgiens ont été exposés aux herbicides lors de la guerre. La majorité de ces gens et leurs enfants, nés après 1971, souffrent de maladies génétiques graves. Le personnel militaire et civil américain, soit 2,8 millions de personnes, a aussi fait face à des conséquences similaires.
La nature et l'agriculture de cette région d'Asie du Sud-Est a aussi sévèrement souffert des opérations chimiques américaines. Des dizaines de millions d'hectares de forêts et de terres agricoles touchées par l'agent orange ont été irréversiblement dégradées, le monde animal a désespérément perdu sa richesse.
Guerre Iran-Irak
Une participation indirecte à un conflit peut aussi entraîner une responsabilité pour ses moments sombres.
Lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988), Bagdad a effectué une série d'attaques chimiques, y compris en utilisant du gaz moutarde, contre les Iraniens et des Kurdes soupçonnés de sympathies pour Téhéran. Ces actions irakiennes ont coûté la vie et blessé près de 100.000 personnes. Mais sans intérêt américain dans ce conflit, les victimes auraient pu être moins nombreuses.
Les arsenaux chimiques irakiens ont été formés avec l'aide d'entreprises de plusieurs pays occidentaux, notamment l'Allemagne de l'Ouest, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis. Ces derniers ont continué à soutenir Bagdad pendant la guerre, dans différents domaines, tout d'abord, en effectuant des livraisons de biens et technologies à double usage en Irak. De plus, des renseignements fournis par la partie américaine ont été utilisés par les militaires irakiens lors d'attaques chimiques contre les Iraniens.
L'administration de Ronald Reagan n'a pas cessé de soutenir son protégé du Moyen-Orient, même après son utilisation de substances toxiques contre la population civile kurde.
En dehors des activités sécrètes, Washington a soutenu Bagdad avec des moyens diplomatiques. En 1986, les États-Unis ont été le seul membre du Conseil de sécurité de l'Onu à opposer son veto à la résolution onusienne accusant l'utilisation d'armes chimiques par Bagdad.
Deuxième bataille de Falloujah
Paradoxalement se sont ces mêmes arsenaux chimiques et biologiques qui ont provoqué l'invasion américaine de l'Irak en 2003, dont les conséquences étaient liées au cas le plus récent d'utilisation directe d'armes chimiques par les États-Unis.
En 2004, lors de la deuxième bataille de Falloujah, les troupes américaines ont utilisé du phosphore blanc contre des combattants de groupes armés luttant contre les nouvelles autorités irakiennes formées après le renversement de Saddam Hussein.
D'abord, le commandement américain a nié l'attaque chimique et s'est justifié par une utilisation incorrecte de munitions d'éclairage. Toutefois, sous la pression médiatique et de nombreux témoignages, le Pentagone a dû reconnaître l'utilisation du phosphore blanc à des fins militaires. Néanmoins, il a souligné que cette substance toxique n'avait pas été utilisée contre des civils et que Washington avait le droit de l'utiliser.
Selon la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), le phosphore blanc peut être utilisé comme un moyen pour illuminer un champ de bataille ou produire de la fumée, mais son utilisation militaire est interdite. En plus, la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) proscrit l'emploi d'armes incendiaires dans des lieux de concentration de population civile. Mais Washington ne l'a ratifiée qu'en 2009.