Hyperloop, tel est le nom d'une technologie particulièrement ambitieuse de transport urbain imaginée et rendue publique en août 2013 par Elon Musk (SpaceX, Tesla Motors, Solar City) et qui doit permettre à ses passagers de voyager à la vitesse quasi supersonique de plus de 1.200 km/h. Une prouesse technique rendue possible grâce à la basse pression maintenue dans le tube dans lequel sera projeté par sustentation magnétique le module de transport.
«Nous utilisons ces mêmes voies pour produire de l'énergie avec des panneaux solaires, du vent, l'énergie cinétique du freinage… En fonction du climat et même de la géothermie, idéalement, nous comptons sur la route pour produire plus d'énergie que nous n'en utiliserons.»
La vente du surplus d'énergie est ainsi partie prenante de ce modèle économique, sur lequel l'homme d'affaires allemand revenait déjà longuement, en 2016, avec les journalistes du Journal du net. Il y évoquait notamment les modèles économiques de firmes telles que Google et Facebook, qui demeurent particulièrement profitables malgré leurs infrastructures coûteuses et l'accès à des services gratuits qu'elles proposent. Une rentabilité qui pourrait par ailleurs être renforcée par la diffusion de publicités.
Cette dernière mesure suscite régulièrement l'intérêt des journalistes, car elle laisse entrevoir la gratuité des billets. Tout sera vraisemblablement une question d'offre et de demande, à en croire Dirk Ahlborn: ceux qui voyagent aux heures creuses pourraient être particulièrement visés par cette offre.
«Pour votre billet Hyperloop, idéalement, vous ne paierez rien. Vous serez peut-être en train d'utiliser certains services que l'entreprise de transport monétisera.»
Mais attention, si des compagnies tierces pourraient ainsi s'inviter le temps du voyage, il ne sera pas question que le voyageur soit assailli de messages publicitaires intempestifs. Il sera question de distractions. Comme l'évoque Dirk Ahlborn, personne ne l'a distrait durant ses 11 heures d'avion jusqu'en Suisse. Un paradoxe pour cet homme d'affaires, qui évoque les milliards dépensés en marketing afin de s'assurer qu'un consommateur soit au bon endroit et disposé à consommer, alors qu'un individu est pleinement disponible durant un tel trajet. Pour lui, l'Hyperloop n'est donc pas qu'une simple question d'innovation en matière de transport…
«Lorsque nous avons examiné la situation économique, nous nous sommes rendu compte qu'il n'y avait pas, dans le monde entier, une seule ligne de chemin de fer ou de métro qui soit rentable. Elles dépendent toutes de subventions gouvernementales. C'était quelque chose de surprenant pour moi, parce que l'industrie ferroviaire a été développée par des entrepreneurs et qu'elle était très rentable et petit à petit, elle est devenue complètement dépendante des gouvernements.»
Un modèle économique qu'il entend mettre à profit pour se distinguer de ses concurrents, qui ne manquent pas. Il faut dire que depuis le lancement du projet, des dizaines de projets ont été lancés partout dans le monde. Si l'entreprise cofondée par Dirk Ahlborn et Bibop Gresta, Hyperloop Transportation Technologies (HTT), a été créée dès les débuts de l'aventure Hyperloop en 2013, elle doit par exemple faire face à la concurrence d'une start-up nord-américaine, Hyperloop One (ex Hyperloop Technology Inc). Lancée en 2015, cette dernière- qui a notamment reçu le soutien de Richard Branson, détenteur du groupe Virgin- s'est dite prête, après un second test réussi dans le Nevada fin juillet 2017, à passer à la phase de commercialisation, avec une première mise en service à l'horizon 2021.
Tout comme son principal concurrent, HTT entend passer rapidement à la commercialisation. Espérant initialement parachever d'ici 2020 une ligne de près de 8 kilomètres à Quay Valley, une ville futuriste à mi-chemin entre Los Angeles et San Francisco, ce projet d'Hyperloop est finalement tombé à l'eau en même temps que celui de voir naître cette ville. Une course contre la montre, en somme, qui pousse Bibop Gresta et Dirk Ahlborn à aller de l'avant avec les gouvernements.
«Vous devez travailler avec tous les gouvernements dans le monde parce que, comme vous le savez, l'innovation va très vite, mais les politiciens bougent parfois un peu plus lentement.»
De son côté, la France a apporté à la start-up un soutien de choix, celle-ci ayant signé en janvier 2017 un protocole d'entente avec l'État français, la région Occitanie et Toulouse Métropole afin de s'installer sur le site de l'ex-base aérienne de Francazal. Dirk Ahlborn s'est par ailleurs entretenu avec Emmanuel Macron en décembre. Une aide dont il est particulièrement reconnaissant.
«Le gouvernement français a été d'un grand soutien, ils nous ont donné un bâtiment dans la région de Toulouse où nous allons installer notre centre de R&D. C'est à Toulouse que nous allons tester nos nouvelles technologies.»
«Le gouvernement russe nous soutient aussi; il n'y a pas encore de projet concret, mais nous sommes très proches de la Russie. Il s'agit évidemment de très grands territoires où les villes ont besoin d'être reliées et notre technologie est parfaitement adaptée à ce besoin.»
Reste donc à savoir quels projets Hyperloop pourrait développer en Russie. Si Dirk Ahlborn tient à rester discret sur ses intentions, tout comme le Président de la République, il participera au prochain forum économique de Saint-Pétersbourg.